Chapitre 18

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Les jours passèrent calmement, Morgane se remit d'aplomb rapidement.

Elle avait pu enfin sortir de sa chambre provisoire et prendre l'air, réalisant par la suite qu'elle avait séjourné dans l'hôtel qui jouait le rôle de frontière, entre la rue principale de la Ville et la cour, et repère, de leur chef, Baptiste.

L'adolescente n'avait pas vu ce dernier depuis leur courte conversation interrompue par Armande, ce qui l'agaçait de plus en plus. Elle devait lui parler et régler tout cela, savoir à qui elle devait se soumettre réellement. Mais, surtout...

Quels étaient réellement ces pouvoirs ? Où son identité ''inhumaine'' s'arrêtait véritablement ?

Baptiste cachait quelque chose, mais pourquoi aucun Destroya de la Ville ne l'avait soupçonné avant elle ? Ça crevait les yeux, même un aveugle aurait remarqué que leur chef n'était absolument pas un Destroya ''normal'' ! Que quelque chose le rendait différent des autres !

Déjà que ceux de son espèce étaient ''anormaux'' aux yeux de la société qu'ils avaient tous fui, qui les avait poussés à s'exiler de cette sorte, abandonnant famille et vie au plein cœur d'Avignon et partagée avec les humains...


Entourée de ses amis et de celui qu'elle aimait, celle au corbeau trônait sur la carcasse métallique d'une voiture, près des murs de la Ville, Kim fidèlement sur son épaule, comme à son habitude.

Armande, Mila et Laureline parlaient d'une voix tonitruante, avant d'exploser de rire à l'unisson. Quentin regardait les bâtiments moroses de la Ville, assis sur une grande boîte à ordures, à côté de la défunte machine. Zakari était adossé contre la voiture faisant face à Morgane, alors qu'Axel était juste à côté de celle au corbeau, tous les deux perchés sur ce cadavre en ferraille.

Ils avaient beau parler comme avant, rigoler ou débattre comme des adultes incomplets, tous avaient changé et Morgane l'avait vite remarqué. Leur regard immature, perverti par l'époque de l'adolescence, était devenu plus dur et ferme. Zakari rigolait moins. Quentin parlait peu, alors qu'avant, il était le premier pour amuser la galerie. Armande était devenue une jeune femme plus stricte et, étrangement, assez autoritaire quand il le fallait. Mila et Laureline étaient plus posées, avec malgré tout quelques moments de folie, tels des chatons en bas âge en manque d'attention.

Quant à celui qu'elle aimait, il semblait être moins froid qu'avant, surtout depuis cet accident qui avait bien failli tuer celle au corbeau. Axel montrait enfin au grand jour qu'il pouvait ressentir des émotions, autres que la faim ou la fatigue.

Peut-être que, elle aussi, elle avait changé. Mais Morgane l'ignorait et, au fond, elle n'en avait rien à faire. C'était bien trop tard pour se remettre en question et pour retourner en arrière... le futur ne pouvait pas être changé et le passé était loin derrière eux, encore dans le cœur même d'Avignon, caché derrière ces remparts en acier.

Ils regardèrent les trois adolescentes parler et animer leur groupe... jusqu'à que des bruits de pas retendirent, s'approchant d'eux. Les sept Destroyas virent alors, alertés et surpris, Mathys, marchant vers les autres adolescents.

Un silence s'installa, le temps permettant au Destroya de s'arrêter devant leurs yeux étonnés et de les inspecter tous du regard. Mathys les salua d'un petit geste indifférent de la main avant de faire, d'une voix plate, les yeux rivés sur celle au corbeau :

- Baptiste veut te voir.

Un autre silence. Morgane haussa les sourcils, abasourdie d'apprendre que leur chef voulait lui parler à elle et seulement elle. Peut-être qu'elle allait enfin avoir les réponses à toutes ses questions qui la torturaient mentalement... qui sait ?

L'adolescente hocha la tête et descendit de ce qui restait de la voiture, avant de suivre Mathys de très près. Ils s'approchèrent de l'entrée de la cour, traversant la rue principale de la Ville, devant les regards interloqués de ses amis... et des yeux légèrement ravagés par une jalousie naissante d'Axel.

Les deux Destroyas pénètrent dans la cour intérieure de l'hôtel, où Baptiste semblait l'attendre, le regard haut dans le ciel, les ses yeux perdus dans l'immensité de ce sombre plafond. Leur chef baissa le regard jusqu'à la voir avant de dire :

- Ah, te voilà. Merci de me l'avoir amenée, Mathys.

Ce dernier accepta ses remerciements en hochant la tête. Il fit alors :

- Je dois partir ?

- Non, lui répondit leur chef. Ce n'est pas un problème si tu restes ici.

L'adolescent aux cheveux bruns ne broncha pas et alla s'asseoir sur la table qui lui servait de trône. Baptiste joignit ses mains et lança, en fixant Morgane avec son regard bleu grisâtre :

- Tu t'en rappelles de notre petite conversation, d'il y a quelques jours ?

- Comment je pourrais l'oublier ?

- Je savais que tu allais me répondre ça.

Celle au corbeau leva un sourcil, étonnée sans réellement l'être. Le chef de la Ville sourit légèrement avant de se lever de sa chaise en plastique, trône de fortune qui avait probablement pris une valeur, avec le temps.

- Tu sais, Morgane, dit-il en marchant vers elle, c'est assez courageux et audacieux de ta part de me demander si, par je ne sais quel moyen, je peux me retrouver avec plusieurs pouvoirs... mais...

Il posa ses mains sur les épaules de l'adolescente, son corbeau eut le temps de croasser au visage de Baptiste avant de s'envoler pour éviter de se faire écraser. Elle frémit par la soudaineté du mouvement, les yeux sur leur chef à tous.

- Je ne vais pas te blâmer pour ça, non, continua-t-il d'un ton froid sans être violent, mais juste te montrer de quoi je suis capable réellement.

Un silence, Morgane eut l'impression que c'était ses dernières minutes sur Terre. Allait-il lui montrer qu'est-ce qu'il était réellement avant de la tuer, pour lui faire comprendre que la curiosité est un vilain défaut ? Ou allait-il la laisser vivre avec des informations pouvant le détruire complètement, mettant alors son rôle de leader en péril et sa parole remise en question ?

- Je contrôle la glace, oui, annonça alors Baptiste. Mais je suis aussi le maître de l'espace-temps.

DESTROYAS II : La Zone FantômeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant