Mélanie entraîna le prince dans le dédale de couloir qu'était le palais de Mellior. Sa poigne était ferme mais pas douloureuse. Et puis heureusement qu'elle était là, car sinon, et malgré son sens inné de l'orientation, il se serait perdu. Ils montèrent plusieurs fois des escaliers et finirent par arriver devant une petite entrée, fermée d'un rideau.
— Allez, vas-y.
Elle le poussa un peu.
— Vous ne pouvez pas venir avec moi ?
Elle rit et lui chuchota :
— Mon petit, je suis Amhurienne, à qui crois-tu que ma loyauté ira, entre toi et la reine ?
Et elle l'expédia dans la salle. Il n'eut plus le choix cette fois, il se défit du rideau et entra.
Dans la salle, seule une table rectangulaire. La reine était à une extrémité. Ils se dévisagèrent un moment, jusqu'à ce qu'il comprenne qu'elle attendait qu'il s'incline. Quand ce fut fait, elle invita Egel à s'asseoir à son opposé d'un geste de la main. Il la remercia et prit place.
Le silence était pesant. Pendant quelques secondes qui semblèrent s'étirer, aucun d'eux ne dit mot. Heureusement, ils pouvaient entendre le piaillement des oiseaux à travers la fenêtre, sinon ça en aurait même été gênant.
Alyn finit par saisir une petite clochette et la fit tinter. Ses gestes étaient emprunts d'une grâce qu'il ne pouvait qu'admirer. Des serviteurs se mirent à sortir d'un couloir de service et ils déposèrent une dizaine de cloches sur la table. L'un d'entre eux se posta à côté du prince, et, le regard dans le vide, énonça :
— Mouton braisé ; accompagnement de riz gras ; mangue confite aux herbes ; poisson arc-en-ciel cuit à la broche ; friture d'ignames ; agneau nouveau ; patates-douces fourrées au fromage de chèvre ; chaussons fourrés d'un mélange de viandes et pour conclure, dos de watusi.
Egel saliva à l'entente de ces noms, qui lui étaient étrangers pour la plupart. Cependant, ce n'était encore rien : son estomac se tordit de douleur quand les serviteurs soulevèrent les cloches et que les plats se dévoilèrent à sa vue, et il eut une seconde contraction quand leur fumet parvint à ses narines...
— Vous avez l'air d'avoir faim, je vous en prie servez-vous, tout est là pour vous.
Il ne sut se décider pour un seul, aussi piocha-t-il quelques morceaux dans tous les plats. Et encore là, il eut du mal à choisir par quoi commencer. Il opta pour des petits triangle de pâte-feuilletée dont il avait oublié le nom. Et ce fut un véritable régal. Le mélange du croquant de la pâte et de la douceur de la farce... Hum...
En plus son dernier repas datait de la veille au soir, aussi avait-il vraiment faim. Il se fit la réflexion qu'attendre en avait valu la peine, et qu'ainsi il pouvait se régaler plus de ce festin.
Alors qu'il allait mettre en bouche un nouveau légume, la reine l'interrompit.
— Egel ?
Il leva les yeux vers elle et cala son dos bien droit dans sa chaise, dans le vain espoir de rattraper son honneur perdu.
— En fait... Je vous recommande de ne pas manger cela. C'est du piment. On le met dans nos plats, pour épicer, mais il faut le laisser sur le bord de l'assiette. À moins que vous ne souhaitiez connaître la désagréable sensation de vous brûler le palais et toute la gorge.
Elle haussa délicatement ses épaules, comme si ce n'était rien. Il reposa le piment en lui jetant un coup d'œil soupçonneux. Il ne s'en était pas fallu de loin...
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Le Trésor de Bargor
FantasyCela fait des centaines d'années que les dieux n'ont plus mis les pieds sur le Continent. Jusque là, les mortels s'en étaient accommodés comme ils le pouvaient. Seulement, ce temps est révolu. Le monde s'écroule sous le poids d'une nouvelle menace...