Chapitre 20

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L'hôpital était un bâtiment immense, constitué de plusieurs immeubles distincts.

Morgane marchait dans un couloir, les mains dans les poches de sa veste noire, le regard lointain, errant tel un spectre dans ce sinistre endroit. Un énorme C mauve était dessiné sur le mur ruiné, la Destroya ne réalisa pas tout de suite qu'elle s'était éloignée du groupe.

Baptiste. Le Destroya aux deux pouvoirs. Combien avait-il de personnes ''inhumaines'', comme lui, dans ce vaste monde détruit ? Ces Destroyas étaient-ils au sein d'Avignon ? Dans la Zone Fantôme, parmi eux ? Ou autre part ?

L'adolescente soupira, vivement agacée. Elle tourna sur elle-même... avant de se rendre compte que les autres n'étaient pas là.

- Merde, souffla la Destroya entre ses dents, j'me suis éloignée des autres sans m'en rendre compte. Fait chier.

Morgane rebroussa alors chemin, avec ses mêmes pas feignants, sans accorder à la panique de reprendre le contrôle sur elle-même. Elle regarda à travers des vitres fissurées, admirant alors le parking de l'ancien hôpital. Sa présence hantait les couloirs, abandonnée de tous, loin de la Ville et d'Avignon.

Elle retrouva ces escaliers menant au rez-de-chaussée puis à l'extérieur d'une partie de l'hôpital. Morgane les descendit lentement. Elle jeta un coup d'œil vers l'ascenseur, elle n'avait même pas tenté d'appuyer sur ce bouton froid pour l'appeler, la Destroya savait bien qu'elle allait tomber sur sa messagerie.

L'adolescente sortit enfin, les yeux rivés sur ce ciel qu'elle admirait depuis qu'elle était née. Dans Avignon ou dans La Zone Fantôme, c'était le même : un plafond nuageux et gris qui broyait du noir.

- Le Soleil s'est barré de là, grogna-t-elle en envoyant un caillou d'un coup de pied, comme un ballon, il a compris avant tout le monde que c'est la merde, ici.

La solitude lui donnait un étrange symptôme : celui de se parler à elle-même, sans attendre la moindre réponse concrète. Parlait-elle avec l'espoir stupide que Kim lui réponde, avec sa voix criarde de volatile ?

- N'empêche, si Baptiste contrôle l'espace-temps, pourquoi il s'est pas barré dans une autre époque, loin de celle-ci ? Ou même... pourquoi il a pas essayé de changer le court de l'histoire ? C'est vraiment qu'un abruti, en fait...

Elle passa devant la cafétéria de l'hôpital et sa terrasse, un bâtiment en verre brisé. Les tables étaient renversées et les chaises cassées. Morgane vit alors Baraka, fouillant dans les réfrigérateurs éteints du bâtiment.

- Yo, lança celle au corbeau en rentrant dans le bâtiment. T'as trouvé des trucs ?

- Les autres te cherchent partout ! s'exclama la Destroya à la peau sombre, en ignorant sa question. Ils croient que tu t'es fait attaquer ou kidnapper !

- Bah, je vais bien.

Elle avait dit ça avec une indifférence limite effroyable, comme si vivre ou mourir ne lui était plus un choix crucial. Baraka continua :

- Va vite dans le hall, les autres se font beaucoup de soucis !

- Rah, rétorqua l'autre en roulant des yeux, si tu veux.

Puis Morgane laissa l'autre adolescente, seule, se dirigeant vers le hall principal de l'hôpital. Elle traversa des portes déjà ouvertes, qui étaient, à un autre temps, automatiques, puis traversa un autre couloir.

Un grondement l'interpella et hérissa les minces poils de sa nuque, la Destroya virevolta. Rien.

- POUSSE-TOI !

Kim croassa de surprise, Morgane ignorait qui, mais quelqu'un lui attrapa le bras et l'entraîna en arrière. Le plafond s'effondra, pile à l'endroit où la Destroya s'était située, faisant surgir des nuages de poussière.

Elle se tourna violemment et se retira de l'emprise de la personne en question, qui était alors Christophe, ce jeune adulte aux cheveux ras. Qui aussi était, probablement, le plus vieux d'entre eux.

- Mais, quoi ? s'écria Morgane, après une quinte de toux.

Les deux Destroyas entendirent un sifflement, comme si quelque chose fendait l'air. Christophe lâcha violemment l'adolescente et se plaça droit devant elle, comme s'il jouait le rôle du bouclier humain. Un bruit sec se joua.

Puis une pluie de ce même bruit s'abattit sur le jeune adulte, il ne broncha pas la moindre seconde. Morgane ne comprit absolument rien à ce qui se passait... puis son regard dérapa sur la main droite de Christophe. Ses yeux s'écarquillèrent.

Ses doigts avaient pris une teinte grisâtre, comme faits d'acier. Elle ne put rien ne lui demander, un cri étouffé brisa le bruit monotone de ces sifflements mystérieux. Quelqu'un tomba au sol, mais Morgane ignorait qui, Christophe lui gâchait la vue.

- Merci, Gabriel, fit-il alors.

Un rire lui répondit, Morgane se permit alors de se décaler pour voir ce qui se passait. Elle remarqua alors l'adolescent aux traits asiatiques, une sanglante barre de métal entre les doigts, derrière un corps étendu sur le sol. C'était celui d'une femme aux cheveux emmêlés, qui approchait de la quarantaine. Son crâne était en sang.

Christophe se tourna vers l'adolescente, la Destroya put voir une partie de sa joue de ce même gris, redevenant beige petit à petit... la bouche de Morgane s'ouvrit, mais aucun son ne sortit.

- Impressionnant, hein ? rétorqua le jeune adulte, légèrement amusé.

- Ta peau peut devenir métallique, c'est ça ?

- Exactement.

Elle émit un sifflement d'étonnement. Gabriel s'approcha d'eux, avec la discrétion d'un loup ayant repéré sa proie. Il dit, d'une voix assez forte et pressée :

- Faut pas tarder, on est pas seuls, ici.

- C'est-à-dire ? demanda Morgane, un sourcil haussé.

- C'est-à-dire que d'autres Destroyas veulent nous exploser la gueule, là, maintenant, tout de suite ! Faut qu'on rentre, et vite.

- Où ils sont, les autres ?

- Dans le hall. Il manque Baraka, Quentin et Adrien.

- Pourquoi on s'est séparés, aussi ? soupira Christophe. On est vraiment qu'une bande d'idiots.

Le sang de la Destroya se glaça en entendant le nom de son ami. Elle lança, d'une voix vive :

- J'sais où est Baraka ! Elle est dans la cafétéria de l'hosto.

- OK, répondit Christophe. J'y vais. Toi, tu suis Gabriel, on doit tous se réunir dans le hall au plus vite.

- Et pour Adrien et Quentin ? s'inquiéta-t-elle alors.

- On les recherche aussi, lui répondit Gabriel. Viens, toi.

Il lui attrapa le bras et l'entraîna loin du jeune adulte, contournant la femme assommée. Morgane jeta un regard en arrière, Christophe avait déjà disparu.

DESTROYAS II : La Zone FantômeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant