Je regarde les étoiles accrochées au-dessus de ma tête, fluorescentes dans la pénombre de ma chambre. Elles ne recouvrent qu'une partie du plafond foncé par la nuit obscure.
D'habitude, quand je ne dors pas, je pense à ma mère, à ma vie, mais surtout à Cerbère.
Pourtant, en ce moment, je pense à lui. Je ne peux pas m'empêcher de me dire que tout cela n'est qu'une vaste mésentente et que, tôt ou tard, Léo finira par me repousser, me juger ou même prétendre que je n'ai jamais existé.
De plus, si je lui parle de ma maladie... Il risque de me tourner le dos à tout jamais.
Comme les autres.
Pourtant, il m'a parlé de sa mère, d'une partie de son enfance. Cela ne veut-il pas dire qu'il a confiance en moi, envers et contre tout ? Qu'il me considère comme autre chose qu'une petite chose fragile ?
En réalité, il commet une erreur. Il ne devrait pas me considérer comme son égale alors que je ne suis même pas capable de courir cent mètres. Il ne devrait pas se confier à moi, qui ne suis pas capable de dire la vérité entièrement.
Le fait est que je lui ai tout de même parlé de ma mère. Chose que je n'avais jamais effectuée auparavant.
Je n'avais jamais mentionné son existence à personne, mise à part Adèle. C'était plus facile. Agir de cette façon avec les autres rendait mes problèmes moins réels. Je m'étais finalement persuadée que ma génitrice n'était qu'un mirage, une personne depuis longtemps disparue.
Mais je ne l'oubliais pas. Elle était présente en moi, telle un spectre damné. Je vais toujours la visiter, assez régulièrement.
J'aimerais la voir. Rapidement.
Je demanderai à Adèle, demain, si je peux aller lui rendre visite dans la maison de repos où elle réside. Mon père n'approuvera sûrement pas, car je suis déjà allée la voir il y a moins d'une semaine, mais j'en ai envie. Et... c'est grâce à Léo, je crois. Je ne peux m'empêcher de le remercier mentalement. Il m'a fait prendre conscience du fait qu'une mère est plus importante que tout.
J'admets que c'est à cause de ma venue au monde si elle est dans cet état, mais si tel est le cas, n'est-il pas normal que je reste à ses côtés ? Je me rends enfin compte que je ne peux plus la fuir comme je l'ai toujours fait.
Alors c'est décidé. Peu importe si mon père me l'interdit ou s'il n'apprécie pas mon idée, mais dorénavant, je resterai près d'elle pour la soutenir quoi qu'il arrive. Parce que fuir ne mène à rien. Mieux vaut combattre. Combattre sa maladie, la mienne.
La nôtre.
Comme deux blessées, nous essayerons de reprendre goût à la vie. Je sais que ma mère aimera, car, contrairement à moi, elle a toujours adoré vivre.
L'insomnie devenant trop persistante, je décide de me lever. Soudainement, je me rends compte que j'ai chaud. J'ouvre donc la fenêtre et l'air glacial nocturne s'engouffre dans ma chambre.
Le ciel est magnifique, ce soir. Bleu nuit, sans aucun nuage. Les étoiles, scintillantes dans cet océan noir, sont parfaitement visibles. La lune, quant à elle, est pleine. D'un blanc nacré tirant sur la jaune, elle illumine l'eau de la mer d'une lumière blafarde et se reflète dans ses eaux troubles.
Ce soir, ce n'est pas au sein de l'océan glacé que j'ai envie de plonger, mais plutôt dans son voisin, l'océan de nuit parsemé d'étoiles. Le ciel.
Cédant à ma pulsion, je passe une jambe au-dessus du rebord de la fenêtre. Je passe ensuite la seconde et m'assieds en équilibre sur le bord. Mes jambes battent dans le vide contre le mur de pierre et je place mes mains de chaque côté de mon corps. Cette position est vraiment très inconfortable pour mon postérieur et je sens que je ne pourrais pas rester ainsi très longtemps, mais, au moins, je vois parfaitement le ciel, de cette façon. Je n'ai qu'à incliner un peu la tête pour l'apercevoir dans son intégralité. Mes longs cheveux sont détachés et volent sur le côté à cause du vent. Le froid me mord les joues et me pique les yeux jusqu'à en pleurer, mais je suis bien.
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Cerbère
RomanceRose n'aimait pas sa vie. Elle la trouvait fade, vide et inutile. Surtout, elle savait qu'elle serait courte. Elle s'était habituée à l'idée qu'elle mourrait plus jeune que les autres. Ce n'était pas si grave après tout, elle ne manquerait à personn...