Tenez-vous droite !

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Les rayons d'un soleil éclatant se déversaient par les grandes fenêtres du hall, éclairant les grands escaliers que les jeunes résidentes empruntaient chaque matin pour se rendre dans la salle à manger. Vêtue d'une robe rose pâle, les cheveux simplement noués avec un ruban de satin, Alexis paraissait s'intégrer parfaitement aux autres jeunes filles qui l'entouraient. Son air calme et en apparence serein cachaient en réalité son profond ennui. 
Cela faisait près d'une semaine qu'elle était arrivée au château de Vicronelle, et ses nerfs étaient mis à rude épreuve. Mel avait dû usé de beaucoup de patience pour l'inciter à enfiler les robes, les jupes, les chemises aux manches et cols de dentelles, les vestes excessivement cintrés, les chapeaux emplumés et coiffures enrubannées. Elle s'était pourtant résigné à porter les vêtements de rigueur dans ce château malgré leur inconfort, et les deux jours qui lui ont été nécessaires pour s'habituer à marcher avec des escarpins sans se prendre les pieds dans ses jupes trop longues. Par contre les heures passées à écouter la leçon quotidienne de la baronne de chêneau sur les rôles d'une bonne épouse d'aristocrate et d'une maîtresse de maison étaient un véritable enfer. La vieille femme paraissait convaincue que les qualités primordiales pour toute jeune fille est l'obéissance et l'effacement de sa personnalité intérieur pour laisser éclater au grand jour la distinction de ses bonnes manières et la prestance de sa tenue et d'autres bêtises dans ce genre qui donnait envie à Alexis de s'enfuir en courant. Les leçons de maintient et d'étiquette étaient encore supportables, Alexis avait dû en prendre lors de ses leçons d'équitation pour apprendre à avoir un port droit et militaire sur sa monture. 
Elle s'était en plus beaucoup approchée de Lydie qui avait un rire entrainant et des remarques  plutôt "intéressantes" sur les résidentes et leurs hôtes, elle s'entendait bien aussi avec Perle et Eshal qui se connaissaient toutes les deux depuis leur enfance, le domaine de leur famille étant voisins. Elle appréciait par ailleurs le calme imperturbable d'Aïko et son esprit vif, sa mère était originaire d'une puissante maison princière du territoire des plaines de Jade Orientales, quant à son père il était l'héritier du vieux comte de Pourpreterre, ce qui faisait d'elle en tant que fille unique de cette influente et riche  famille un parti très recherché, bien que, contrairement à d'autres filles comme Pyra qui se vantaient de l'importante dot que leur famille leur avait octroyé et qui leur garantirait donc un bon mariage, Aïko ne se pavanait pas en adoptant un air dédaigneux. C'était une jeune fille simple et seule la richesse des coupes et des tissus de ses vêtements attestaient de la fortune de sa famille.
Les jeunes filles se rassemblèrent comme chaque matin devant la table du petit déjeuner et chacune s'assit à sa place en se servant dans les nombreux plats de pâtisseries, crèmes, confitures, oeufs, beurre et variétés de petits pains chauds.
Un des serviteur chargé du service du matin passait avec des beignets à la confiture de lait et Lydie en pris deux avant de se tourner la bouche pleine vers Alexis, " ne trouves-tu pas que les repas qu'on nous sert ici sont fabuleux ? " s'exclama-t-elle avec un air de pur ravissement dans les yeux. Alexis qui avait remarqué le faible qu'avait son amie pour les mets sucrés ne put s'empecher de rire devant l'expression de bonheur qu'affichait Lydie en remordant dans son beignet.
- Mademoiselle de Sebastée ! Ayez donc la décense de ne pas parler la bouche pleine je vous pris !, clama la baronne de chêneau d'une voix grésillante faisant sursauter Lydie qui avala de travers. Alexis lui passa rapidement un verre de jus de fruits et lança un regard menaçant vers Pyra et ses amies qui riaient, ravies de l'humiliation de la jeune fille. 
- Merci, chuchota Lydie les joues encore rouges et les yeux larmoyants.                          
Alexis était folle de rage. Cette vieille chêneau ne valait pas mieux que Pyra et ses acolytes, pensant que leur titres ou leur position leur donnaient le droit d'humilier ainsi qui elles voulaient. Cette dernière semaine elle avait été leur cible préférée mais elles avaient vite déchanté. Elle était bien plus forte qu'elles et s'était efforcée d'ignorer leur remarques acerbes ou les regards moqueurs qu'elles lui lançaient derrière leurs éventails. Ce n'était pas le plus dur à supporter. Le plus dur était de vivre recluse derrière les murs du château, il y avait pourtant de grands jardins et un immense parc, mais avec la guerre et la rumeur que des soldats sydiens s'étaient infiltrés dans les terres Kenariennes, on avait interdit aux jeunes filles de s'y promener, les demeures des membres de la famille royale étant les plus menacées. On leur avait aussi promis des visites au palais royal ou elles pourraient assister à des spectacles ou des soirées mondaines. Mais la promesse de plus de mondanités n'enchantait pas Alexis. De la fenêtre de sa chambre elle pouvait apercevoir le bâtiment de l'Académie du Dauphin, la célèbre institution qui accueillait les jeunes garçons issus de la noblesse, chargée de leur enseigner les maniements militaire et l'art de la guerre ainsi que différentes disciplines jugées utiles à leurs futurs fonctions. Voilà ce qui faisait rêver  Alexis. Le droit de s'exercer à l'escrime ou au tir à l'arc dans la cour de l'académie ou encore les cours de la cavalerie sur des montures dressées au combat, et les cours de stratégie militaire. Au lieu de cela elle apprenait à coudre, à broder, à danser, se tenir droite, faire la conversation, servir le thé et d'autres choses tout aussi ennuyeuse. Elle soupira. Sa seule consolation était l'espoir de pouvoir faire amener sa jument dans les écuries de ce château, elle pourrait ainsi passer quelques heures avec Soie en dehors de ces murs confinés. Sa décision était prise elle irait parler aujourd'hui même à la princesse Lucillia.

