La bigamie c'est une femme de trop ... La monogamie aussi.

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 Sacha Guitry


Même au bout d'un mois les cours de philo sont toujours aussi chiants. Je dirais même qu'ils le sont plus. Je me traîne avec lenteur vers cette salle, après tout pour quoi se presser ? Je prends le temps de discuter tranquillement avec Jess et Bryan avant d'entrer en classe.


— Monsieur Laurence ! Vous nous honorez enfin de votre présence.


— Que voulez-vous m'sieur Dein je n'aime pas l'anonymat des troupeaux.

Histoire d'en rajouter un peu, j'englobe la salle remplie de ce fameux troupeau de ma main d'un geste théâtral. J'ai le droit à deux-trois regards haineux, comme si je prenais le temps de m'intéresser à ces cons.
Le prof se masse les tempes en se demandant sûrement s'il doit me foutre dehors maintenant ou attendre encore un peu. Je sais bien que ma présence le dérange, je ne bois pas ses paroles et son flot continu de conneries me les brise, mais le faire chier est tellement tentant... Je jette mon sac vide, sur l'une des tables du fond, m'assois près de la fenêtre et plonge ma tête entre les bras pour une petite sieste. Je fais déjà acte de présence, c'est suffisant. Il ne faut pas trop m'en demander non plus.


— Comme je disais, voici donc Louis votre nouveau camarade. Monsieur Cowel, si vous n'avez rien à ajouter, je vous prierai d'aller vous asseoir.


Sur ma droite, je sens vaguement ma table bouger, je lève le nez en grognant prêt à faire de la grande philosophie avec l'abruti fini qui me réveille. Mais lorsque mon regard croise celui du cinglé, je perds, l'espace d'un instant, tous mes moyens. L'air comprimé de mes poumons s'est complètement fait la malle son regard sombre, presque animal, se fait de plus en plus intense. Le noir profond de ses yeux et de ses cheveux contraste avec sa peau d'albâtre. Un petit sourire en coin se dessine sur ses lèvres et me ramène à la réalité en moins de deux. J'ai la soudaine envie de lui foutre mon poing dans la gueule !


— Ton portable vibre, chuchote l'abruti. Je plaque ma main sur la poche de mon jean et me rends compte que ce con a raison.


— Va te faire foutre ! Je lui grogne en arrivant enfin à me détourner de son regard.

Du coin de l'œil, je sens la morsure de son regard sur mon corps. Je sens qu'il me reluque. Comme si chaque parcelle de mon corps n'était plus qu'un simple morceau de viande. Non c'est sûr il ne me regarde pas comme un gars regarde un autre gars. Non, plutôt comme un gars qui cherche sa nouvelle proie. Un frisson de dégoût me fait trembler les mains et le reste de ma carcasse. Quelque chose en lui me dérange énormément, dans sa façon de me regarder, de sourire, de respirer même. Je dirai même me dégoutte.

Ouais lui et moi on ne va pas du tout être potes.

J'ouvre la bouche sans vraiment m'en rendre compte pour reprendre mon souffle. Je n'aurais jamais remarqué que j'avais à nouveau arrêté de respirer sans ça. Je passe distraitement une main sur mon estomac, ça grouille comme jamais là-dedans, me donnant l'impression d'avoir avalé une tonne d'aiguilles qui me défoncent de l'intérieur. Je frissonne une nouvelle fois. Ce n'est que lorsque son rire résonne que je reviens à la réalité, je ressens ce son comme une grosse claque dans la gueule. Je referme la bouche et serre les dents avant de me jeter sur mon portable afin d'envoyer un message à Bryan.


« Hey ! C'soir on s'fait Laura ?

OK »


Quand je dis que je partage tout avec Bryan, c'est tout. Puis avec Laura, c'est facile, on a juste à rappliquer chez elle. Pas besoin de prévenir. Elle n'est pas frileuse dans le genre. Et là j'en ai besoin, il faut que je me défoule, c'est pratiquement une question de vie ou de mort. J'essaie de relâcher la tension qui s'est accumulée dans mes épaules en m'étirant.

Adam 2.0Où les histoires vivent. Découvrez maintenant