29. Un crayon et une feuille

11.4K 526 29
                                    

J'avais retenue mon souffle quand j'avais ouvert la porte, une boule d'appréhension coincée dans le ventre.

Je m'étais fait toutes les possibilités possibles et imaginables de ce moment, préparé, presque comme pour un discours, ce que j'allais lui dire, simulant ses réponses, son ton... J'étais prête pour n'importe quelle situation, sauf pour celle-ci.

Sauf pour celle où je me retrouvais ridiculement seule, à avoir angoissé pour rien, nada.

J'aurais dû être soulagée, souffler un bouc coup et évacuer le stress qui m'avait envahit, et pourtant, j'étais frustrée, déçue.

Déçue de ne pas avoir ma dernière explication avec lui, j'avais même bêtement imaginé une possibilité de pardon, une bonne excuse de sa part, un "j'en ai rien à foutre de Julie, c'est toi que je veux !", un, deux, trois baisers, et plus encore. Ridicule n'est-ce-pas ? Encore plus ridicule de par le fait que j'étais seule, avec, comme seul défouloir, un crayon et une feuille. Pathétique.

N'ayant pas vraiment d'autres possibilités, je m'étais résignée à lui écrire un petit mot. Peut-être ne le lirait-t-il jamais, mais au moins, j'aurais extériorisé ce qui me rongeait, mis des mots sur les émotions si contradictoires que je ressentais.

Il m'en avait fallut du temps, de longues minutes, sûrement un bonne vingtaine, pour écrire finalement ces quelques phrases.

"Thomas,

Crois-moi, j'aurais préféré te dire tout cela à voix-haute, mais tu n'es pas là, et moi, je ne reviendrai plus.

Je me suis sûrement attachée trop vite, et pour de mauvaises raisons. Ou peut-être ne me suis-je jamais attachée. Quand il s'agit de toi, tout est flou chez moi.

On attend pas la même chose, on est pas pareil. J'ai juste été naïve de le croire quelques instants.

Rester ici avec toi, c'est trop dur. Trop dur de te savoir et de te voir avec d'autres. Je sais que je n'ai pas, et que je n'ai jamais eu mon mot à dire sur tes relations. Par contre, je peux décider de partir. D'essayer de t'oublier et d'arrêter de souffrir.

                                   Marie"

J'avais rassemblé les quelques affaires qui étaient restées dans ma chambre et j'étais sortie de l'appartement, pour la dernière fois.

Une fois dans la rue, je ne pu retenir mes larmes, franchir la porte du hall avait marqué la fin de nombreuses choses. La fin de cet appartement, la fin des heures perdues passées au Comptoir des murmures, la fin de toute relation avec Thomas.

Sur mes joues, des larmes de satisfaction et de mélancolie se mélangeaient et glissaient jusque dans mon cou.

Mes lèvres déshydratées par l'angoisse précédente, le soutien gorge que je tenais sans grande discrétion dans ma main gauche, des vélos de tailles et couleurs différentes près d'un immeuble voisin, tout me ramenait, systématiquement, et inlassablement à lui.

Je marchais lentement sur le chemin du retour, ne voulant pas rentrer directement, je m'autorisais un moment de calme, car je savais ce qui m'attendait, un long et extrêmement précis interrogatoire de la part de Mélissa.

Je la comprenais, à sa place, j'aurais sûrement fais pareil. Seulement, je n'allais pas savoir quoi répondre, ou plutôt, je savais très bien ce que j'allais dire "il n'était pas là, dommage j'aurais rêvé de l'engueuler", et je savais surtout ce que je n'allait pas dire, ce que j'allais lui cacher "il n'était pas là, j'ai hésité à rester l'attendre, je voulais le voir, le toucher, simplement lui parler, lui dire que j'étais en colère, que je lui en voulait, que je le détestais et que, pourtant, j'étais tombée amoureuse de lui".

Tu m'as changéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant