Un craquement réveilla Egel en sursaut. Il se leva plus vite que si on lui avait jeté un saut d'eau sur la tête et se figea dans une position d'attaque pour repérer son potentiel ennemi. Sans quitter les arbres des yeux, il se baissa et prit son arc à tâtons. Il en profita pour donner un petit coup de pied au compagnon qu'on lui avait attribué, un soigneur du nom de Vladimir, qui dormait toujours comme une marmotte malgré le vacarme qu'avait fait le prince en se levant. Il ouvrit un œil paresseux et demanda :
— Qu'est-ce qu'il y a ?
— J'ai entendu un bruit suspect.
— C'était un animal, rendors-toi, nous avons beaucoup à faire aujourd'hui et il ne faudrait pas être fatigué pour cela...
Egel grogna. Ils avaient affaire au plus redoutable de tous les peuples, ils ne pouvaient pas se permettre de faire preuve de désinvolture. Alors que l'autre enfouissait la tête dans ses couvertures, le prince plaça la corde de l'arc en position de tir. Il fallait la faire passer de l'autre côté de la poupée en courbant l'arme pour avoir plus facile. Autrefois il l'avait fait avec une fausse corde parce que le faire simplement contre un arbre comportait le risque de se prendre une branche dans les yeux. Maintenant, il pratiquait depuis si longtemps que les gestes étaient devenus automatisme et qu'il ne risquait pas grand-chose. Une fois que ce fut fait, il encocha une flèche et positionna ses doigts sur la corde pour un tir rapproché, à une distance d'environ deux doigts. Il ne banda pas l'arc puisqu'il n'était sûr de rien, mais un mauvais sentiment l'assaillait.
Tout un temps passa sans qu'il ne se passe rien mais Egel n'osait pas relâcher sa garde, ce serait à ce moment là que ses ennemis feraient surface. Le plus patient d'entre eux l'emporterai. A ses pieds, Vladimir se mit à ronfler.
Le prince hésita à s'éloigner un peu pour voir si la menace était réelle, mais il craignait qu'alors on les attaquât séparément. Il fit un petit tour en gardant de vue son compagnon et il soupira en repensant au choix des groupes. Ils avaient pris parti de faire des groupes plus ou moins équitables, mais ils avaient considéré que lui savait se battre. Erreur. Il savait tirer à l'arc – même plutôt bien – mais il ne savait pas se battre. Vladimir non plus.
Il était d'ailleurs du genre inverse, soigneur jusqu'au bout des ongles : Egel le suspectait de ne blesser personne même si sa propre intégrité était en jeu. Il poussa un nouveau soupir et regarda vers le ciel. La luminosité augmentait et ils pourraient bientôt repartir. Il revint près de Vladimir et le secoua comme un prunier pour le réveiller. Celui-ci poussa un grognement puis eut un petit sourire ironique en voyant que le prince avait toujours son arc en main.
— Alors, tu m'as sauvé la vie d'une horde de Salvyries qui nous ont attaqués ?
— Ne rigole pas trop, elles n'ont peut-être pas osé approcher justement parce que j'étais menaçant...
Le soigneur éclata d'un rire franc. Correction faite, songea le prince, Vladimir ne faisait pas de mal physique, mais il était très blessant.
— Bon, marmonna-t-il. Prends tes affaires, on y va.
— On va où ?
Encore une fois, il ne voulait pas mal faire mais c'était un sujet sensible qui déclencha un serrement de cœur chez Egel. C'était une bonne question. Ils ne savaient pas où ils allaient, et c'était limite s'ils savaient ce qu'ils cherchaient... Mais c'était ainsi et il était trop tard pour faire demi-tour.
Ils déjeunèrent d'un pain qu'ils avaient acheté à Purba, déjà rendu sec par le voyage ainsi que de quelques baies trouvées sur les buissons à leur portée. Vladimir avait assuré qu'elles étaient comestibles. Si Egel avait d'abord été septique à se sujet, une fois qu'il y eût goûté, il finit par en manger un nombre irraisonnable.
VOUS LISEZ
Le Trésor de Bargor
FantasyCela fait des centaines d'années que les dieux n'ont plus mis les pieds sur le Continent. Jusque là, les mortels s'en étaient accommodés comme ils le pouvaient. Seulement, ce temps est révolu. Le monde s'écroule sous le poids d'une nouvelle menace...