Huitième Mouvement

119 28 14
                                    

La vaca tiene en el prado.

Adèle soupire avant de me corriger. Cela fait dix minutes que nous sommes bloquées sur une phrase précise que j'ai du mal à comprendre.

— Non, Rose. Il faut utiliser le verbe « être ». Réessaye.

La vaca està en el prado.

Un léger sourire vient étirer les lèvres de ma gouvernante.

— Voilà ! C'est mieux. Continue.

La vaca está en el prado dónde la hierba es verde.

Cette fois, son sourire s'élargit et illumine ses yeux.

— Enfin, soupire-t-elle. Tu as réussi... Bravo !

Je m'autorise un petit soupir de soulagement.

— Ça ira pour aujourd'hui. On continuera plus tard.

Enfin délivrée de la torture suprême qu'est d'apprendre l'espagnol, je commence à me lever de ma chaise. Toutefois, Adèle pose une main sur mon bras et me fait signe de me rasseoir. Je lui lance un regard interrogatif.

— La leçon n'est pas terminée ?

Ma gouvernante secoue la tête.

— Si, mais je veux te parler.

Tout cela n'annonce rien de bon.

— Depuis quelque temps, tu es moins concentrée en cours avec moi, Rose. Tu as l'esprit ailleurs, tu penses à autre chose...

C'est vrai, je ne peux pas le nier. Aujourd'hui, je ne faisais que de penser à Léo. Mes parents ne savent pas que quelqu'un est passé hier et c'est mieux comme ça. La seule chose qui me dérange, c'est que je n'ai personne à qui raconter ce qu'il s'est passé. Je ressasse donc tout cela à longueur de journée et j'ai décidé de ne pas lui pardonner. Ses excuses ne m'ont pas convaincue, pas plus que sa pathétique tentative de rapprochement.

— Et puis, il y a eu cet incident au lycée. Je ne sais pas pourquoi tu as couru et visiblement, tu ne veux rien nous dire, mais c'est ton problème. Le fait est que tu ne t'es pas évanouie.

J'attends qu'elle continue pour m'expliquer quel est le rapport entre mon pseudo-accident et les cours.

— Tu as l'air d'aller mieux, ajoute-t-elle.

— Où veux-tu en venir ?

Elle prend une petite inspiration, comme pour se donner du courage.

— Eh bien, si tu te sens mieux, nous pensons que tu pourrais aller au lycée... plus que deux fois par semaine. Peut-être pas une semaine entière au début, mais au moins trois ou quatre jours.

Je la regarde, hébétée. Peut-être ai-je mal compris ? Elle veut que j'aille à l'école presque une semaine entière ?

— Je commence à avoir du mal à te faire cours, Rose. Il est préférable, pour ton éducation que tu ailles plus souvent en classe.

— Mais... Mais, begayé-je, je suis très bien comme ça ! Ce n'est pas une bonne idée, je risque de... faire un malaise, ou...

— Rose, me coupe Adèle. Tu sais que c'est mieux de cette façon.

Voir Léo pratiquement chaque jour ? Oh non, c'est une très, très mauvaise idée.

— C'est impossible ! contré-je. Je ne pourrais pas, et...

CerbèreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant