— Nous devons prendre la direction du soleil couchant, dit la reine avec conviction.
Les membres de l'expédition échangèrent un regard perplexe.
— Vous êtes certaine, altesse ? Parce que si c'est pour retourner dans un autre guet-apens, hein...
— Notre quête est de sauver le monde ! Vous ne pouvez tout de même pas douter parce que nous avons croisé trois Salvyries en chemin...
Egel étouffa un rire sous cape. Quand elle voulait Alyn avait un excellent pouvoir d'oratrice, mais parfois elle était un peu trop ferme dans ses idées et ne comprenait pas qu'on ne soit pas d'accord avec elle. Il regarda la foule. Les mines réjouies étaient peu nombreuses.
— Faisons deux groupes alors, suggéra-t-il. Ceux qui retournent au pays, et ceux qui poursuivent l'aventure.
Sa sœur lui jeta un regard méchant : elle n'imaginait pas une seule seconde que quelqu'un puisse se désister... elle allait être déçue. Sur la vingtaine d'individus dont était composée la troupe, quatre voulurent partir parce qu'ils ne se sentaient plus l'étoffe d'un héros, et trois autres furent ajoutés à leur groupe pour cause d'invalidité. Ces derniers étaient des femmes : se libérer des Salvyries sans aide s'était révélé ardu, et elles s'étaient blessées.
Egel vit Alyn pincer des lèvres. Elle ne comprenait pas que certains quittent l'aventure alors que si personne ne partait en quête du trésor, ils mourraient tous. Il secoua la tête en souriant. Il faudrait qu'il lui explique une fois que « la fin du monde » n'était pas tangible pour tout le monde, et que l'aventure c'était parfois beaucoup.
Au final, il restait dans leur groupe Alyn, Missor et Egel évidemment, mais aussi Vladimir, la cartologue Lisa, un historien Artus, un commis de cuisine, un barde et trois chevaliers. Prenaient le chemin du retour le vieillard qui voulait voir le monde, un chevalier et son fils, l'ami d'enfance d'Egel, ainsi que quelques autres.
Le prince se sentait un peu abandonné par son ancien ami, mais il tenta de ne pas le montrer. De toute manière, se dit-il, ils s'étaient éloignés avec le temps : Egel avait grandi dans la perte de son royaume, dans la mort de son père et dans le voyage alors que Jafir était resté le même. Ils n'avaient plus grand-chose à se dire, et en fin de compte, c'était peut-être mieux qu'ils se séparent en bons termes.
Ils se firent donc des adieux, qui, s'ils n'étaient pas larmoyants, étaient au moins souriants et sincères. Les Soudinites qui les accompagnaient, donnèrent de leur poche pour permettre aux autres de faire un bon voyage vers Mirùn. Egel les regarda faire en haussant un sourcil.
Quand ceux qui retournaient se furent éloignés les aventuriers se concertèrent.
— Le problème, c'est qu'on ne sait pas jusqu'où on doit aller, dit l'historien. Nous pourrions aussi bien arriver demain ou dans plusieurs années, qui sait ?
— Et on n'est même pas sûrs que le trésor se trouvera là-bas, enchérit Lisa.
— Si nous le sommes, dit Alyn avec agressivité. D'ailleurs, pourquoi serais-tu là si tu ne me croyais pas ?
La cartologue haussa les épaules.
— Pour l'aventure... mais ne nous énervons pas, ça ne mène à rien ! Voyons. Si on continue dans cette direction, nous traverserons le Soudin de part en part, et puis, à supposer qu'on n'ait pas dû s'arrêter, nous tomberons sur les monts infranchissables. Et là, j'espère que nous n'aurons pas à aller plus loin parce que ces montagnes portent bien leur nom.

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Le Trésor de Bargor
FantasiaCela fait des centaines d'années que les dieux n'ont plus mis les pieds sur le Continent. Jusque là, les mortels s'en étaient accommodés comme ils le pouvaient. Seulement, ce temps est révolu. Le monde s'écroule sous le poids d'une nouvelle menace...