Sixième Mouvement

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Je pensais qu'en le voyant, j'aurais brûlée de fureur, criant à m'en casser la voix. Je prévoyais aussi de laisser libre cours à ma colère. Il l'a mérité, après tout. En l'apercevant en face de moi, un immense dégoût s'est emparé de chaque cellule mon corps. Puis, contrairement à ce que j'avais prévu tout est retombé.

Ma rage s'est évaporée devant son sourire, de même que ma violence. Seules sont restées la tristesse et la déception.

Je crois que Léo comprend en voyant l'expression peinte sur mon visage. Son sourire retombe et une lueur de doute travers ses yeux. Rien que son regard dépité constitue un aveu. Ayant obtenu les réponses à mes questions, je décide de tourner les talons. Je ne veux pas lui parler, ni entendre ses fausses explications.

Celui que je croyais mon ami n'a pourtant pas l'air de saisir que je ne veux plus avoir affaire à lui.

— Rose ! crie-t-il. Attends !

Je l'ignore et presse le pas, espérant qu'il ne me suivra pas. Bien évidemment, il n'abandonne pas si facilement.

— Mais attends ! Que se passe-t-il ?

Je fais volte face. Il simule l'ignorance, je le vois bien.

— Il se passe que je n'aime pas être prise pour une cruche.

Il fronce les sourcils et passe une main dans ses cheveux de paille.

— De quoi parles-tu ?

Je soupire. Il le sait, mais ne veut visiblement pas l'avouer lui-même.

— De moi. De toi. Jade m'a tout raconté.

Il ne semble même pas surpris, ce qui confirme ce que j'avais remarqué, mais la colère l'envahit petit à petit.

— Qu'est-ce qu'elle t'a raconté exactement ?

Je sens mes muscles se tendre : ma rage est revenue. Il n'a même pas besoin de poser la question, ses expressions le trahissent. J'en ai plus qu'assez de son cinéma.

— Depuis le début, tu n'as fait que jouer avec moi Léo ! explosé-je. Au départ, je nous croyais amis, mais visiblement, tu voulais plus, parce que tu fais une collection de filles ou un truc tordu du genre, c'est ça ? Et je ne suis qu'une parmi d'autres ?

Son expression s'adoucit.

— Non ! Pas du tout. Jamais je...

— Arrête avec tes mensonges, je l'interrompts. Depuis le début, tu ne fais que me mentir, à croire que tu ne sais faire que ça !

Son regard s'assombrit, signe que je l'ai blessé.

— Ah oui ? crache-t-il. Toi aussi, tu caches des choses, je le vois bien. Rien que le fait que tu t'évanouisses subitement, ça cache un truc.

Je recule. Il l'a remarqué. Il sait.

— Ce n'est pas la peine de faire la sainte blessée, tu n'es pas toute blanche non plus, quoi que tu dises.

— Tu dis n'importe quoi.

Ma voix n'est qu'un murmure et il n'y prête pas attention. Ses yeux bruns, qui peuvent être si beaux et joyeux, sont sombres et lancent des éclairs.

— Tu n'es qu'une gamine gâtée qui se complaît dans sa souffrance. Tu me fais pitié, conclut-il, la hargne déformant son visage fin.

Je ne pensais pas que mon cœur pouvait être plus malmené qu'il ne l'était déjà. Pourtant, après ses paroles, c'est comme s'il avait été écrasé et broyé avant d'être déchiré. Cette fois, je n'arrive pas à retenir les larmes, alors je cours pour échapper à ses paroles blessantes.

CerbèreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant