Huitième Mouvement

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La voiture roule rapidement, et je ne distingue du paysage extérieur que la couleur verte appartenant aux feuilles des arbres.

Assise à l'arrière du véhicule avec pour seul compagnon mon violon, je me perds dans mes pensées et dans la contemplation de buissons flous à cause de la vitesse.

Mon père, à l'avant, est trop concentré sur la route pour daigner me parler. Je sais bien que cela n'est qu'une piètre excuse pour ne pas avoir à faire la conversation avec moi. Le simple fait de se retrouver dans une voiture, seul avec sa fille mal-aimée doit lui être ignoble.

Heureusement, il n'a pas demandé à un de nos chauffeurs de nous conduire là-bas, sinon, l'ambiance aurait été encore plus tendue.

Là-bas...

Là où vit ma mère.

À chaque fois que je m'y rends. C'est mon père qui m'y conduit. Je ne sais pas pourquoi. Peut-être a-t-il peur que je lui fasse du mal, une fois de plus. Chose que je ne ferais jamais.

La voiture ralentit un peu et bien que nous soyons en pleine campagne, un grand bâtiment se dresse au beau milieu des champs. Une sorte d'ancienne demeure du XVIIe siècle. Avec ses murs de pierres sculptés et ses grandes vitres de verre opaques, on pourrait assimiler cette maison à un château de conte de fées. Pourtant, ce ne sont pas des princes ou des princesses qui vivent en cette demeure, mais ce sont bel et bien des malades, souffrant de maladies d'une gravité moyenne pour la plupart.

Ce n'est pas le cas de ma mère. Sa maladie, à elle, est grave. Elle est ici, mais elle aurait plus sa place dans un hôpital... Il ne vaut mieux pas trop y penser.

Le véhicule s'engage dans l'allée de gravier menant au bâtiment et s'arrête en face de celui-ci, dans un crissement de pneus sur un parking improvisé. Je me dépêche de sortir, emportant mon violon sur mon dos. J'ajuste les bretelles de la boite et me mets à marcher. Les cailloux craquent sous mes pieds, et j'essaie d'ignorer le fait que certains se fraient un chemin jusque dans mes baskets, sous mes pieds. Souffre en silence.

Je gravis rapidement les quelques marches de béton situées en face de la grande porte d'entrée vitrée, puis j'entre dans le bâtiment suivie de mon père. Je m'arrête au centre du hall aux dalles noir et blanc, le ventre noué.

Papa me dépasse et se dirige vers le bureau d'accueil derrière lequel est assise une infirmière. Elle est plutôt jeune, et ses cheveux blond foncé sont rassemblée en une queue-de-cheval. Elle a l'air relativement gentille vue d'ici, comparée à la sorcière qui fait office de doctoresse au lycée. Mon père se met finalement à converser avec elle.

Sentant un petit caillou me rentrer dans la plante du pied gauche, je décide d'enlever ma basket. En équilibre sur une jambe, je secoue ma chaussure jusqu'à ce que la pierre tombe. Elle roule sur le sol dans un petit bruit anodin. Une seconde infirmière, qui passait par là, me foudroie du regard avant de me dépasser. Je l'ignore et enfile ma basket en poussant un soupir de soulagement avant de me mettre à faire mon lacet. La blonde avec qui discutait mon père se lève soudainement, et ce dernier se retourne. Il me fait un petit signe de la main comme pour m'inviter à venir. Il emboîte finalement le pas à l'infirmière qui vient de se lever sans m'attendre. Je finis de lacer ma basket et les suis.

Nous entrons ensuite dans un ascenseur semblable à celui que l'on trouve dans les hôpitaux. Ce bâtiment, qui peut sembler vieillot de l'extérieur, est vraiment moderne à l'intérieur, quoique quand même chaleureux. Au moins, nous ne sommes pas obligés de prendre les escaliers...

Arrivée au troisième étage, la cabine s'arrête, et les portes s'ouvrent dans un petit bruit de métal huilé. L'infirmière nous mène jusqu'à une porte blanche, au milieu d'un long couloir. Elle pose sa main sur la poignée de fer et nous sourit.

CerbèreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant