Troisième Mouvement

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Assise sur ma chaise, je me redresse d'un coup, tachant d'apercevoir ce que la professeure a écrit au tableau. Le garçon affalé devant moi ne fait aucun effort pour se redresser, m'empêchant de voir la totalité de la phrase tracée à la craie blanche sur le fond vert foncé. Ne parvenant pas à observer autre chose que " ¿por qué te gusta ", je me rassieds, laissant tomber le cours d'espagnol. Je soupire bruyamment, arrachant une grimace d'énervement à mon voisin. Me fichant éperdument de ce qu'il pense, je ne le regarde même pas et concentre mon attention sur notre enseignante, une petite femme menue me faisant un peu penser à Adèle. Je crois qu'elle se nomme Madame Tournelle, ou quelque chose du genre. Je n'ai jamais vraiment prêté attention aux différents noms de mes professeurs.

Je la regarde donc parcourir la classe de long en large, s'essoufflant rapidement, ses cheveux grisonnants volant dans tous les sens. Ses petites chaussures, vernies, aux extrémités arrondies, produisent un léger bruit sec sur le sol à chacun de ses pas. Tournelle... Si ma mémoire est bonne, Léo m'a raconté lui avoir "emprunté" les derniers sujets du précédent contrôle d'espagnol.

En pensant à lui, mon ventre se tord dans une sensation appréhension. Je ne l'ai pas vu, aujourd'hui, en arrivant au lycée. Je l'ai cherché des yeux parmi les élèves, mais je n'ai pas réussi à distinguer ses cheveux blonds parmi la foule compacte. Une pensée désagréable me parvient alors à l'esprit. Peut-être m'évite-t-il ? Pourtant, je n'ai rien fait qui aurait pu le blesser, cette fois. Mieux ne vaut pas essayer de comprendre, les garçons sont des êtres assez singuliers. Je soupire et pose ma tête dans le creux de mes bras. Pourquoi tout est si compliqué en ce moment ?

-Rose !

Je me redresse et remarque que l'attention de la classe est portée sur moi.

-Mon cours ne vous intéresse-t-il pas? siffle la professeur d'une voix aiguë. Dormir est-il plus passionnant ?

J'ouvre la bouche puis la referme, prise sur le fait et ne sachant que répondre.

-À moins que quelqu'un n'occupe vos pensées ?

Quelques-uns de mes camarades ricanent, et elle me lance un regard appuyé. Quelle sadique.

-Non, non... Je suis simplement fatiguée. Désolée.

Elle me lance un second coup d'œil, emprunt de méchanceté, et retourne à son cours. Quelle teigne ! Je ne pensais pas qu'elle connaissait mon nom. Si j'avais su que mes cours d'espagnol seraient en compagnie de vipère, j'aurais choisi une autre langue vivante.

Je m'adosse à ma chaise, tachant de suivre le cours, mais l'envie n'y est pas.

-Psst !

Je me tourne vers la gauche, essayant de déterminer l'origine de ce bruit et tombe sur mon voisin qui me fixe avec insistance derrière ses lunettes épaisses.

-Quoi ?

-Tu t'appelles Rose, c'est bien ça ?

La professeure vient juste de le crier devant la classe entière, alors oui.

-Aux dernières nouvelles, c'est ça.

Il lève les yeux aux ciel.

-C'est toi qui passes la plupart de ton temps avec Léo ?

-Eh bien, je passe un peu de temps avec lui, oui, mais pas la plupart.

-Il est bizarre ce gars-là, tu sais, me coupe-t-il, ignorant ma remarque. Personne ne le connaît vraiment.

D'accord, super.

-Il y en a qui racontent qu'il s'amuse avec le cœur des filles. Que c'est une ordure et qu'il est dérangé.

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