Premier Intermède

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À cette heure-ci, le parc était presque désert. Il faut dire qu'il ne faisait pas très chaud... Mais le ciel, encore illuminé par le soleil sur le point de se coucher était magnifique, teinté de rose mêlé de bleu. Une brise fraîche annonçant la tombée de la nuit vint décoiffer les cheveux blonds du garçon qui marchait. Son front était barré d'un trait et ses sourcils froncés se rejoignaient presque. Il était perdu, cela se voyait sur son visage soucieux. Il ne savait plus vraiment que penser des événements récents, et avait peur de ne pas retrouver le chemin de la raison.

Il avait pris l'habitude de toujours avoir un coup d'avance. Il possédait toujours un as dans sa manche. Mais, aujourd'hui, plus rien.

Elle était tellement imprévisible...

En pensant à elle, les coins de sa bouche se soulevèrent imperceptiblement, pour former une ébauche de sourire. Elle avait une voix qui produisait un chant merveilleux, doux, chaud, envoûtant... et triste. Elle jouait du violon comme une virtuose, ses doigts bougeant si vite sur le manche de l'instrument tout en pinçant les cordes qu'ils semblaient posséder leur propre personnalité.

Elle pleurait souvent. Trop souvent à son goût, mais ses pleurs étaient justifiés, ce n'étaient pas les caprices d'une gamine trop gâtée. Et, surtout, elle était capable de rire alors que les larmes perlaient sur ses joues. Et il l'admirait pour cela.

Léo était tellement absorbé par ses pensées qu'il n'avait pas remarqué son ami affalé sur un banc, un pack de bière à ses pieds. Il lui faisait signe d'une main tout en tenant une canette de l'autre. Ses cheveux châtains semblaient presque aussi blonds que ceux de Léo à cause de la luminosité. Ce dernier s'approcha de lui.

-Salut, Marin. Je ne t'avais pas vu.

Le brun assis sur le banc sourit, et porta la canette de bière qu'il tenait à ses lèvres. Léo se détendit et s'assit.

-T'inquiète, répondit Marin tout en tendant une seconde canette à son ami.

Le blond la prit et l'ouvrit, toujours dans la lune. Il n'entendit pas la question du brun, qui fut obligé de passer une main devant son visage pour capter son attention. Léo sursauta et se tourna face à Marin.

-Eh, ça va ? Tu n'es pas avec moi, là. Tu as l'air ailleurs.

Léo se crispa et posa sa boisson, la gorge serrée. Marin ne sembla toutefois pas le remarquer et continua.

-C'est à cause de cette fille, là ? La brune, qui est plutôt bien foutue, mais qui chiale comme une fontaine ?

-Ne commence pas, Marin.

Le brun regarda Léo, un sourire moqueur plaqué sur son visage aux traits anguleux.

-Elle est quand même louche, celle-là. Sérieusement, Léo, je ne pensais pas que tu avais un faible pour les pleurnichardes.

Marin rigola à sa propre blague avant de continuer.

-De toute manière, elle finira comme les autres, non ? Rejetée, puis oubliée ?

Léo ne répondit pas. Tout ce qu'il avait envie de faire, pour le moment, c'était de gifler Marin pour effacer son expression supérieure, ce petit rictus qu'il avait au coin de la bouche. Mais c'était son meilleur pote, et ce, depuis longtemps. C'était, en plus, un des seuls de son groupe d'amis qui soit au courant pour le jeu. Il n'allait pas tout gâcher pour une fille.

-Elle est spéciale, commença doucement Léo, mais ça ne te regarde pas vraiment, se coupa-t-il brusquement de lui-même.

D'accord, c'était son meilleur ami, mais il n'avait pas besoin de tout savoir.

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