Un père n'est jamais expert : quand on est père, c'est pour la vie.

423 47 3
                                    



Vincent Roca

La porte de cette prison s'ouvre d'un grand coup, elle rebondit dans un bruit sourd contre le mur, sa silhouette se dessine dans le contre-jour.

J'ai pas le courage de lancer les hostilités, non, je préfère profiter des derniers frissons de ma révélation, alors je baisse le nez vers lui et j'me la ferme.

Je m'en veux à en mourir. Vraiment, je n'aurais jamais du vouloir m'assumer. Jamais.
J'essuie une lame solitaire discrètement avec le revers de ma manche.

Je suis vidé.

Sans un mot il entre dans la pièce, passe sur ma droite, décale une chaise et se détourne pour ouvrir de nouveau la fenêtre. En passant de nouveau devant moi, il pose doucement une grosse paluche sur mon épaule et me dirige lentement vers la chaise qu'il vient de bouger.

Si je n'étais pas aussi con, je me retournerais et me calerais contre lui, pour chialer où pour hurler toute ma rage et ma désolation, je crois même que je lui demanderai pardon. Pour absolument tout.

Mais non, je suis Adam, Saint patron de la délinquance juvénile et surtout parfais branleur de mon état. Un vrai petit con.

Je me contente de me poser en calant mes deux mains sous mes cuisses et mon dos contre le dossier. Sur ma gauche, j'entends l'autre chaise racler le sol, il la rapproche de moi et se pose enfin. Je ne le regarde pas, ni lui ni personne, je me contente de regarder droit devant moi. L'image de Louis la tête en sang danse encore devant mes yeux. C'est un véritable suplice.

- La théorie voudrait que je m'excuse de mon intrusion, mais je ne le ferais pas. Lui dit le pater' en guise d'entrée en matière.

De l'autre côté de la table, j'entends la doyenne prendre une grande inspiration. Si je ne serais pas aussi defais peut être que ça me ferais rire.

- Monsieur c...
- Ne perdons pas de temps, je ne sais pas pour vous, mais le mien est précieux
. Il s'arrête et pose ses coudes sur la table, le fait de suivre son mouvement du regard me fait une nouvelle fois vriller le crâne, mais le spectacle vaut le détour. Pour commencer. Il lève son pouce droit et appuis son index gauche dessus. Comment expliquez-vous le fait que ce soit un élève qui me contacte pour me prévenir que mon fils est ici au lieu de vous ? Si lui a eu le temps de le faire alors vous aussi. Il lève son index droit et appuie le gauche dessus, la doyenne essaie de l'ouvrir, mais il la coupe sans hausser le ton. Il est affreusement sombre, totalment flippant. Que les choses soient claires, aujourd'hui il y a eu une altercation entre tous vos élèves pour la simple et bonne raison que mon fils et son copain sont venus au lycée en couple le plus simplement du monde.

Mon estomac, mes tripes et tout le reste se font la malle à la vitesse grand V. Une grosse, énorme, goutte glaciale parcourt centimètre par centimètre mon dos, je suis littéralement arrivé au bout de ma vie. Il y a aussi cette pluie de gravier qui m'éclate le bide.

Je ne bouge pas d'un poil, Trop peur qu'il se rappel de moi en cet instant précis, le nœud du bois du bureau en face de moi est tout à fait fascinant pour le coup.

Ouais, sublime. Je peine à avaler ma salive.

Le mari de ma mère vient d'exposer ma vie amoureuse devant une, plus ou moins étrangère. Non, en fait, il vient de dire comme ça normal que j'suis avec un mec et que je peux débarquer ici main dans la main avec lui normal, comme un couple normal.

Finalement, j'crois que je vais vivre quelques années de plus. Ou alors il va me flinguer en intimité.

Sa main se pose une nouvelle fois sur mon épaule, normalement, je devrais me tourner vers lui et le remercier d'un sourire, normalement. Je me contente de baisser le nez.

Je baisse le nez devant le pater', le mari de ma mère, ce grand con chauve constamment absent.

J'ai beau faire, mais je ne peux m'empêcher de sourire.

Il retire sa main et me tend rapidement avec un mouchoir, je lui prends en articulant un très faible "merci". Pendant que J'essaie de me faire un ravalement de façade, il reprend son discours.

- Adam, Bryan et beaucoup d'autres sont tout simplement montés au créneau car leur ami et petit ami, pour mon fils, s'est prit un coup sur la tête, ces adolescents ont tout simplement réagi.
- La violence n'est pas une réponse acceptable Monsieur Laurence !
S'énerve la bonne femme en lui coupant la parole et en claquant ses deux mains à plat sur la surface devant elle.

