Chapitre 15

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Morgane se retrouva dans la rue de la République.

Seule.

Elle regarda tout autour d'elle : ces mêmes bâtiments, cette même route, ce même ciel déprimant...

Mais deux détails la percutèrent : comment la rue principale d'Avignon pouvait être déserte de cette sorte ?

Mais, surtout... quelle était cette odeur nauséabonde qui lui pinçait le nez ?

- Oh, les gars ! appela-t-elle, avec un espoir désespérant que quelqu'un puisse l'entendre. Vous êtes là ? Axel ? Euh... Kim ?

La Destroya n'était même pas accompagnée de son fidèle corbeau ! Elle pivota sur elle-même, regardant cette rue de la République parfaitement revisitée pour seulement elle, sa conscience et ses peurs.

Pas le moindre souffle du vent, juste un air pesant et frais à la fois. Elle n'entendait que son cœur, qui battait de plus en plus vite, ressentant le stress naissant de l'adolescente. Morgane fit un léger rire nerveux puis décida d'avancer.

Elle marchait seule, au plein milieu de la rue principale d'Avignon. Seul le bruit de ses pas retentissait, brisant l'ambiance sordide des lieux. Les voitures semblaient figées, elles aussi, par la peur qui allait s'abattre sur l'adolescente.

Morgane commençait à regretter ses actes. Pourquoi son envie de défi et sa fierté surdimensionnée la mettaient toujours dans des situations pareilles ?

La place de l'Horloge s'approchait, elle et le siège de l'État. Où ceux qui chassaient les Destroyas se réfugiaient, ou ceux qui torturaient ceux de son appartenance, parce qu'ils n'étaient pas ''humains''. Morgane frissonna, son inquiétude grossissait, elle avait l'impression d'être observée, constamment...

Elle eut le malheur de tourner son regard, vers une petite ruelle, entre deux bâtiments. L'adolescente fit un pas en arrière, ses yeux s'écarquillèrent, elle plaqua sa main contre sa bouche pour se retenir d'hurler.

Mais la Destroya put, malgré tout, tonitruer :

- OH MON DIEU, PUTAIN DE MERDE !

Des corps ensanglantés s'entassaient dans la maigre ruelle. Avec terreur, Morgane reconnut sa propre mère, sa sœur, ses anciens professeurs... même ses amis Destroyas qui avaient fui Avignon avec elle ! Un frisson parcourut toute la surface de sa peau, les larmes aux yeux.

Ils avaient été tous massacrés ! Un par un !

La Destroya recula de plus en plus, les jambes grelottantes, les yeux brûlants et l'horreur l'étranglant de plus belle. Ils étaient tous morts. Elle vit même le maigre et inerte corps plumé de Kim, allongé sur une de ses ailes, tout en haut de cette pile de chair et de sang.

- Oh merde, souffla-t-elle entre ses dents, paralysée mais avec cette folle envie de déguerpir en hurlant, oh merde, oh merde, oh...

Puis ses yeux s'élargirent un peu plus en réalisant quelque chose de très important, pour elle.

- Axel.

Il n'était pas présent dans ce massacre. Était-il vivant, encore ? Il devait l'être... au moins pour elle, pour être sûre qu'elle n'était pas seule dans cet Avignon ensanglanté !

Mais... où ? Où pouvait-il être ? Dans les remparts ? Ou peut-être dans la Zone Fantôme ? Peut-être que Baraka avait matérialisé un monde sans lui, en réalité... qui sait ?

Un cri la ramena à la réalité, Morgane sursauta. Elle réalisa alors que ça faisait au moins une minute qu'elle fixait cette montagne sanglante, les yeux rivés sur le cadavre de sa mère. La Destroya voulut se frapper, puis un autre cri, un peu plus fort que le premier, brisa le glauque silence et l'interpella de nouveau.

Puis quelque chose se brisa, à l'intérieur d'elle-même.

- Oh, non, pas toi. Pas toi, pas toi, pas toi !

Morgane sprinta jusqu'à la place de l'Horloge, c'était bien la première fois qu'elle courut aussi vite. Le stress lui brûlait le cerveau, aussi bien que le manque d'endurance carbonisait ses faibles jambes. Elle arriva, le souffle court et la respiration beaucoup trop rapide, pile devant le QG de l'État.

La Destroya fut coincée entre l'envie de vomir, d'hurler, de pleurer ou de foncer sur Clément.

Il tenait, par son pouvoir de télékinésie, celui qu'elle aimait à quelques mètres du sol, lui faisant pression sur son cou par sa force mentale. Les épaules de Morgane s'abaissèrent lourdement, sa mâchoire se décrocha, elle dut lutter pour ne pas tomber à genoux.

- Pas toi...

Puis la Destroya jeta un regard noir à l'autre adolescent, qui la fixait avec ses yeux marron venimeux. Il rigola. La peur de l'adolescente se maria avec sa propre haine.

- Alors toi, grommela-t-elle, je vais te...

Une énorme poubelle la heurta violemment, Morgane chuta en lâchant un petit cri. Clément hurla de rire.

Elle voulut se relever... mais ses jambes refusèrent. La poubelle pleine et puante lui paralysait tout le bas de son corps, la Destroya avait beau la pousser du mieux qu'elle pouvait, la gigantesque boîte à ordures ne bougeait pas d'un millimètre.

Un cri étouffé de la part d'Axel lui fit lever les yeux, Clément tira lentement sa langue d'une façon provocante. La Destroya hurla à en perdre la voix, entre la peur écrasante et la colère bouillante qui coulait dans ses veines.

- FILS DE PUTE ! J'VAIS T'CASSER EN DEUX, CLÉMENT, J'TE JURE ATTENDS QUE JE ME RELÈVE, TU VAS VOIR !

Pourquoi pensait-elle que le menacer allait arranger les choses ?

Clément la regarda puis lui sourit d'une façon innocente... avant de lever son majeur en sa direction.

Le sang de l'adolescente se glaça en entendant un grand cri strident. Celui qu'elle aimait chuta, se rapprochant précipitamment du sol de la place de l'Horloge. La Destroya fut aveuglée par ses larmes, une force inconnue lui donna un violent coup de poing dans le ventre, sa gorge se tordit par l'angoisse et le traumatisme.

- AXEL !

Elle ne put rien faire, à part baisser la tête, tout en pleurant. Morgane s'empressa de couvrir ses oreilles avec ses mains, pour ne pas entendre le bruit des os de l'adolescent, se brisant au contact du sol.

Puis elle sombra dans le néant. Tout disparu.

DESTROYAS II : La Zone FantômeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant