C'est la pire lassitude, quand on ne veut plus vouloir.

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Paul-Jean Toulet


J'ai tout essayé, vraiment tout. J'ai supplié ma mère, je lui ai promis de faire la vaisselle, la lessive, les courses, tout ! J'ai même eu envie de me rouler par terre et de taper du pied, mais je crois que j'ai passé l'âge. À un moment, j'ai cru qu'elle allait céder et me laisser sécher les cours, mais elle m'a tout simplement jeté un regard noir et m'a appelé par mon nom complet. C'est jamais bon signe quand elle fait ça. C'est la preuve qu'elle perd patience et qu'elle est à deux doigts de s'énerver. Au risque qu'elle me prenne pour cible, j'ai préféré me tirer de chez moi en quatrième vitesse.

— À ce soir.

Je me suis levé, pris mon sac toujours aussi rempli et me suis barré. Le grognement de ma monstrueuse mère a résonné dans toute la baraque. Elle me fait carrément flipper. Faut pas croire, mais ce petit bout de femme est l'être humain le plus flippant de la terre.

— Fais chier ! Je grogne à voix haute en pleine rue, me voilà qui parle tout seul comme un con maintenant !
Je préfère affronter quatre heures de philo plutôt qu'une minute de plus avec ma mère en colère.

Quoique... Je jette un coup d'œil par dessus mon épaule, non, finalement les cours sont moins dangereux.

Arrivé devant le lycée, je vois Bryan et sa copine se diriger vers moi, je ne leur dirai certainement jamais, mais je les envie un peu.

— On va en salle de musique ? Propose Estelle en soufflant sur ses mains. C'est sûr que si elle compte sur son mec pour la réchauffer, elle est mal barrée, cul gelé comme il est.
Bryan et moi la suivons tout en parlant d'un jeu qu'il a acheté. Sur le chemin, on croise les jumeaux, l'un des deux a le bras dans le plâtre, l'autre des béquilles. Bryan serre les dents, sa copine se rapproche de lui. Je préfère au contraire m'écarter du couple. Ils sont avec d'autres gars, je ne me rappelle plus de leurs prénoms, en même temps, je m'en branle pas mal.

Je suis un prédateur, ils sont mes proies, tel est ma vérité. Point barre fin de l'histoire.

Je les regarde passer devant moi, un sourire mauvais se dessine sur mes lèvres, je n'attends qu'un tout petit truc de leur part : un regard, un rictus, juste un rien qui pourrait me faire basculer et leur mettre une autre raclée. Rien.
Merde.
Ils passent sans nous regarder, comme si on n'existait pas, franchement ça me les brise encore plus.

— Adam.

La petite voix d'Estelle me sort de ma transe en levant les yeux, je croise le regard de mon meilleur ami, lui et moi sommes d'accord : la sentence n'a pas été assez lourde.
On suit de nouveau le petit bout de femme dans un silence absolu.

Honnêtement, s'il y a trois minutes, on m'avait demandé ce que je ferai dans la salle de musique, je n'aurai certainement pas répondu que je fumerais, un café à la main. Ouais un café, il fait trop froid dehors. Notons l'exploit j'ai froid !
On comprend tout de suite que la section musique est bien plus « libre » que les autres sections, juste en entrant dans cette pièce.

Les musicos ont tellement fumé dedans que l'odeur du tabac s'est incrustée dans les murs. Le petit frigo, à côté de l'alarme incendie, est blindé de bières et de dose de café.
Pourquoi je ne me suis pas inscrit ici moi ? Ah oui ! Je suis une merde en musique !

D'ailleurs, je dois être le seul gars qui n'est pas de musique du tout, c'est le blond qui me fait ma playlist. Et encore, c'est juste pour avoir du son autour de moi.

— Ça va sonner, nous dit Estelle.

— T'as quoi ? Me demande le grand blond.

— Philo, je siffle en levant le coude pour finir ma tasse d'un trait.

Adam 2.0Où les histoires vivent. Découvrez maintenant