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Un short et un débardeur en guise de pyjama, un pantalon noir slim et un sweat. Le tout dans mon sac de cours vide, je le referme rapidement après y avoir fourré quelques affaires de toilettes. Je relève la tête, ma chambre est vide, éclairée par la fenêtre ouverte qui fait voler les rideaux. J'observe chaque meuble, chaque endroit, et souris sans le réaliser, parce que je reviendrais bientôt chez moi.
Je prends une grande inspiration, et vais fermer la fenêtre. Puis en quelques pas, me dirige vers la porte en attrapant mon sac au vol, posé sur la chaise, à peine rempli.
Je m'arrête net à la porte, fronçant les sourcils "ai-je oublié quelque chose ?" Je me retourne et attrape rapidement ma petite pierre argentée que je fourre dans la poche de ma veste.
Je jète mon sac sur mon dos, et me dirige vers la sortie de la maison, pour la dernière fois.
Il n'y a personne ici, j'ai dit à la mère d'Ellie que je partais dormir chez une amie, ce qui n'est pas totalement un mensonge, puisque je vais chez Britt. Demain, c'est la fin, ou peut être le commencement.
Je suis sortie de l'hôpital dès le premier jour, n'ayant que des blessures superficielles.
Malgré tout, mon entaille au front me fait encore très mal, mon œil à dégonflé, l'entaille à ma pommette commence à cicatriser comme celle de ma lèvre tandis que le bleu du coin de ma bouche s'estompe peu à peu.
J'ouvre la porte à la volée, prête à m'en aller, même heureuse de m'en aller.
Je m'arrête net, tombant nez à nez avec Alex. La main levée, il s'apprêtait à frapper à la porte, et en me voyant, ses yeux s'arrondissent.

- Alex...

- Ellie...

Je laisse apparaitre un petit sourire, nous avons dit le prénom de l'autre pratiquement en même temps, dans le même souffle désarticulé.

- qu'est-ce que... Tu fais là ? Demandais-je en voyant qu'il ne se décide pas à continuer.

Il semble ne pas avoir entendu ma question, trop occuper à observer les blessures sur mon visage. Il attend si longtemps que je rouvrais la bouche pour répéter ma question quand il dit :

- je venais pour... (son regard passe derrière mon épaule) Tu t'en vas ?

Je passe un regard derrière moi, où mon sac pend sur mon épaule.

- oui, je... Je vais chez Britt. On part ensemble demain.

Il ouvre la bouche, comme pour demander "partir où ?" Avant de se rappeler que je vais en mission.

- est-ce que c'est Luke qui t'a fait ça ?

Ce soudain changement de sujet m'arrache un haussement de sourcils.

- Alex...

- dis-moi juste, j'ai besoin de savoir si c'est lui ou non. Me coupe-t-il.

Sa voix est irrégulière, il lâche des mots en vrac qui se transforment inlassablement en phrase dans ma tête, parce que ses yeux parlent plus que ses lèvres.

- oui, c'est lui.

Il lâche un soupir, baisse le regard un moment en pinçant les lèvres, puis il me regarde à nouveau, pendant que je redresse mon sac sur mes épaules, en fixant derrière lui, mon vélo.

- dit mon nom. Fit brusquement Alex.

- quoi ? Mon regard revient soudainement à lui, je fronce les sourcils.

- je ne sais pas ce qu'il peut t'arriver là-bas, et j'ai... Besoin de t'entendre dire mon nom une dernière fois pour longtemps ou pour toujours.

Ses mots résonnent jusque dans mes veines, je réalise pour la première fois que je pars vers un endroit très dangereux.

Son regard se fait insistant. "J'ai... Besoin." Voilà ce qu'il a dit. Il en a besoin. Alex, toujours le premier à dire ce que personne d'autre ne dira jamais. Et pour lui, je le fais, parce que je le comprends totalement, même s'il croit peut-être que je le prends pour un fou.