Pour le coup, je n'ai pas besoin de tourner la tête vers lui, car je sais parfaitement ce qu'il fait, il s'est bien installé sur son assise, s'est redressé de façon à être le plus droit possible, a joint ses deux mains devant lui et a pris une très grande inspiration, ça, je l'ai parfaitement entendu.

Bye la doyenne, ce fut un plaisir d'avoir squatté votre bureau un certain nombre de fois, soit sympa une dernière fois chauffe moi la place car, je vais débarquer d'ici peu.

- Comment voulez-vous qu'ils leur répondent ? En leur tendant la main et en leur proposant d'aller boire un café ? Dans quel monde êtes-vous ?
Il lui demande sans attendre qu'elle ne lui réponde, là, je peux dire que le temps de chauffe est terminé, il est chaud. Ce n'est pas une simple dispute un peu mouvementée, non, c'est une attaque contre un couple homosexuel, c'est un acte homophobe.
- Personne ne leur a demandé de s'afficher !

Un coup d'électricité m'a fait tourner le nez vers cette connasse, je ne me fie pas à mon crâne qui part en vrille ni à ma nausée qui se fait plus forte. Je n'ai pas le temps de répliquer quoi que ce soit que le pater' lui répond avec un ton qui glacerait n'importe qui.


- Donc, puisque qu'ils ne rentrent pas dans les cases des bonnes mœurs, ils n'ont aucun droit et doivent rester cloîtrés chez eux comme des animaux ? Elle essaie de broncher, mais elle se fait vite couper d'un simple claquement de doigts, j'ai eu le droit à ce geste une seule et unique fois, ce souvenir me fait encore trembler. Je devrais peut-être me lever et demander à sa secrétaire de creuser sa tombe et d'envoyer les faire part de décès à toute sa famille... Non, j'aime trop ce spectacle. Que je sache vous ne dites rien et ne faites absolument rien contre tous ces couples hétérosexuels qui s'affichent, pour reprendre vos propres mots, et qui se donnent en spectacle sur les murs où dans les toilettes de ce lieu d'éducation ? Ni à toutes celles qui perdent leurs innocences dans les toilettes, au mieux, et encore moins à ceux et celles qui vendent et consomment des drogues dures ? Je vous parle aussi des trop nombreuses rumeurs qui circulent sur votre compte ainsi qu'a votre incapacité de gérer cet établissement ?Et au passage vous faites quoi contre les tentatives de viol ?!

Ce coup-ci je me tourne vers le grand chauve. Il a les traits durs et le regard noir. Il est furieux. Ce qu'il me fait bisare c'est qu'il a les mains qui tremblent. Elles ne tremblent jamais, il a toujours eu un parfait contrôle sur lui-même.

- Nous allons nous mettre d'accord sur le fait que ni mon fils, ni aucun de ses amis n'auront de retomber ou quoi que ce soit d'autre. Que chacun des enfants qui sont à l'heure actuelle au poste de police ou aux urgences vont avoir le droit à un appel de votre part auprès de leurs familles pour qu'ils ne soient pas inquiétés. Demain à la première heure, je vais aller à ce même poste de police et porter plainte contre vous et les autres idiots qui on osé lever la main sur mon fils et ses amis. Je ne parle pas évidemment des excuses publiques que vous ferez quand Louis sera de retour.

Sur ce, il n'attend pas qu'elle lui réponde, il se lève, regarde son portable et s'avance vers moi.

- Viens Adam, on le voir. Je ne cherche pas spécialement à comprendre, je me lève, mais chancelle aussi sec. D'un geste doux, il me rattrape par le bras et me soutient pas par pas. Je ne le rejette pas.

C'est juste parce que je suis en position de faiblesse.

J'ai une sorte de trou noir jusqu'à la voiture, tout ce que je sais, c'est qu'il continue à me tenir et que sans lui, je me mangerais le sol. Il me parle aussi, il me dit des choses que je ne comprends pas vraiment mais il me les dit avec une voix douce.

Devant la carlingue, le couple de blond nous attend. Estelle range rapidement son portable dans sa poche et s'approche de moi à grand pas, son copain reste un peu en retrait.

- Attends. Dit le grand chauve en faisant attention au fait que je ne me retrouve pas sans soutiens. Il ouvre rapidement la portière de la place du mort, je m'y traîne d'un pas lent avec son aide. Une fois posé c'est Bryan qui vient attacher ma ceinture, on se regarde vite fait mais, on ne se parle pas. Pendant ce temps, le pater' échange quelques messages sûrement avec ma sainte mère.

Tout le monde prend place autour de moi et la bagnole ronronne enfin.

Adam 2.0Où les histoires vivent. Découvrez maintenant