Pourquoi avoir peur du bonheur ?

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Virginie Despentes.

J'suis bien tenté d'aller cavaler tant qu'il fait frais, histoire de me vider un peu l'esprit, chose que je fais le ventre plein. Pas super conseillé ça.

Bryan m'attend devant ma boîte aux lettres, il a sorti ses chaussures de sport et toute la panoplie qui va avec. Comme un bon branleur que je suis, je me marre doucement en allant vers lui.

— Tu t'attendais à quoi ? Il me demande avec sa tête de bon vicelard tout en étirant ses muscles.

Je me marre, lui donne une accolade et allonge la foulée. Il me suit jusqu'au stade où je m'échine à monter et descendre les marches le plus rapidement possible. Le blond me suit et s'amuse à me dépasser de temps à autre, il s'est que ça me gonfle donc j'accélère la cadence. Je sais pourquoi il le fait, pour que je me vide, il sait aussi que je suis le plus endurant des deux, mais pas le meilleur sprinteur.

On le fait quelques heures, jusqu'à que je ne sois plus capable de réfléchir. On a pas beaucoup parlé, parfois les mots ne sont pas assez forts, alors il faut se vider l'esprit.

On rentre en début d'après-midi, totalement crevé et pas mal vidé, j'ne dirais pas que je me sens bien, mais je peux dire que je n'ai plus cette boule dans ma gorge. Pourtant, j'ai l'impression que je pourrais me noyer de nouveau en quelques secondes. Je souffle tout ce que je peux en montant les marches de ma maison.

Mon meilleur ami me suit jusque dans ma piaule, on s'étale comme des larves sur mon lit en se concentrant encore sur nos souffles.

— Tu te sens mieux ? Il me demande en ouvrant mon armoire. Je te le prends. Il termine en prenant un pull gris. Je ne sais plus trop à qui est ce vêtement, on se l'est tellement échangé, pourtant, il est tout simple.
— Ouais. Merci.
— Tu l'sens comment pour demain ?
— Franchement, j'le sens pas.
Je souffle. Mais je veux le faire. J'en ai besoin.
Il ne me répond que quelques minutes plus tard, le temps qu'il finisse de faire le tour de mes fringues, ce gars est pire qu'une gonzesse.

— Ça ira, de toute façon, on sera tous là. J'hausse un sourcil, il continue, après m'avoir jeté un bref coup d'œil. J'ai vu avec tout le monde, Idriss, les nanas et Louis seront là. Il pointe mon portail du doigt. Comme ça, on y va tous ensemble. Il termine, toujours en pianotant sur son portable, en levant les yeux vers moi.

Je souris comme un con et baisse le nez, y'a pas a dire, j'suis le gars le plus chanceux du monde.

— T'as tout prévu en gros ?
— Tu t'en plain ?

Pour toute réponse je lui envoie mon oreiller en pleine poire.

En début de soirée, après quelques parties sur la console du blond et un nombre totalement indécent de messages échangés avec Louis et Jess, je me rentre chez moi.

Il angoisse aussi, mais me promet que tout ira bien, je me sens un peu con et faible, j'suis pas fichu de lui dire la même chose.

La belle brune, elle, me parle d'un peu de tout. Elle m'explique aussi que certains de ses dessins vont être présentés à une galerie. Quand je lui dis que je suis très heureux pour elle, elle le répond que ce n'est qu'une petite galerie.

Elle ne se rend pas compte de son talent, quelque part tant mieux. Je crois qu'elle continuera de réussir comme ça.

Pendant que ma mère se bat avec le rôti de ce soir, je mets la table et son mari beugle contre je ne sais qui à travers son téléphone. Au bout de quelques minutes, il jure comme un fou et balance son portable contre le mur, ce dernier le réceptionne parfaitement.

Mur 1 portable 0.

Ma mère écarquille les yeux, fait passer son torchon de son épaule à ses mains qu'elle essuie nerveusement et part le rejoindre dans le salon.

Je la suis, plus par curiosité qu'autre chose.

Devant nous, il prend le fixe, compose un numéro à une vitesse folle et beugle de nouveau contre interlocuteur sans se présenter.

— Qu'est-ce que vous ne comprenez pas dans " d'la merde, je ne repique pas !" Je suis en retraite et donc je ne signerais pas de nouveaux contrats avec vous ! Petit blanc. Espèce de gros cons fades et insipides ouvrent ton putain de dico et regarde la définition du mot RETRAITE ! Merde ! Sur ce, il raccroche en claquant le pauvre appareil sur son socle.

Je dois sûrement être le seul qui a envie de se marrer.

— Sûrement le mot "retraite". Dit ma mère en haussant les épaules et en s'approchant de lui.

J'peux pas me retenir plus longtemps, je me marre comme un tordu, l'unique femme de la pièce ne tarde pas à me suivre. Le grand chauve se met à rire lui, aussi en prenant ma mère dans ses bras. Je me casse avant qu'il ne lui prenne l'envie de me prendre aussi entre les siens.
Y'a des limites à tout, mais une chose est sûre : je tiens de ma mère.


« Fais de la place dans ton lit, j'arrive beau mec »


Le message de Jess me fait sourire, je ne cherche pas à comprendre plus que ça et me décale en l'attendant. Forcément, elle ne met pas plus de dix minutes à faire le chemin, elle devait déjà être en bas. Pour une fois que je ne dors pas à poil...

Elle passe devant moi me fait un clin d'œil et part dans la salle de bains pour se changer.
Ouais, elle a ses habitudes chez moi.

— Pousse ton cul.
— Dis que je suis gros !
— Pas besoin, tu le fais déjà.

Elle se marre la garce.

Je sais très bien pourquoi elle est là, faut pas être devin non plus, mais le coup de venir squatter mon lit à la dernière minute ça s'est une première. Remarque l'avantage, c'est qu'il n'y a pas de risque !

— Demain, c'est ta renaissance. Elle me dit en sautillant sur mon matelas.
— Renaissance carrément !
— Oui, si j'aimais les gars, c'est toi que j'aurais choisi
! Elle scande en pouffant.
On parle un peu, enfin, on dit surtout pas mal de conneries.


« Tu as le choix, tu sais.
Je prends celui de m'assumer.
T'es mon homme de Vitruve.
Vil copieur. »


Louis finit par me répondre quelque chose de totalement indécent, mais qui en dit long sur ce qu'il va se passer quand on dormira tous les deux, enfin quand on sera seul dans une pièce avec un minimum de confort. Je finis par me laisser bercer par le souffle de Jess.

— Repose-toi, porter ses couilles demande un minimum d'énergie. Me dit la belle brune, je me marre doucement et essais de m'endormir en calant mon nez dans ses cheveux qui sentent la pomme.
— J'ai la trouille...
— Vivre fait peur. Mais, je sais que ça va aller.
— Tu es sûr ?
— Oui. 

Adam 2.0Où les histoires vivent. Découvrez maintenant