- Alex, dis-je d'une voix douce et souriante, Alex, Alex !

Au fur et à mesure, je commence à aussi avoir besoin de dire son nom, et il devient un mot que je prononce de plus en plus en fort avec de plus en plus d'enthousiasme.

Je finis par m'arrêter, alors qu'il sourit et que je ris pratiquement. Je baisse le regard, le relève.

- Alex Grant.

Je plonge mes yeux dans les siens, ou il l'a fait, ou peu importe. Ce qui importe, c'est que mes mains se retrouvent sur sa nuque et les siennes sur ma taille.
Et ici, dans le cadre de la porte, on s'embrasse.
Je le fais reculer, le retourne et le plaque contre le mur à côté de la porte en refermant cette dernière avec mon pied. Nos lèvres toujours scellées, j'appuie mon front contre le sien. Mon entaille à la lèvre donne du rugueux à nos lèvres, et mon bleu me fait mal, mais peu importe.
Je me détache de lui.

- Alex Grant.

Je souris et, à la volée, m'enfuis vers mon vélo que j'enfourche en une seconde, laissant Alex seul contre le mur extérieur de la maison que je ne reverrais jamais. Lui non plus d'ailleurs.

Et je pars à toute vitesse dans la rue, le sourire aux lèvres, je tourne au croisement et je suis hors de sa vue.
C'est alors qu'Ellie intervient, elle que j'avais convaincue et qui ne pouvait plus être en colère contre moi pour Alex.

- comment peux-tu le laisser t'embrasser sans qu'il ne sache qui tu es ? Dit-elle d'une voix si neutre.

Mes yeux s'écarquillent quand ses mots bouleversent tout mon corps. Je dérape, entends les pneus du vélo crisser, et je me retrouve par terre dans un grand bruit de choc.
Je lâche un grognement à demi-juron, à demi-gémissement. Je grimace, me relève en position assise.
Évidemment, avec toute la chance du monde, je suis tombée sur la droite, et j'ai donc frappé le sol avec l'exact emplacement de ma plaie au front. Cette dernière s'est d'ailleurs remise à saigner.
Je touche du bout des doigts la blessure et grimace une nouvelle fois quand le contact de mes doigts me brûlent.

- pourquoi... Tu as dit un truc pareil ? Demandais-je dans ma tête.

- c'est la vérité. Mais elle ne semble pas te bouleverser.

Si je m'étais remise sur mon vélo, j'aurais à nouveau dérapé.
Ellie ne peut pas être en colère contre moi, parce qu'elle ne le sait pas, mais son esprit est contrôlé par moi. Et puisqu'elle ne peut pas être en colère contre moi, elle me dit simplement des choses comme ça. D'une voix sèche, des mots crus, bien ficelés pour me perturber le plus possible. Elle ne peut pas être en colère contre moi-même si elle le voulait de toutes ses forces. C'est comme ça que marche la conviction, et c'est aussi pour ça que je me sens si mal de la convaincre, car je possède déjà son corps, et je prends aussi tout ce qu'il lui reste : son esprit.

Je grimace une énième fois sans répondre, et remonte sur mon vélo en titubant.
Je roule jusqu'à chez Britt, qui n'habite pas si loin de chez Ellie.
Elle vit donc seule dans un petit appartement d'un des nombreux immeubles.
Quand elle m'ouvre, elle est encore coiffée de sa capuche noire, le regard suspicieux, puis elle m'aperçoit et un sourire apparaît sur son visage.

- Ellie !

Elle porte son regard sur mon front et son sourire s'évanouit.

- tu... Tu saignes !

Je passe encore ma main sur mon front, et essuie le sang sur mes doigts.

- ouais, c'est rien, ne t'en fais pas.

Elle me fait entrer, et dès le moment où elle referme la porte, elle libère sa tignasse rouge de sa capuche. Une énième fois, j'observe la cascade rougeoyante dévaler sur ses épaules.

InhumaineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant