Perdue dans mes pensées, j'observe le lait remuer dans mon bol au rythme de ma cuiller. Le liquide blanc suit les mouvements de la tige de métal clair en un tourbillon crémeux. Aujourd'hui, je suis tranquille. Pas de lycée, mon père n'est pas là et Adèle est partie ce matin faire les courses. Seule ma mère est à la maison, mais elle dort encore. Je suis donc livrée à moi-même, devant mon déjeuner, assise sur une chaise en bois noir.
Pourtant, je pense que j'aurais bien aimé aller au lycée. Je crois que j'aurais apprécié revoir Léo. Non pas qu'il me manque, je vis très bien sans lui ! Mais quand je pense à lui, mon estomac se contracte et un petit creux se forme dans ma poitrine. J'aimerais bien savoir ce qu'il pense.
Maintenant que des rumeurs le concernant sont parvenues à mes oreilles, je m'interroge. Je revois certains de ses regards, maintenant. Ses yeux peuvent être... froids. Calculateurs. Je crois que je n'aime pas cela. Tout ça tourne en boucle dans ma tête depuis mon réveil, me donnant une migraine pas possible. Parfois, j'ai l'impression d'être paranoïaque de me faire des films. Malheureusement, j'ai également l'impression d'avoir visé juste.
Quelle piètre amie je fais ! Ce garçon m'a aidée quand j'en avais besoin et maintenant, je doute de lui ! J'essaie de me dire que je me fais des idées, que tout ceci n'est qu'un malentendu, mais je n'arrive pas à m'en persuader. De plus, il faudra bien que je lui dise pour mon cœur, pour Cerbère. Je secoue la tête et repousse mon bol. Tout cela est trop compliqué. Trop de secrets, de non-dits et de contradictions.
Arrête de te torturer, Rose.
— Bonjour, ma chérie ! Bien dormi ?
Une voix douce et encore endormie, appartenant à ma mère me parvient. Je tente de m'y accrocher pour laisser derrière moi mes pensées moroses.
— Plutôt bien. Et toi ?
— Très bien ! répond-elle avec un large sourire.
Je replonge la tête dans mon bol, observant mes céréales ramollies tourner.
— Ton père est au travail et Adèle est partie faire de courses, énonce maman. On a la matinée à nous ! Ça te dirait un bon film ?
— Mmmm...
Eh oui, ma relation avec Léo est compliquée...
— Rose !
L'appel de la personne assise en face de moi m'oblige lever la tête précipitamment.
— Oui ?
— Tu es dans la lune, soupire-t-elle. Je vois bien que quelque chose te tracasse.
Je regarde ma mère d'un air désolé.
— C'est vrai, pardon... Je suis un peu fatiguée.
Elle fronce les sourcils et son regard vert perçant me transperce.
— Tu sais, tu peux m'en parler. Ça ira peut-être mieux après.
Crever l'abcès, comme avec un bouton, disait Léo. Je souris en pensant à lui.
— Eh bien...
Je m'arrête, hésitante. Maman va-t-elle me juger ? Pensera-t-elle que je suis une mauvaise amie ?
— Ne t'inquiète pas, Rose. Je veux juste t'aider.
Je lève les yeux vers elle et son regard clair, empli de douceur, me convainc.
— C'est un peu compliqué... J'ai un ami, mais j'ai peur qu'il ne soit pas honnête avec moi. J'ai eu vent de choses assez bizarres à son sujet. Il est gentil, mais je ne le connais pas très bien.
— Que sais-tu de lui ? demande ma mère avec curiosité.
—Pas grand-chose, en fait. Il a mon âge, ne connaît presque pas sa mère et habite près de chez nous.
Je suis allée chez lui...
—Son père travaille souvent, je continue, il a pas mal d'amis...
Et il y a eu ce presque-baiser.
Je m'arrête net et baisse la tête pour cacher le feu qui envahit mes joues.
Arrête de ressasser ça !
— Et il aime les yaourts fruités, murmuré-je pour échapper à mes pensées.
Ma mère me gratifie d'un sourire espiègle et prend la parole.
— Tu as l'air de beaucoup l'apprécier !
— Oui...
Elle sourit de plus belle.
—Euh, non, je veux dire... Pas dans ce sens-là !
— Je sais, ma chérie, annonce-t-elle, son sourire s'élargissant.
— Hum...
Les joues rouges, je replonge la tête dans mon bol, essayant d'éviter son regard espiègle. Il ne manquerait plus qu'elle s'imagine des choses.
— Tu as confiance en lui ? reprend-elle.
Je marque une pause, réfléchissant à ma réponse. Il m'a aidée, défendue... Il m'a également confié son secret.
— Oui, je lui ai confié certaines choses et il m'en a confié d'autres.
—Eh bien, demande lui.
Interloquée, je la regarde, attendant qu'elle ajoute autre chose, mais elle n'en fait rien. Lui demander, comme ça, de but en blanc ? Je ne suis pas sûre que ce soit la meilleure des idées...
— S'il est vraiment ton ami, il ne te mentira pas, renchérit-elle devant mon regard incertain. Si tu te rends compte qu'il n'est pas honnête, c'est qu'il n'est pas digne de toi.
Son regard est devenu plus sombre. Pendant quelques minutes, nous n'ajoutons rien. Ma mère semble perdue dans ses pensées et je médite sur ses paroles.
Elle a raison. S'il me ment, autant l'apprendre le plus tôt possible. Toutefois, il ne me dira pas forcément l'entière vérité....
J'ai pris ma décision.
— Merci, maman. Je vais mener ma petite enquête et découvrir ce qu'il cache.
Mon ton est froid, implacable. Je suis prête à tout et rien ne m'en empêchera. Même Cerbère ne pourra pas se mettre en travers de mon chemin. Ma mère éclate d'un rire sincère.
— Tu sembles si déterminée...
— C'est parce que je le suis ! Ne te moque pas, ajouté-je plus bas.
— Jamais ! me contre-t-elle avec un sourire gigantesque.
C'est une chose que j'ai toujours adorée chez elle, ce sourire. C'est exactement le même que pendant mon enfance, il n'a pas changé. Malgré toutes les épreuves que nous avons eues à traverser, ce rictus joyeux est présent dans n'importe quelle circonstance, comme s'il était intemporel.
En plus de cela, il est contagieux.
— Alors, on se le regarde ce film ?
Nous optons finalement pour « Edward aux mains d'argent », accompagné d'un énorme paquet de m&m's.
L'histoire d'Edward me fait toujours pleurer, tout comme l'histoire d'amour impossible qu'il vit.
Il me fait un peu penser à moi.
Ses mains sont anormales, tout comme mon cœur.
~
Un chapitre un peu plus calme, un peu plus court ;)
Il vous a plu ?
Pensez-vous que Rose va découvrir ce que Léo lui cache ?
Tout ça dans le prochain chapitre !^^
À bientôt !
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Cerbère
RomanceRose n'aimait pas sa vie. Elle la trouvait fade, vide et inutile. Surtout, elle savait qu'elle serait courte. Elle s'était habituée à l'idée qu'elle mourrait plus jeune que les autres. Ce n'était pas si grave après tout, elle ne manquerait à personn...