2- Sceller son destin

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    — Allons allons, il faut te lever pour te faire belle.

    — Pourquoi me faire belle quand l'homme que j'aime le plus au monde n'est plus là pour le voir, Mel ?

    La gouvernante poussa un soupir à fendre l'âme et s'assit sur le bord du lit de la reine en lui déposant un baiser sur le front.

    — Parce que tu as des responsabilités envers le peuple, et envers ton père aussi. Penses-tu qu'il serait heureux de te voir dans cet état ?

    — Il ne devait pas mourir...

    — Toutes les bonnes choses ont une fin.

    Alyn grimaça et se tourna de l'autre côté.

    — Ça faisait bien longtemps que je n'avais pas vu ma petite princesse ainsi.

    — Je ne suis pas petite. Ni princesse. Je suis la grande reine d'Ahmura, et tous les autres titres qui suivent.

    Elle s'était redressée sur les coudes et vit Mélanie hausser les épaules. Alors, elle poussa ses draps et se leva. Ce n'est qu'en voyant le sourire de la gouvernante qu'elle comprit qu'elle s'était encore faite avoir. Elle leva exagérément les yeux au ciel.

    — Tut tut tut ! Une reine ne lève pas les yeux au ciel.

    Mel avait pris le ton pincé qu'employaient les professeurs de sa protégée.

    — Bien. Mais une servante ne tutoie pas sa reine !

    Elles rirent toutes les deux, ce jeu auquel elles aimaient tant se prêter avait fait fondre l'atmosphère pesante.

    Alyn se rendit aux thermes avec toutes les partisanes du palais. En présence de ce monde, elle avait plus de mal à oublier le décès de son père. Elle entendait qu'on parlait d'Igor, de sa mort valeureuse, de la cérémonie funéraire, du buffet,... Et les dames qui avaient l'honneur de la laver prêtaient une attention particulière à être douces et agréables. Si seulement elles avaient su qu'elle préférait endurer tout plutôt que ce rappel douloureux...

    Après ses ablutions, on la vêtit de sa robe de cérémonie, d'un blanc immaculé qui faisait ressortir sa belle peau ambrée. Elle comportait aussi toute une multitude de perles et de voiles, dont la reine ne raffolait absolument pas. Plus c'était simple mieux c'était, mais on lui avait bien répété qu'elle n'avait pas le choix, surtout en ce jour spécial : il fallait qu'il restât gravé dans les mémoires et en bien...

***

    La procession avançait dans les rues de Mellior au rythme des tambours. Les yeux étaient brillants et l'ambiance triste, même si les gens souriaient. Alyn avait bien appris ses leçons : elle savait que son père allait enfin retrouver la place qui lui revenait de droit, après avoir accompli sa mission sur le Continent il allait rejoindre les dieux.

    Ainsi, la coutume voulait qu'on soit heureux pour le mort, et c'était la première fois qu'elle prenait pleinement conscience de l'absurdité de la chose. Le Roi était mort. Il ne reviendrait plus, du moins pas comme il avait été Igor. Et elle, elle ne le reverrait jamais tant qu'elle était Alyn... Il n'y avait rien de réjouissant là dedans.

    Dans les rues rectilignes de la cité, des enfants couraient, chantaient et s'amusaient. Quand certains s'approchaient pour tenter de toucher sa robe, elle leur souriait mais cela lui demandait assurément plus d'énergie que de les repousser. Elle poussa de nombreux soupirs intérieurs mais garda sa façade de fausses émotions plaquée sur le visage.

Le Trésor de BargorOù les histoires vivent. Découvrez maintenant