Ils allaient partir. Ils étaient une vingtaine et ils laissaient derrière eux tout ce qu'ils connaissaient pour aller de l'avant et tenter de sauver le monde. Amhuriens et Mirùniens. Nobles et membres du tiers-état. Hommes et femmes. Adultes et enfants.
Quand Alyn avait annoncé son projet, elle ne s'était jamais attendue à recevoir autant d'aide. Les humains étaient des drôles de créatures qui voulaient tout pour eux sans jamais lever le petit doigt. Elle avait pensé que quelques personnes courageuses et intrépides l'accompagneraient, qu'il faudrait peut-être aller jusqu'à ordonner aux chevaliers de les accompagner. Mais non. Beaucoup s'étaient proposés et il avait fallu sélectionner ceux qui partiraient.
Leur troupe d'aventuriers se composait d'elle-même, d'Egel et de Missor, il en allait de soi, ainsi que de chevaliers et soldats, d'un historien, d'une cartologue, de quelques soigneurs, d'un vieux menuisier et de son fils, d'intendants à la cuisine, d'un barde, d'une palefrenière et d'une botaniste. Des gens foncièrement bons prêts à se sacrifier pour la survie des autres.
Ce qui ennuyait d'autant plus Alyn. En effet, ils se rendaient chez les Salvyries et il y avait peu de chance qu'ils s'en sortent tous vivants. Le poids de chaque mort pèserait à jamais sur les épaules de la reine, qui les avait entraînés dans cette aventure. Sans en être persuadée pour autant, elle se dit une énième fois que cela était nécessaire, que c'était un mal pour un bien.
La reine donna une dernière poignée de bras à son oncle qui gouvernerait désormais sur Mirùn. Ils se contemplèrent comme deux soldats, deux hommes forts que rien ne pouvait faire flancher. C'était ce que le peuple voulait et c'était surtout ce dont avaient besoin les aventuriers avant de partir. Mais dans leur intimité, le roi souffla quelques mots au creux de l'oreille de sa nièce.
— Je crois en toi. Fais pareil.
Ils se sourirent et se lâchèrent.
Alyn enfourcha son cheval et donna ainsi le départ de leur convois. Elle ne regarda pas en arrière. Elle emportait avec elle la seule famille proche qu'il lui restait et tous ses espoirs. Elle avait déjà quitté son royaume. Plus rien ne la retenait.
Du coin de l'œil, elle vit qu'il n'en était pas de même pour Egel. Ses mains se faisaient hésitantes sur les rênes et il ne cessait de se retourner. Alyn n'était déjà pas totalement certaine que l'emmener fût la meilleure des idées, alors il fallait vraiment qu'il prenne cette décision de les accompagner sans qu'elle ne l'influence.
Elle s'inquiétait pour lui. Tantôt il se portait comme un charme tantôt il sombrait dans une humeur obscure sans que rien ne puisse l'en sortir. Il tentait d'oublier la mort de son père mais les souvenirs continuaient de l'accabler. Il ne voulait pas en parler.
Quand il rechutait ainsi, c'était comme si son âme quittait son corps. Soit il se traînait, amorphe et taciturne, soit il était pris de crises de violence. C'était pour cela qu'Alyn avait eu quelques doutes, qu'elle avait pensé à le laisser au château. Parce qu'il pouvait se révéler être une menace contre la réussite de leur mission.
Finalement elle avait décidé qu'il ferait lui-même ce choix. Peut-être que l'aventure et le fait de changer d'air l'aideraient. Et peut-être aussi que ça lui ferait du bien à elle de savoir son frère à ses côtés. Ils n'avaient pas grandi ensemble, ils ne se côtoyaient que depuis quelques mois pourtant elle s'était beaucoup attachée à lui.
Si elle ne le rejoignit pas, elle lui adressa quand même un sourire réconfortant. Il le lui rendit et avança d'un air plus sûr.
Ils traversèrent d'abord avec difficulté toute la ville d'Ytto puis les hameaux autour et enfin la campagne. La nouvelle qu'ils partaient pour sauver le monde s'était répandue comme la peste. Même dans les petits villages les gens sortaient ou arrêtaient le travail aux champs pour voir passer la troupe et l'acclamer.
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Le Trésor de Bargor
FantasyCela fait des centaines d'années que les dieux n'ont plus mis les pieds sur le Continent. Jusque là, les mortels s'en étaient accommodés comme ils le pouvaient. Seulement, ce temps est révolu. Le monde s'écroule sous le poids d'une nouvelle menace...