Inhumaine

Épilogue

13 juin, 11h38, Carson City, Terre.
Debout devant son miroir, Alex tente de fermer le dernier bouton de sa chemise de ses doigts tremblant. Il soupire en regardant dans le miroir, le reflet du poste de radio derrière lui.
« Trois semaines après la disparition de Brittany Hudgens. Des soldats de l'armée ont retrouvé son corps dans le désert il y a trois jours. La police d'état avait affirmé vouloir s'occuper de l'autopsie...
Alex pose une main furieuse sur le bouton d'arrêt de la radio en jurant entre ses dents, insultant le gouvernement de son pays.
Il savait très bien que c'étaient eux qui avaient tué Britt, et pour lui, rien n'était plus dégueulasse que de trafiquer une mort.
Un voile de larme sur les yeux, il passe sa main sur sa chemise noire qu'il porte pour l'enterrement de son amie.
Il s'appuie sur son bureau de ses deux mains, les bras tendus, il laisse sa tête plonger entre ses épaules. Quand il la relève, il aperçoit dans le coin du meuble la photo d'Ydy. Souriante, chaleureuse, adorable et lumineuse, il lui arrivait de la fixer durant des heures depuis son départ. Il la prit entre ses doigts se souvenant du moment ou elle avait rejoint les étoiles.
Quand elle était partie, il était resté encore quelques secondes dans les bras d'Ellie qui reprenait possession de son corps avec le goût amer que donnait le vide qui remplaçait Ydy. Elle avait murmuré le nom d'Alex et ils s'étaient détachés. Il avait baissé la tête pour ne pas lui montrer ses larmes, mais elles coulaient sur tout son visage.
Il avait appris à s'en remettre, mais ce qui lui faisait le plus mal, c'était de ne pas savoir si elle savait s'en remettre.
Il se jeta en arrière sur son lit et leva la photo devant ses yeux, laissant le soleil lui brûler les yeux, il s'en fichait. Puis il remarquait des sortes d'inscription sur la photo qu'il n'avait jamais vu. Il se releva en position assise et elles disparurent. En relevant la photo devant le soleil, il les revit. Au dos, c'était au dos qu'il y avait ces inscriptions, il ne les avait jamais remarquées.
Il retourne la photo, et découvrit un enchaînement de chiffre et de lettre formant des codes indéchiffrables. Et en dessous, une note écrite à la main "prouve moi que tu es vraiment un petit génie de l'informatique" qui faisait référence à la première fois où ils s'étaient vu à l'OSSR. En dessous, elle avait dessiné un petit smiley souriant, aussi souriant et pétillant que son regard de l'autre côté de la photo.
Il souriait de toutes ses forces à s'en faire mal aux joues. Il ne savait pas s'il arriverait à utiliser le code, mais peut importe le temps que ça prendra, il fera le premier contact avec Nova, oui, il se le jura.

*

13 juin, 05h37, Norsilvia, Nova.
Ses doigts tremblaient en parcourant le drap que ses ongles griffaient. Les yeux fermés et crispés, elle essayait de s'extirper de son cauchemar.
Elle se réveilla en sursaut et avant même de prendre le temps de respirer, elle saisit une poignée de ses cheveux qu'elle ramena devant ses yeux. Ils étaient bleus. Son cœur ralentit, sa respiration se calma.
Ydy se relève dans son lit en essuyant du revers de la main la sueur de son front. C'était encore lui. Alex. Toujours dans ses rêves, puis il lui arrivait à chaque fois quelque chose d'horrible.
Cette fois, elle l'avait vu attaché à la chaise où elle avait elle-même été attaché. Les pieds pendants dans la flaque géante d'eau, il hurlait à la mort en gigotant, se tordant de tous ses membres à cause de la douleur de l'électrocution. Sa bouche tendue se tordait dans un rictus douloureux, son front plissé laissait des cheveux mouillés retomber.
Ydy était convaincue qu'elle ne pourrait jamais oublier cette image bien que ça ne soit qu'un rêve. Parce que toutes les autres images, elle les avait gardés en tête, les images de chaque cauchemar de chaque nuit depuis trois semaines.

- tu as encore fait un cauchemar ? Surgis une voix depuis la pénombre.

Cray alluma la lumière à côté de lui et une auréole lumineuse prit place au-dessus d'eux.

- ça fait trois semaines maintenant Ydy, il faut que tu l'oublies. Reprend-il

Pour la première fois depuis sa naissance, Ydy méprisait son frère.
L'oublier ? Espèce d'idiot, c'est exactement ce que je me force à faire depuis mon retour dans le vaisseau. C'est la cause de mes cauchemars, mais personne sur Nova n'a jamais eue à oublier quelqu'un pas vrai ? Puisqu'ici, tout est idyllique, l'amour est si simple, je t'enverrais bien dire bonjour aux Terriens moi ! Pense t'elle en le fixant avec dédain.
Il ne comprend pas, personne ne pourrait comprendre. Même si elle l'expliquerait avec les mots d'Alex, qu'elle comprenait maintenant parfaitement, et qu'elle connaissait par cœur.

- je fais que ça. Répond-elle simplement, à défaut de lui sauter à la gorge.

Elle se retourne pour attraper un papier à la gauche de son lit et tapote dessus avec deux doigts. Une encre y apparaît et écrit le journal sous ses yeux. La technologie de Nova n'avait guère manqué à la jeune femme, mais elle était tout de même heureuse de finalement la retrouver.
Elle se recoucha, tandis que Cray se leva et sortit, probablement pour aller chercher à boire.
Blottie contre ses coussins, elle épluchait les nouvelles depuis trois semaines. Elle recherchait la nouvelle qu'elle attendait. Alex.
Avait-il trouvé son mot derrière la photo ? Celui qu'elle avait écrit durant la nuit, avant de se remettre sous les draps contre lui. Peut-être qu'il avait perdu la photo, ou qu'il ne l'a regardait tout simplement pas. Peut-être n'arrive-t-il pas à déchiffrer le code ? Ydy n'y connaissait rien en informatique, elle ne peut pas le faire toute seule de son côté, elle doit attendre qu'il vienne à elle. Mais il lui en a assez appris pendant toutes ses heures dans le même bureau à l'OSSR pour que lors de son bref retour dans le vaisseau elle préleva quelques codes informatiques des ordinateurs de Nova.
Je t'en pris Alex, trouve moi.
Elle parcourait des yeux les nouvelles du jour en coinçant une mèche bleue derrière son oreille. Trouve moi.
Le mot "Terre" vient interpeller son regard, elle se fit patiente pour ne pas avoir de fausse joie. Elle lut : "les voyages sur Terre sous votre vraie forme ? Une collaboration avec une association terrestre, l'OSSR, les voyages seront bientôt possibles !"
Aussi étonnée que troublée, une vague de souvenir en patch work lui revint en tête alors qu'elle relevait les yeux, un demi-sourire impatient sur le visage.