Cerbère

Seconde partie ~ Premier Mouvement

Premier Mouvement de la Seconde Symphonie.

Tout cela me semble bizarre. Je veux dire, cela paraît trop beau pour être vrai.

Personne ne s'est jamais intéressé à moi. J'ai toujours été seule, livrée à moi-même. Délaissé par le monde entier. Et tout à coup, alors que suis au bord du gouffre, il arrive dans ma vie et chamboule tout, tel une énorme tornade. Surtout, il me rend heureuse. Plus heureuse que je ne l'ai jamais été.

J'ai simplement peur que ce soit trop beau pour être vrai. J'ai peur qu'il s'éloigne de moi. J'ai peur qu'il me laisse tomber. Comme tous les autres.

-Tu veux boire quelque chose ?

La voix de Léo me parvient depuis la cuisine, hésitante. Elle chasse presque mes pensées noires et mon anxiété grandissante.

-Non merci.

Ma voix est aussi fébrile que la sienne. Je ne suis pas du tout à l'aise. Je suis chez lui. Dans son salon.

Ce n'est absolument pas gênant. Non, non, non... Moi qui voulais le voir, je suis servie.

Il faut que je me calme. Après tout, il m'a invitée simplement parce que j'étais en train de pleurer en plein milieu d'une ruelle insalubre. En jouant du violon.

Je tiens quand même à préciser que je suis parfaitement saine d'esprit.

Le garçon aux yeux bruns entre alors dans le salon et s'assied sur le fauteuil de cuir noir situé en face du canapé dans lequel je suis moi-même installée. Il a une canette de bière à la main, déjà ouverte. Il doit remarquer le regard indigné que je lui lance, car il hausse les épaules.

-C'est juste de la bière, fait-il.

Je détourne mon attention du blond et observe la pièce. Les murs autour de moi sont d'une couleur blanche assez agréable, pas agressive. Il y a également de nombreux tableaux et cadres photos accrochés. À mes pieds, se trouvent un tapis gris reposant sur le parquet et une table basse noire. La décoration est moderne sans être impersonnelle.

-Qu'y a-t-il ?

Léo me lance un regard interrogateur tout en sirotant sa bière, affalé dans le fauteuil.

-J'admire ta maison.

Il fronce les sourcils, songeur.

-Tu aimes, ici ?

Il a l'air troublé et quelque peu embêté.

-Oui, la décoration est sympathique.

Il acquiesce avec un sourire froid.

-C'est vrai, répond-il. Elle va me manquer.

Il a l'air un peu triste. Je sais que je ne devrais pas m'immiscer dans sa vie, mais bon...

-Pourquoi ? Vous allez la refaire ?

Le blond inspire un grand coup et secoue la tête.

-Quelque chose dans ce genre.

Il ne semble pas disposé à m'en dire plus. J'ai beau être curieuse, je n'insiste pas. Chacun ses secrets. Pendant plusieurs longues secondes, Léo ne parle pas, perdu dans ses pensées. Il se contente de regarder le sol, le corps crispé.

-Et sinon, reprend-il soudain en changeant de sujet, où as-tu appris à jouer aussi bien du violon ?

Étonnée par la tournure que prend notre conversation, je ne réponds pas tout de suite. Remarquant que Léo me scrute, attendant une réponse, j'ouvre la bouche pour parler. Aucun son n'en sort.