— Tu fais quoi ici vieux fou ? Forcément, il fallait qu'il me rejoigne ici, ici sur ce vieux terrain ou les jeux des gosses rouillent. J'ai beau faire, mais j'aime bien ce coin, il est chargé de souvenirs, de bons comme des mauvais.
— Et toi, tu fais quoi encore, tu n'es pas censé bosser ?
Bryan me répond par un rire tonitruant, comme il a l'habitude de faire.
Cela fait six ans que Louis est sorti de l'hôpital, six ans qu'on s'est pointés au lycée main dans la main, six ans que mon père sait que je suis gay.
Il s'en est passé des choses depuis tout ce temps, pour tout le monde à vrai dire. Le couple de blond s'est marié juste après le lycée, Estelle bosse dans un magasin de musique, Bryan est coach dans ce même lycée, drôle d'ironie, d'ailleurs, c'est un vrai bourreau avec les gosses. Ils ont aussi un petit gars, Damien, mon neveu. D'ailleurs quand le petit bonhomme a vu le jour tout ce qu'a su me dire son père, c'est « putain, je vais me pisser dessus » forcément, je me suis marré comme un bon branleur que je suis. À croire que je n'ai pas beaucoup changé, je crois que c'est le cas, en tout cas, je pense être resté moi-même.
Mon neveu à de qui tenir, il met déjà en rage ses parents, du haut de ses presque deux ans, c'est un vrai petit branleur. J'me marre souvent quand le blond me raconte ses dernières trouvailles.
Un vrai petit diable.
Jess a définitivement quitté la gothique le soir même. Je ne sais pas trop ce qu'elle attendait pour le faire à vrai dire, mais bon, c'est elle qui décide. Elle bosse dans une galerie d'art et je crois que ça lui plaît bien, elle y est entrée un peu au petit bonheur la chance, enfin surtout grâce à une aventure d'une nuit.
Jess restera à jamais Jess.
Ces dernières années elle et le sportif se sont pas mal rapprochés, forcément, j'ai dû lui faire le discours du grand frère. Ouais, le petit singe brun est la sœur que je n'ai jamais eue. Idriss l'a bien pris, en même temps, il nourrit des sentiments pour elle depuis pas mal de temps à en croire certains regards. Puis qu'importe, l'âge si je décrète qu'il en mérite une, il la prendra.
Finalement, je n'ai pas tant changé que ça.
Qui sait peut-être que l'éternelle amoureuse va enfin se caser pour de bon. Puis y'a pas de règle en amour.
Idriss a fini par lâcher le sport pour le plus grand malheur de son père, il travaille dans l'ébénisterie de la ville. Si un jour, on m'avait qu'il se dresserait contre son père pour travailler le bois, je me serais marré à m'en taper le cul par terre. Blague à part ç'a été une période pourrie pour lui, mais on était tous là, surtout Jess...
Quand Louis est rentré chez lui, il a voulu retourner au lycée le plus vite possible, non pas par souci de sa vie étudiante, mais pour prouver à tout le monde qu'il était encore debout.
C'est donc le plus naturellement du monde qu'on s'est pointé un matin ensemble devant ces grilles et par pure provocation, on s'est lavé les amygdales devant tout le monde.
Avec le temps, l'histoire s'est tassée, on n'est pas devenu LE couple de l'année ni des gars ultra-populaire, on a juste continué notre petit bout de chemin tous les deux.
Il travaille dans un garage comme carrossier, il pourrait avoir sa propre entreprise, mais il ne veut pas se prendre la tête avec la paperasse comme il dit.
Moi, je suis devenue éducateur, ouais un éduque. Je m'occupe des branleurs de la nouvelle génération un peu paumée. C'est assez commique ça aussi. Je dois dire que j'aime bien mon boulot et je travaille souvent en relation avec Bryan, car ouais le mien mental passe par le sport, merci à mon pater'.
Depuis ce fameux jour, je ne l'ignore plus, on n'a pas eu de grandes conversations ni de déclaration à la mord moi le nœud, non, nous, on a préféré continuer en s'incluant dans nos vies. Du coup dans la baraque, il y avait quelque « papa !!! ». Enfin, c'était surtout pour demander ou était ma sainte mère.
Fils à sa mère un jour, fils à sa mère toujours. Mais je dois bien avouer qu'avec mon père on a eu de bons moments, comme la fois où on est allé voir un match de foot ensemble, c'était géant.
Mais le mieux dans tout ça, c'est que chaque soir depuis bientôt un an et demi, je rentre chez moi, je sors une bière et fais un café pour mon homme de Vitruve. Chaque soir depuis presque un an et demi, je l'attends chez nous, il rentre environ quinze minutes après moi. J'adore ce petit quart d'heure, il me permet de souffler un coup et de mesurer la chance que j'ai.
Lui et moi, on a eu des hauts et des bas comme tous les couples, c'est ça qui est bien comme, tous les couples. Mais on est toujours ensemble, en fait, je crois que rien ne pourra nous séparer. Ma mère ne s'inquiète pas pour nous, elle me dit que je le regarde comme la regarde mon père, si on part du principe que ça fait pratiquement trente ans qu'ils sont ensemble, je peux dire que ça roule.