Le petit déjeuner s'était achevé en silence et les jeunes filles rejoignirent la baronne de chêneau dans une grande bibliothèque. Alexis avait été fasciné en découvrant cette salle le lendemain de son arrivée. Cette pièce très spacieuse était entièrement meublée de grandes étagères en bois précieux sculptées et vernis, fixées aux murs et remplies de livres de toutes tailles et de toutes épaisseurs traitant de divers sujet, allant de journaux de bords de célèbres flibustiers aux romans d'aventure en passant par des traités d'herbologie. Mais en voyant l'usage qu'en faisait la vieille baronne, Alexis fût complètement sidérée. Celle-ci choisissait les livres non pas pour leur contenu mais pour leur taille et leur épaisseur avant de les poser sur la tête de ses élèves en leur intimant de marcher le dos bien droit. Incrédule, Alexis se vit poser un de ces énorme livre sur le dessus de son crâne et contrainte de faire le tour de la salle comme les autre jeunes filles en veillant à ne pas le faire tomber. Cette astuce classique comme l'expliquait la baronne, visait à enseigner un bon maintient du dos et de la tête.
Après avoir tourné en rond pendant deux longues heures dans la bibliothèque en essayant de maintenir en équilibre un épais volume d'histoire Kennarrienne, ponctuées de " allons, allons, plus droite que ça mademoiselle vous avez la démarche d'un albatros ! ", Alexis fût heureuse de voir leur vieille préceptrice s'affaler lourdement sur un fauteuil en s'éventant énergiquement de son éventail, les joues et le front rouge perlants de sueur, épuisée par la chaleur de cette fin d'été. Prenant aussitôt congé des autres résidentes, la jeune fille se dirigea rapidement vers le bureau de la princesse Lucillia, décidée à lui présenter sa requête. Elle s'arrêta juste devant l'épaisse porte en bois sculpté, lissa sa jupe et replaça quelques mèches qui s'étaient échappées de sa coiffure, ce n'était pas le moment de faire mauvaise impression. Elle toqua poliment et attendit comme il se devait l'invitation à entrer avant de pénétrer dans la pièce intimidante qu'occupait la soeur du roi en esquissant une révérence. Celle-ci l'accueillit avec un sourire et un ton aimable,
" Bonjour mademoiselle de Liaire, la journée s'annonce particulièrement chaude n'est-ce pas ?"
- Heu, oui en effet, répondit Alexis en jouant le jeu des politesses d'usage.
- puis-je vous aider ?
- oui, enfin je veux dire vous pourriez en effet m'aider si cela ne vous importune nullement votre altesse.
- veuillez vous asseoir mademoiselle, dit-elle en proposant un fauteuil en face de son bureau. Une fois sa jeune invitée installée, elle reprit : " je vous écoute, en quoi puis-je vous être utile ? "
- J'aimerais vous demander une faveur. Je possède une jument qui se trouve dans les écuries du domaine de ma famille. Elle est un présent de mon père et j'y suis particulièrement attachée. Comme vous le savez j'ai intégré votre château contre mon gré, ce n'est pas pour me montrer ingrate envers votre hospitalité, ajoutât-elle précipitamment en voyant la princesse hausser les sourcils, vous avez une demeure magnifique, mais j'ai toujours eu l'habitude d'avoir accès aux écuries même en période de guerre. Le confinement qui est imposé ici me serait bien plus supportable si vous pouviez m'autoriser à faire parvenir Soie ma jument dans votre cheptel et à lui rendre visite de temps en temps. Je vous assure qu'elle est parfaitement calme j'ai veillé moi-même à son dressage.
- Vous avez vous-même dressé un cheval ?, elle haussa une nouvelle fois les sourcils, et bien je comprend votre demande mais cela ne sera pas possible je le crains.
Alexis resta sans voix. Elle avait tellement attendu ce moment-là pour recevoir une réponse aussi catégorique. Voyant la détresse de la jeune fille, la princesse s'expliqua,
- Alexandra, vous avez eu une éducation pour le moins originale, pour ne pas dire marginale. Aucune jeune fille issue de la noblesse ne possèderait normalement de cheval et n'en monterait encore moins, quant a en dresser ce serait complètement absurde. Cette institution vise à apporter à chacune de mes résidente l'apport de valeurs sures et respectables. Mon rôle est de vous protéger de rumeurs qui pourrait vous nuire ma chère et pas de vous contrarier.

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4000 vues déjà !!! Trop contente ! Pour fêter ça voici un chapitre un peu plus long que d'habitude et la suite très prochainement. Merci encore pour tout les commentaires et les votes qui sont tellement motivants ! Alors n'oubliez pas de me dire ce que vous en pensez en commentaires, et de votez !!!!

AlexisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant