Prologue

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Prélude de la première symphonie.

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La musique s'était arrêtée. Le son de cette mélodie triste et morose, mais pourtant belle avait cessé. Rose était étendue à même le sol, ignorant la douleur parcourant ses doigts rougis par l'effort et le froid paralysant ses pieds nus. Sa poitrine se soulevait à un rythme anormal, aussi vite que si elle avait couru un marathon, chose à laquelle elle était habituée. Les joues roses, les yeux exorbités, la jeune fille n'avait pourtant pas fini son morceau.
La musique ne résonnait plus dans la cave au sol vert et froid. Elle n'existait plus que pour Rose. Cette mélodie tenace continuait à jouer dans sa tête, toujours présente.

La musique ne la quittait jamais. Où qu'elle aille, quoi qu'elle fasse, la musique était là. Elle poursuivait la musicienne partout.

Rose ne l'aimait pourtant pas toujours, ce son produit par son violon. Elle le trouvait trop fade par moment, ou trop expressif. Tantôt juste, tantôt fausse, parfois trop courte, parfois trop longue, cette musique l'exaspérait. En bref, l'artiste détestait sa musique. Ce qu'elle faisait n'était jamais aussi bien qu'escompté. Jamais assez beau. Jamais parfait. Rose ne savait pas comment s'améliorer. Et cela la tuait.

Elle qui, pendant des années, avait recherché la perfection, aussi insaisissable qu'une chimère, était aujourd'hui lasse et fatiguée de s'acharner. La musicienne en avait marre. Marre de son inutilité, de sa nullité, de sa persévérance qui ne servait à rien.

Rose avait arrêté de jouer aussi subitement qu'elle avait commencé. Elle était rouillée, essoufflée, épuisée. Près de son instrument aux cordes usées par les mélodies jouées et rejouées, la jeune violoniste se mit à pleurer. Les larmes chaudes et salées roulaient sur son visage, trempant ses joues et son menton.

Oui, parce que Rose aurait vraiment aimé l'atteindre, cette perfection. Elle aurait aimé l'atteindre avant que ne vienne son heure. Avant que son corps ne redevienne poussière.


Avant que Cerbère ne déchire son cœur et ne la dévore tout entière.

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N. B: le prologue est à la troisième personne, mais le reste du livre (excepté quelques parties spéciales) sera écrit à "je".

CerbèreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant