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Il y eut un bruit sourd, comme un crissement aigu, et je plisse les yeux avant de les ouvrir

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Il y eut un bruit sourd, comme un crissement aigu, et je plisse les yeux avant de les ouvrir.
Ma vue est floue, j'ai mal partout et je respire vraiment trop vite.
Je suis allongée, le buste un peu relevé qui se soulève à un rythme irrégulier, sur une sorte de table où on m'a solidement attaché.

Autour de moi, une pièce vide, au sol bétonné et aux murs de ciment. Il n'y a rien du tout à part moi. C'est si vide, si calme, si effrayant.

On est très, très mal. Fis-je dans ma tête.

On m'a enlevé le talkie et le pistolet, je n'ai plus rien pour me défendre.
Mes yeux scrutent les murs autour de moi, cherchent un endroit, quelque chose à quoi s'accrocher, mais il n'y a rien.

J'entends un bruit de porte derrière moi, j'essaie de voir à l'arrière et distingue une silhouette entrer. Le souffle saccadé, je me mords la lèvre et ferme les yeux une seconde. Quand je les rouvre, c'est le père d'Ellie qui se tient devant moi, apprêté dans son uniforme de l'armée.

Bon Dieu, j'ai eu si peur. Mais tout va bien, c'est son père, il va me faire sortir d'ici.

- papa ! M'exclamais-je en même temps qu'Ellie.

Seulement, quelque chose cloche. Son expression faciale. Il sourit, bien sûr, mais pas comme je pense être normal. Un sourire malsain dessine son visage.
Je ne doute pas qu'il ne doit pas être heureux de voir sa fille ici, mais...

- Ydy, parlons-nous franchement veux-tu ?

Je déglutis, les larmes me montent aux yeux. Il sait.

- je... Je suis désolée.

Je ne le nie même pas, à quoi bon ? Je ne sais que m'excuser, je n'ai aucune idée de ce que je devrais dire. À ce moment-là je me sens si vide, je ne vois plus rien à me raccrocher.

- tes excuses ne m'intéressent pas, je vais juste récupérer ma fille.

Je fronce les sourcils, la récupérer ?

- comment ça ?

Il hausse les sourcils, prend un rictus malsain. Le genre d'expression faciale qui donne des frissons qui nous parcoure l'échine.

- tu n'as pas eu le temps de lire tout le dossier ? Combien de pages as-tu lu ?

Il sait tout.

- onze. Lâchais-je, mi-étranglée par mes mots depuis son entrée.

- tu as manqué la meilleure partie ! S'exclame-t-il. Onze, ça ne te rappelle pas un chiffre avec la moindre signification ?

J'avale ma salive, cherche autant que je peux, fouille dans les recoins improbables de toute la rétrospection que j'ai. Je trouve autant que le néant. 

- onze, c'est le nombre de transferts avant le tien. Si tu avais tourné la page, c'est ta photo que tu aurais vu.

Je manque de m'étouffer. Les transferts sont connus par le gouvernement ? Alors toutes les personnes dans le dossier... Veronica a été victime d'un transfert, et je suis maintenant certaine que c'est ça qui l'a tuée.
Les larmes dévalent mes joues quand je réalise que Britt ne saura jamais ce qu'il est réellement arrivé à sa sœur.
Et moi, j'ai aussi été transférée !
Toutes les pensées se mélangent dans un flot noir grouillant dans mon cerveau. Je n'arrive plus à réfléchir, je sais juste paniquer. Si je ne pouvais jamais revenir chez moi ?
Mais comment sont-ils au courant ?

- qu'est-ce que vous allez faire ? Dis-je alors que mes yeux me brûlent.

- on va seulement te séparer du corps d'Ellie.

- quoi ? Pourquoi ? C'est impossible, on ne peut pas séparer une âme d'un corps, juste la transféré dans un autre !

Je tire sur les liens, comme si la table était en lave et que j'essayais à tout prix d'en échapper.
Il eut un autre rictus malsain, je déglutis en comprenant : ils réussissent à diviser une âme et un corps. C'est exactement ce qu'ils vont me faire.

Ma respiration accélère, ils ne peuvent pas faire ça.

- non ! Non, attendez ! Ellie est toujours dans ce corps ! Sa conscience y est toujours ! Criais-je.

Ellie, depuis le début, n'avait pas parlé, qu'est ce qu'elle peut bien penser ?

- ah oui ? Et quoi, vous êtes amies ? Dit-il, moqueur. Il ne semble pas me croire.

- oui. Soufflais-je, et il éclate de rire.

- Ellie ne serait jamais amie avec quelqu'un qui prend son corps, à moins que tu ne l'ait convaincue. Il tapote sous mon œil et je me demande ce qu'il ne sait pas.

Je me débats sur ma table essaie de me libérer de mes liens pour l'étrangler, mais je n'y arrive pas, et il n'a même pas bronché. Des larmes de rage coulent sur mon visage.

Ydy... Tu n'as pas fait ça, si ? Fit Ellie.

Je pince les lèvres.

- je suis désolée. Dis-je à voix haute, les yeux débordant de larmes.

Ce n'est pas vrai ! Ydy ! Tu me voles mon corps, ma vie, ma famille, mes amis, et maintenant mes pensées ! Tu n'es qu'un monstre ! Hurle-t-elle, et je pleure de plus belle.

J'ai l'impression que mes poumons brûlent de colère, que chaque bouffée d'air est accueillie par un incendie.

Je suis incapable de lui en vouloir, elle a toutes les raisons de me hurler dessus. Et elle dit vrai : je ne suis qu'un monstre.

- Ellie ne peut pas être là. Ça n'est jamais arrivé. Fit son père un moment plus tard, alors que ma crise de larmes est passée.

- oh, parlons-nous franchement, je sais que vous avez quand même un doute. Dis-je avec toute la haine et le dégoût que je ressentais.

Je n'ai jamais ressenti autant de négativité en moi, la rage prend le dessus. J'en veux tellement à son père. J'ai peut-être forcé Ellie, mais elle est réellement devenue une amie pour moi. Il a tout brisé.

Il relève la tête et me regarde en plissant les yeux. Puis il se retourne :

- emmenez-la, on est prêts pour la division ?

Je sens des personnes derrière moi, et je ne tarde pas à sentir mes liens se desserrer. On me libère de ma table, mais mes liens sont solidement tenus. J'ai beau me débattre comme une dingue, hurler à la mort en espérant que quelqu'un de l'OSSR m'entende, crier des injures jusqu'à ce que mes poumons ne supportent plus, rien y fait.

On me conduit à une autre pièce, si sombre que je ne vois pas les deux marches après la porte.
Je trébuche et manque de tomber sur le sol qui est complètement trempé.

J'avale ma salive difficilement, on m'attache à une chaise et remplace mes liens avec d'autres en métal. On m'attache une plaque métallique sur le buste, je me débats, mais peux à peine bouger.
Le père d'Ellie s'accroupit à ma hauteur devant moi :

- ça va faire un peu mal, mais dit toi que quand tu serais hors de tout corps, tu ne sentiras plus rien. Il sourit, visiblement amusé. Pauvre con.

- ça ferait autant mal à Ellie alors. Lâchais-je, froide.

Il m'observe un moment, se relève et m'asperge d'eau en donnant un coup de pied dans la flaque géante qui recouvre tout le sol, je tourne la tête et grimace. Mon envie de le tuer augmente un peu plus à chaque seconde. Il fait signe aux autres de le suivre en sortant, et je suis seule dans la pièce, frigorifiée, apeurée.

Puis un bourdonnement retentit, et je ne tarde pas à hurler de douleur.

InhumaineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant