4- Face à la reine

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    Ce fut un fracas du tonnerre qui réveilla Egel le lendemain. Il envisagea même pendant un moment l'idée que le château s'effondrait sur sa tête. Seulement, ce n'était que la porte de la geôle qui s'ouvrait en raclant contre le sol de pierre.

    Le soulagement fut de courte durée puisque les gardes qui étaient entrés brandissaient leurs armes. Son cœur loupa un battement. Ainsi il allait mourir... dans le noir. Dans des cachots. Comme un vulgaire hors-la-loi. Il baissa la tête et adressa sa dernière prière à Lys, comme la tradition l'exigeait quand on ne mourrait pas en se battant. Il murmura quelques paroles, à propos du fait qu'il s'était toujours efforcé d'être bon envers les autres et qu'il avait prié pieusement toute sa vie le Dieu-aux-Deux-Visages. Il n'eut pas le temps d'aller plus loin qu'on l'interrompit :

    — Tes mains.

    — Quoi ?

    Toute considération religieuse était perdue, il se demandait juste ce qui allait lui arriver. Il s'était attendu à ce qu'on le finisse, pas à ce qu'on lui coupe les mains !

    — Tes mains ! rugit le soldat.

    Alors il comprit. Il ne mourrait pas ! Il laissa échapper un petit rire nerveux et tendit les bras. Le soldat grogna et coupa le lien qui les tenait prisonnières.

    — Debout.

    Egel s'exécuta et suivit l'homme dans le couloir. À la lueur des pierres de soleil, il observa ses mains avec un sourire. Elles étaient rougies là ou la corde les avaient enserrées, mais au moins elles étaient libres, il pouvait se gratter où il le voulait si le besoin s'en faisait ressentir !

    Après quelques minutes, son père suivit. Deux soldats se placèrent derrière eux et posèrent la pointe de leur sabre dans le dos des captifs.

    — Avancez.

    Le prince, peu désireux de se faire embrocher, se mit en route. Ils gagnèrent les escaliers qu'ils avaient déjà empruntés la veille. L'ascension fut lente et pénible. Alors qu'Egel se faisait la réflexion que ses cuisses ne pourraient endurer beaucoup plus de chemin, son père cria derrière lui.

    Ils se retournèrent tous pour voir ce qui se passait. Telmar avait profité de la lassitude des soldats pour se rebeller. Il avait réussi à s'emparer d'un sabre et le pointait en direction des gardes qui le suivaient. Celui qui surveillait Egel abandonna son poste et donna un coup au roi. Cela le déstabilisa, il lâcha son arme et les deux autres derrière en profitèrent pour l'attaquer aussi. À aucun moment ils n'usèrent de leurs sabres aiguisés, cependant ils rouèrent si bien le roi de coups que quand ils en eurent fini il ne ressemblait plus à grand chose, il boitait même.

    Les soldats crièrent un moment et le prince se demanda si c'était à l'intention de Telmar ou s'ils se disputaient entre eux. Enfin, ils recommencèrent à monter sans aborder plus l'incident. La lame dans le dos d'Egel se faisait plus pressante, plus menaçante et il veilla à accélérer le rythme.

    Il se demanda pourquoi son père avait agi ainsi. Ils n'avaient aucune chance, à deux pauvres hères contre le double de soldats frais et armés. Que cherchait-il donc à prouver ? Pour le prince, cela ne reflétait aucun courage, seulement de la stupidité et de l'orgueil mal placé. Et il se refusait d'éprouver la moindre culpabilité pour ne pas avoir secouru son père : c'était une tentative vouée à l'échec.

    Enfin, ils débouchèrent sur un couloir. Instantanément, il oublia tout de ce qui s'était passé pour se concentrer sur ce qu'il voyait. Le palais de Mellior était pour lui une mine d'informations inédites. De la couleur de la pierre jusqu'aux habitants en passant par la forme des fenêtres, tout était nouveau pour lui. Il observa avec délice tout ce qu'il pouvait voir.

Le Trésor de BargorOù les histoires vivent. Découvrez maintenant