10- L'heure des révélations

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    On toqua trois fois. Egel se leva d'un bond et ouvrit la porte avec une telle brusquerie que Mel sursauta.

    — Nous allons quelque part ?

    Elle le repoussa à l'intérieur en retenant un rire.

    — Quel enthousiasme ! Tu n'étais pas aussi excité à ton arrivée.

    — Quand je suis arrivé, je venais de faire la traversée du désert et pour oublier cet harassant voyage je ne rêvais plus que de rester seul et calme. Les choses ont changé désormais. Bon nous partons alors ?

    — Tu n'es pas présentable voyons !

    Elle l'attrapa par la manche et le traîna au centre de la pièce. Ensuite, elle sortit d'un sac de toile une tenue beige qu'il enfila en vitesse sans plus aucune trace de pudeur : il avait compris que s'embarrasser d'un tel sentiment devant Mel ne servait à rien.

    — Pourquoi est-ce qu'on ne laisse pas des vêtements ici ? Ça serait plus rapide, dit-il.

    — Pour la même raison que ta chambre est presque complètement vide, pour ne pas que tu blesses quelqu'un ou encore pire que tu mettes fin à ta vie.

    Il hocha la tête, il était déjà parvenu à cette conclusion. Ou plutôt il avait imaginé la première des raisons. Il ne se doutait pas que sa vie fut si importante. Cela le fit réfléchir. Il avait déjà fouillé entièrement la chambre – il avait disposé de tout le temps nécessaire à cela – et effectivement, pas grand-chose n'aurait pu servir d'objet de meurtre, à moins d'être très inventif. Cependant pour sa propre mort, il n'était pas restreint par une quelconque limite de temps. Peut-être pourrait-il, en cas de besoin, s'étouffer avec l'oreiller, par exemple.

    Il cligna des yeux. Mel le regardait avec une certaine inquiétude et elle secoua la tête. Probablement espérait-elle ne pas lui avoir donné de mauvaises idées... Trop tard !

    Il sourit.

    — Nous allons voir la reine ?

    — Qui d'autre aurait de l'intérêt à te rencontrer ?

    Le prince fronça les sourcils, un second sens pouvait se cacher dans cette phrase. Soit il l'interprétait comme une personne normale et ne se posait pas de question, soit il en concluait qu'Alyn avait des intérêts à le voir. Il observa Mel, se demandant si elle laissait échapper toutes ces informations par inadvertance ou si elle tentait en fait de l'aider. Finalement, il haussa les épaules et se dit qu'il savait déjà qu'il intéressait la reine.

    Ils sortirent.

    Egel sourit. Il en avait décidément bien assez de rester cloîtré dans sa chambre à longueur de journée. Il fut fier de reconnaître quelques passages qu'ils empruntaient, il commençait à se faire au palais d'Amhura.

    Ensuite, il visualisa l'entretien qu'il pourrait avoir avec la reine. Il l'avait déjà imaginé plusieurs fois, pour se distraire de l'ennui mortel qui régnait dans sa chambre. Cependant cette fois-là était différente, le contexte avait changé : ce n'était pas le même jour, la même heure, la même luminosité dans sa chambre, la même moiteur dans l'air. Qui savait réellement tout ce par quoi une conversation pouvait être influencée ? Et puis comme ils se rencontreraient en cette période de midi, la reine avait déjà vécu ses propres aventures de son côté et pourrait adopter une humeur ou l'autre en fonction de cela.

    Il sourit en se la représentant passer par différentes attitudes. En colère, triste, contenue, heureuse, victorieuse,... Avec un certain étonnement il se rendit compte qu'il ne trouvait aucune difficulté dans cet exercice. Les mimiques d'Alyn s'imposaient à son esprit, il n'avait pas à les créer, il les avait déjà vues.

Le Trésor de BargorOù les histoires vivent. Découvrez maintenant