C'était inhumain. Egel en venait même à considérer ses ennemis comme des héros – ses ennemis !
Lui n'en pouvait plus : il venait de descendre du dromadaire mais ne pensait déjà plus qu'à remonter, sa gorge était sèche sans qu'il puisse l'hydrater ; l'énergie le quittait petit à petit, il ne levait plus les genoux assez haut pour éviter d'avoir du sable dans ses chaussures ; le soleil l'accablait de tous les côtés...
Le prince leva les yeux vers les Amhuriens, des hommes qu'on disait être des barbares chez lui. Sa vie entière, il avait cru ce qu'on lui racontait sans jamais se poser de question... Il découvrait à présent une toute autre face de leur personnalité. Ils étaient des héros, bravaient le désert et sa chaleur insoutenable sans jamais faiblir, continuaient d'avancer dans l'immensité de sable alors que tout espoir d'arriver un jour quelque part semblait perdu. Une petite voix ironique lui souffla qu'ils étaient sur le chemin de la mort, la dernière épreuve avant de rejoindre le Royaume de Lys.
Devant lui, son père trébucha et s'écrasa lourdement contre le sol ardent. Egel fit de son mieux pour l'aider à se relever – ce qui n'était pas simple car leurs mains étaient attachées par des liens – et ils restèrent cramponnés l'un à l'autre pendant un moment. Ils n'eurent pas besoin de gestes pour se comprendre, encore moins de paroles, un regard suffit.
Comment en étaient-ils arrivés là ? Comment le roi et le prince de Mirùn avaient-ils fait pour devenir prisonniers et être traînés là où leurs ennemis voulaient les emmener ? Pour être traités comme des bêtes ? Ils se contemplèrent, les questions passant de l'un à l'autre sans jamais trouver de réponse, jusqu'à ce qu'Egel baissât la tête.
Derrière eux, un soldat cria, de son accent à couper au couteau :
— Avancez ! Ou bien je vais vous donner une raison de rester sur place, moi !
Telmar et son fils hochèrent la tête, plus pour eux-mêmes que pour l'Amhurien, et ils se remirent péniblement en route. Le soldat dut juger qu'ils n'avaient pas été assez rapides puisqu'il leur donna un coup de fouet. Egel serra les dents et sentit les larmes lui venir aux yeux.
Des barbares, courageux et endurants, peut-être, mais pas des héros, décida-t-il.
Le prince ne se sentait pas bien, et il était incapable de penser à autre chose qu'à son emprisonnement ou à la douleur. Dans ces cas-là, il contemplait ce qui l'entourait, il se concentrait sur autre chose... Mais comble du malheur, cela lui était impossible. Toujours le même paysage qui défilait ; du sable à perte de vue ; aucun arbre pour briser la monotonie ; seulement des arbustes secs çà et là ; le ciel d'un bleu limpide sans aucun nuage : il n'y avait là rien à observer. Il ne pouvait pas non plus analyser leurs ennemis, les Amhuriens, puisque leurs visages étaient soigneusement cachés par leur turban clair.
Il en vint à se demander si la petite voix qu'il avait entendue n'avait pas raison finalement... Et si ce n'était pas le cas, et s'il n'était pas déjà en train de mourir, ne serait-ce pas mieux de donner un coup de main au destin ? La mort serait certainement plus douce que la vie qu'il menait actuellement... Il avait tout perdu et la seule chose que lui promettait l'avenir était de se faire torturer par ses ennemis. Pourquoi les auraient-ils capturés sinon ? Certainement pas pour une balade de santé.
Egel songeait avec de plus en plus de sérieux à se donner la mort, cependant il avait deux problèmes : premièrement, et déjà pas des moindres, il ne savait comment faire. Les Amhuriens veillaient bien à ce qu'il n'eût pas accès à aucun objet qui aurait pu servir d'arme et de toute manière il était ligoté. Il ne pouvait se noyer non plus, puisque... Il poussa un soupir à cette pensée. Jamais il n'aurait cru regretter la pluie caractéristique de son royaume. Il aurait aussi pu se laisser mourir de faim, et de soif surtout, mais une part en lui refusait de l'écouter et il buvait toujours avec avidité l'eau qu'on lui tendait.
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Le Trésor de Bargor
FantasyCela fait des centaines d'années que les dieux n'ont plus mis les pieds sur le Continent. Jusque là, les mortels s'en étaient accommodés comme ils le pouvaient. Seulement, ce temps est révolu. Le monde s'écroule sous le poids d'une nouvelle menace...