21- Comme un élevage

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    Une lumière immaculée rendait le fait de voir impossible. C'était comme si il n'y avais que ça, du blanc, peu importait où Alyn posait son regard. Cette immensité vide l'effraya. Sous ses pieds elle sentait le sol, mais si elle tentait de le contempler, elle ne voyait rien. Ce n'était pas comme sur un carrelage blanc, où des imperfections permettaient d'avoir des repères. Et même en supposant qu'un sol parfaitement albe existait, ce n'était toujours pas la même chose. Non, là, elle avait la sensation qu'il y avait quelque chose en dessous de ses pieds, quelque chose de plus profond encore que le sol.

    Le blanc n'avait pas de fin. Ni murs ; ni plafond ; ni sol. Rien. Ou tout, peut-être ? La reine ne savait pas. Elle se demanda si elle avait fini par s'envoler et si elle était désormais dans un nuage. Mais même les nuages n'avaient pas cette blancheur éclatante. Elle ferma les yeux pour oublier. Elle espérait qu'en les rouvrant tout serait redevenu normal. Cependant ses espoirs étaient vain puisque le blanc finit par se faire dans son esprit, alors même que ses paupières étaient baissées.

    Elle se demanda si c'était cela être mort. On lui avait toujours appris qu'elle rejoindrait une autre vie, mais Egel croyait en autre chose. A partir du moment où aucune vérité n'était universelle et prouvée, peut-être qu'ils se trompaient tous et que la mort était encore autre chose que de recommencer une nouvelle vie ailleurs ou bien que de rejoindre les dieux. Le blanc serait-il la fin de toute chose ? Mais alors, ne devrait-elle pas croiser d'autres morts ? Ou bien avaient-ils tous un blanc infini qui leur était propre ? Dans ce cas, où trouvaient-ils toute cette place ?

    Alyn sentit une larme dévaler son visage. Elle laissa la goutte faire son chemin sans la chasser. De toute manière on ne la voyait pas. Et son petit doigt lui disait que même si elle criait, personne ne viendrait à son secours. Elle était perdue dans ce blanc immaculé et ce silence oppressant. Après un moment passé là, elle entendait chaque bruit qu'elle faisait avec une intensité décuplée : les battements de son cœur envahirent son cerveau d'un rythme régulier, les froissements du tissus qu'elle portait se répercutèrent dans son esprit et son souffle se transforma en une tempête ravageuse. Dans cet endroit ou il n'y avait pas un bruit, elle entendait pourtant tout. C'était à en devenir fou.

    Elle se recroquevilla en poussant un gémissement qui résonna dans sa tête, comme si un phénomène d'écho se produisait non plus à l'extérieur mais dans son corps.

    Le temps s'éternisa sans qu'elle n'en eut aucune notion. Cela faisait peut-être des année qu'elle était perdue désormais. Ses souvenirs s'effaçaient peu à peu. Elle avait farouchement essayé de les retenir au début, mais alors le blanc se faisait plus éclatant, comme pour la punir de son affront. Elle n'avait pas soif, pas faim et elle ne vieillissait pas, rien n'était comme sur le Continent. Alors elle se résigna. Elle se résigna à laisser faire le temps – si tant soit peu qu'il existait dans cette dimension – faire son œuvre. Elle espéra que bientôt tout ne serait plus que poussière dans son esprit et qu'elle n'aurait même plus conscience d'être là.

    Alors que tout espoir l'avait abandonnée, quelque chose changea dans l'atmosphère. Le vide se remplit de matière. Elle ne le vit pas tout de suite mais elle se rendit compte que l'ambiance était moins étouffante, plus humaine tout de suite. Elle releva la tête et regarda avec surprise des colonnes émerger à divers endroit, une pelouse verte apparaître comme si on en déroulait un tapis, des murs se construire briques par briques à une vitesse impressionnante et un plafond se poser sur eux. Le temps sembla reprendre son cours et la reine aurait pu jurer que tout cela s'était déroulé en quelques secondes.

    Un temple majestueux se tenait devant elle. Au-delà de ses jardins il y avait toujours la blanc. Il ne fallut pas longtemps à Alyn pour décider d'y entrer, en espérant ne plus percevoir son cauchemar depuis l'intérieur. Elle poussa les lourdes portes qui émirent un grincement avant de céder.

Le Trésor de BargorOù les histoires vivent. Découvrez maintenant