Le dromadaire semblait lui sourire. Egel détestait les dromadaires. « Viens, monte-moi, que je te rappelles d'horribles souvenirs et que je te donne des courbatures ! » voilà ce que l'animal aurait dit s'il avait pu parler. En tous cas, c'était sûr qu'il le pensait. Le prince lui jeta le regard le plus méchant qu'il put.
Près de lui, il entendit Mélanie éclater de rire.
— Allons, à quoi joues-tu ?
Il haussa les épaules et sentit sa nuque se réchauffer. Il esquiva la question en changeant de sujet.
— Comment faut-il faire pour qu'il se couche ?
— Près du sol !
La bête s'exécuta avec une lenteur exaspérante.
— Merci.
— Ce n'est pas moi qu'il faut remercier, dit Mel, c'est lui qui s'est abaissé et qui te portera durant tout le trajet.
Le prince contempla le dromadaire d'un œil suspicieux et ne prononça un maigre merci que parce que la gouvernante attendait qu'il le fasse.
Une fois sur l'animal, il attendit que les Amhuriens se préparent tous. Il vit Alyn embrasser chaleureusement Mel et curieusement, sentit un petit pincement au cœur. Son franc-parlé et sa gaîté de vivre lui manqueraient à coup sûr.
Enfin, la petite troupe se mit lentement en branle. Le soleil pointait le bout de son nez. Ils partaient à l'aurore, comme prévu.
Il ne fallut beaucoup de temps à Egel pour comprendre pourquoi ils montaient déjà, ne respectant pas leur habitude de marcher la première heure « parce qu'on était alors encore frais ». Dans les ville, les gens s'agglutinaient autour d'eux, tendaient les bras pour toucher leur reine, lui dire au revoir. Sans les dromadaires, ils se seraient faits écraser par la foule, ils n'auraient pu avancer.
Plus tard dans la journée, la reine fit route à ses côtés.
— Regarde, dit-elle avec un sourire de fierté. Nous passons près du petit marché.
Sur leur droite de nombreux étalages vendaient des articles en cuir : chaussures, sacs, coussins, décorations, ceintures... Étaient aussi présentés des bijoux, des armes, des animaux en bois, des instruments de musique, des balais, des pagnes de tissus et bien d'autres choses encore auxquelles Egel n'aurait même pas été capable de donner un nom ou une utilité.
Tous ces objets étaient disposés en avant plan et c'était parce qu'il y en avait tant qu'il eut du mal à réaliser ce qui se tramait à l'arrière : On pouvait entrer dans ce genre de boutiques ouvertes et alors on voyait les artisans à l'œuvre !
— Ils travaillent là ! Pourquoi ? demanda-t-il.
— Eh bien ! Ou voudrais-tu qu'ils le fassent ? Ainsi le temps n'est pas perdu, s'il y a des clients ils s'en occupent et s'il n'y en a pas ils avancent dans leur production.
Egel était émerveillé. Ce que disait Alyn était vrai en un sens, il ne comprenait d'ailleurs pas qu'il n'en fut pas la même chose en Mirùn. Chez lui, produire et vendre n'était pas le même travail, en conséquence on ne les mélangeait pas et on ne le faisait pas au même endroit. D'un autre côté, songea-t-il, en Mirùn le temps ne laissait pas toujours la possibilité de permettre un marché ouvert.
Certains artisans travaillaient pour le moment sur des semelles de chaussures et Egel les vit assembler les couches de cuir, piquer avec une aiguille et tirer le fil à l'aide de leurs dents. Ils le regardaient fixement en faisant cela et s'il devait avouer que c'était perturbant, il comprenait aussi que lui-même faisait partie des choses qu'on ne voyait pas tous les jours.
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Le Trésor de Bargor
FantasyCela fait des centaines d'années que les dieux n'ont plus mis les pieds sur le Continent. Jusque là, les mortels s'en étaient accommodés comme ils le pouvaient. Seulement, ce temps est révolu. Le monde s'écroule sous le poids d'une nouvelle menace...