Il y a un peu moins de six mois, je l'ai surpris en posant un genou à terre, ouais, je lui ai demandé de m'épouser. Je me souviendrais toujours de sa réaction : il s'est retourné pour voir s'il y avait quelqu'un et m'a demandé « moi ? » À ce moment-là, je crois que j'aurais pu crever d'une crise cardiaque, je transpirais à grosse goûte, mon cœur battait des records de vitesse et lui, il me demande ça. J'ai dû lui répondre une connerie du genre « non, non, le pape avec son petit cul si sexy couillon ». Il s'est marré et a accepté, je peux maintenant dire qu'on peut mourir de bonheur.
Quatre mois plus tard, il portait mon nom, pour ce petit détail, c'était comme il voulait, pour moi le plus important n'est pas de m'appeler Laurence ou Cowel, mais d'être une famille.
On s'est unis à la mairie et c'est mon neveu et Jess qui nous ont apporté nos alliances. Bien sûr Bryan était mon témoin et Idriss celui de Louis.
Mais aujourd'hui est aussi un jour important pour nous deux, on va devenir parents. Ouais, on va officiellement adopter Léonie et Baptiste. Nos enfants sont des faux jumeaux que leurs mères à préférée abandonnée à la naissance. C'était une pauvre fille qui couchait pour sa dose, finalement, elle nous aura fait le plus beau cadeau qui existe sur cette foutue terre.
Quand on les a vus la première fois, enfin, on a surtout vu Baptiste, Léonie était malade et dormait, on est tombé raide dingue de ce petit mec châtain qui s'acharnait à faire rentrer un cube carré dans un trou rond.
On a dû passer au moins trois heures à jouer avec lui, il y avait d'autres gamins, mais seul lui comptait à mes yeux, c'est peut-être méchant, mais c'est ce que j'ai ressenti. Avant de partir, on a appris qu'il avait une sœur jumelle, quelque part ça a été la douche froide, on avait besoin de réfléchir.
Deux jours plus tard, on a rappelé le centre pour demander à la voir, on y allait l'après-midi même. Nos deux petits bouts étaient en pleine séance de dessin quand on est arrivé, Baptiste est venu nous voir avec un sourire à devenir fou, il avait aussi une marque de feutre bleu sur sa joue rondouillarde. Sa sœur l'avait suivi et je suis tombé une nouvelle fois amoureux, ma fille est juste sublime, elle a les mêmes cheveux bruns, les mêmes yeux gris que son frère, et une fossette sur la joue gauche quand elle rit.
C'est un peu comme ça qu'on a pris notre décision, avec chacun un enfant dans les bras, on s'est dit « pourquoi pas ».
On sait que ce ne sera pas facile.
Bryan râle, car on n'aura pas le droit à la période couche et biberons à tout va, car nos enfants ont presque deux ans et demi. Nous, on aura le droit aux questions bien con comme pourquoi tu n'as pas de maman ? On sait que ça ne va pas être simple, on le sait parfaitement, mais on y arrivera, j'sais pas comment, mais on y arrivera.
Jess m'a dit une fois que tant qu'il y a de l'amour dans un foyer il sera doux. Il le sera.
J'flippe déjà de certains moments avec ma fille, comme ses premières règles où son premier petit copain, je me dis aussi qu'avec mon fils ça va être jouasse s'il est aussi bagarreur que moi.
Je me fais tout un tas de films, tous finissent bien.
Aujourd'hui, je vais devenir papa, bordel, je vais être papa.
— J'ai pris ma journée c'est pas tout les jours que je deviens tonton ! Beugle le blond en me coupant dans le fil de mes pensées.
— Faut y aller sinon on va être à la bourre. Je lui réponds en me frottant le visage de mes deux mains, au passage, je touche ma cicatrice au-dessus de mon œil, elle ne se voit plus, mais elle est toujours là.
— T'as tout ?
— Ouais leurs chambres sont prêtes, on a fait les courses, Idriss leur a même fait un mobile chacun au-dessus de leurs lits, on a les sièges auto, Jess leur a peint leurs chambres. J'crois qu'on est bon.
Mon meilleur ami se lève et me donne une accolade.
— S'il y a un peu de moins de sept ans, on m'aurait dit tout ça, je crois que je me serais tapé un fou rire de dingue ! Il me dit en s'écartant de moi tout en regardant ses pompes.
— On est deux ! Je me tourne vers la maison de mes parents, je sais qu'ils sont en pleine séance de shopping pour leurs petits enfants avec mes beaux-parents. À deux ? Je lui demande.
— Question inutile ?
— Réponse inutile. Je termine en claquant la portière de sa voiture.
Il y a longtemps, j'ai pensé que j'étais le gars le plus chanceux de la terre, je me suis largement trompé. Je suis le gars le plus chanceux et heureux de ce putain d'univers depuis six ans maintenant.
— Hey vieux, je crois que je vais me pisser dessus... Bien sûr, il se fout de moi.
NDA : voilà ... c'est la fin. Je vais pas épiloguer six mois dessus, jsp que cette réécriture vous plait ? La vache... ça me fait quelque chose de finir une nouvelle fois cette histoire.
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Adam 2.0
RomanceAdam 2.0 ?? mais kézako ?? Hé bien c'est un Adam remanié ! Adam, se définit lui-même comme un bon branleur, mais comme tout ado, au fond, il ne sait pas vraiment qui il est. Bien installé dans ses habitudes, en colère contre le monde entier et pl...