Chapitre 14

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- J'ai toujours rêvé de voir la mer, avoua Morgane d'une voix pensive.

La tête contre l'épaule de celui qu'elle aimait, l'adolescente fixait le vide, un léger sourire sur le visage. Tous les deux assis sur la carcasse d'une voiture, près du mur qui menait aux rails, ils ignoraient tout ce qu'il y avait autour d'eux. Ce qui comptait à présent, c'était seulement eux.

- Ah oui ? lança Axel.

- Oui. J'ai vu des photos de la mer, c'est magnifique. Mais j'ai jamais pu la voir, en vrai.

- Personne a pu la voir, je pense.

- C'est sûr...

Morgane avait vu des photographies de cette étendue bleue et sans fin, dans son livre de géographie. De l'eau si pure et claire... mais qui avait fini pollué par toutes ces guerres qui avaient secoué la Terre, et qui la faisaient encore frémir, encore et toujours.

- Enfin... je présume que maintenant, continua-t-elle, c'est devenu moins beau, à cause de tout ce bordel.

- Ouais...

Un silence, l'adolescente poussa un soupir. Son corbeau picorait le sol de la Ville, en face des deux tourtereaux.

- Je me demande ce que ça fait, lança Morgane d'un ton lointain, de se baigner dans la mer. Dans une mer pas polluée et propre. Ça doit être marrant, les vagues, les coquillages, le sable...

Elle leva son regard vers ce ciel sombre et déprimant. Le Soleil avait abandonné la Ville et les Destroyas, ou peut-être la Terre en général. L'adolescente rêvait de partir loin, très loin, mais tout autour d'elle était un Enfer. Un Enfer interminable.

Sa famille lui manquait cruellement. Revenir dans Avignon serait du suicide. L'État les avait mis sur sa liste noire... mais au moins, ils avaient pu éliminer Clément et éviter de devenir des rats de laboratoire.

- J'ai envie de rentrer chez moi, avoua l'adolescent après un long silence.

Morgane ne lui répondit pas directement. Elle le regarda, le contempla... Axel semblait indifférent, en disant cela. Mais elle savait que, lui aussi, il vivait mal le fait d'être loin de sa famille.

- Moi aussi, avoua-t-elle d'une voix limite inaudible, moi aussi.

- Mais peut-être qu'on a jamais eu de chez-nous, en fin de compte.

L'adolescente frissonna en entendant cela. Peut-être qu'il avait raison, après tout... les Destroyas étaient considérés comme des monstres. Ils n'avaient pas leur place, parmi les humains. S'ils l'avaient, elle et ses amis n'auraient pas été forcés de quitter Avignon...

- EH OH ! fit une voix, au loin. ARRÊTEZ DE ROUCOULER DEUX SECONDES, VOUS DEUX !

Morgane et Axel regardèrent en arrière, Quentin courait vers eux. Le Destroya s'arrêta devant la voiture, il se pencha en avant, mains sur ses genoux, pour reprendre sa respiration.

- Vous voulez rigoler deux secondes ? lança ce dernier entre deux respirations, en levant son regard vers eux.

- Euh, oui ? répondit Morgane, sceptique.

- Vous voyez Baraka ? Bah son pouvoir est totalement pété.

Les deux amants se regardèrent, sourcils haussés et yeux animés par l'étonnement et l'hésitation.

- Genre, continua Quentin, elle peut contrôler les peurs des autres !

- Sérieusement ? cracha Axel, sidéré.

- Ouais ! Venez !

Les deux autres Destroyas le suivirent alors, étrangement impatients de voir la puissance cachée de cette fameuse Baraka.


- CASSEZ-VOUS ! CASSEZ-VOUS, BANDE DE GROSSES PUTES !

Quand ils arrivèrent, Quentin, Morgane et Axel purent assister à une scène grotesque comme dérangeante. Mila était au le sol, regardant tout autour d'elle avec des yeux écarquillés par la peur, reculant de plus en plus en hurlant. Elle semblait encerclée... mais il n'y avait rien. Absolument rien. La Destroya perdit soudainement le contrôle d'elle-même, envoyant des éclairs sur le sol, ses cris déchirants retendirent dans toute la Ville.

Baraka accourut vers la Destroya, elle lui attrapa la tête, pour que celle à la peau foncée puisse la regarder droit dans les yeux. Mila se calma soudainement, se détendant comme la corde d'un arc sans la lourde tâche de tirer une pluie de flèches, mais sa respiration était toujours aussi rapide. Morgane crut que le cœur de son amie allait lâcher.

- Tout va bien, la rassura Baraka, c'est terminé.

- C'était horrible ! s'écria celle qui pouvait contrôler l'électricité, au bord des larmes. Je...

Mila se leva avec difficulté, Laureline et Armande l'aidèrent à se remettre sur pied. Celle aux cheveux frisés tremblait, les yeux encore élargis par l'horreur. Les deux amants se regardèrent, encore une fois, ils ne savaient pas si ils devaient être fascinés ou perturbés.

- Il vient de se passer quoi là, en fait ? demanda alors Morgane.

Baraka s'approcha et fit, après un rire :

- Rien, rien... tes amis m'ont demandé qu'est-ce que c'est, mon pouvoir.

- Tu contrôles les peurs des autres, à ce que Quentin m'a dit.

- Je les matérialise, la corrigea la Destroya. Je te fais croire que ta ou tes pires peurs se déroulent pile devant toi.

Morgane siffla, encore plus impressionnée. Quentin fit un rire jaune.

- Ouais, lança-t-il, j'ai pu voir ça...

- Ah oui ? questionna l'adolescente au corbeau, curieuse.

- J'ai pu voir des millions d'insectes foncer sur moi, tout à l'heure. J'ai cru que j'allais mourir.

L'adolescente étouffa un rire. Mila était assise sur le sol, encore ébranlée de ce qui venait de se passer... enfin, de ce que Baraka lui avait fait vivre un court instant.

- Il y avait des araignées partout ! articula-t-elle, en essuyant ses yeux humides. Partout ! Absolument partout !

- C'est fini, lança Laureline pour la calmer, t'inquiète pas.

- L'un de vous deux veut essayer ? demanda Baraka aux deux tourtereaux, ironiquement.

Sauf que Morgane et Axel l'avait pris sérieusement. Celle au corbeau plissa les yeux et rétorqua, en regardant au loin d'un air fier et hautain :

- Allez, ouais ! De toute façon, moi, j'ai peur de rien.

Baraka haussa les sourcils en l'entendant dire cela. Ils la regardèrent tous, abasourdis... Zakari rigola avant de faire :

- Toi, peur de rien ? Toi ?

- T'es sûre ? demanda une dernière fois la Destroya à la peau foncée.

- Ouais ! confirma Morgane après un hochement de tête.

- Bah... d'accord.

Baraka lui attrapa le crâne, elles se regardèrent dans les yeux pendant un long moment. Morgane eut seulement le temps de cligner des yeux que le décor autour d'elle venait de changer.

DESTROYAS II : La Zone FantômeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant