BROKEN - Tome 2

D E U X

Lexie

Après de longues secondes figée au milieu de la piste de danse, je me résous enfin à reprendre mon souffle. Pourquoi n'a-t-il rien nié? J'essaie de retenir mon cœur de lâcher quand j'imagine la raison pour laquelle il n'a même pas essayé de se défendre. J'espère encore que ce soit uniquement à cause de l'effet de surprise, mais je peine à me croire. Le sol se dérobe sous mes pieds, et je ne me rends même pas compte que je m'accroche désespérément à tous les corps que je trouve sur mon passage, cherchant à me tirer de la foule abondante et suffocante. Lorsque mon regard se décide finalement à balayer la pièce à la recherche d'Élie, je ne la trouve pas. Elle ne peut pas être partie, ça, je le sais. Je m'avance vers le bar, le visage rouge, et m'appuie contre le rebord en m'adressant difficilement à Thomas.

— Aurais-tu vu l'amie avec laquelle je suis entrée, tout à l'heure?

Je vois qu'il désespère à comprendre ce que je lui dis, la tête penchée vers l'avant. Il se redresse tout à coup et lève le verre qu'il tient dans ses mains pour l'essuyer en me pointant un point au loin.

— Elle dansait avec un mec, par là-bas, la dernière fois que je l'ai vu.

Je me retourne doucement. Je la cherche à nouveau du regard, mais ne voit toujours rien. Je suis épuisée, j'aimerais rentrée mais je ne peux pas abandonner Élie ici. L'idée de la rechercher à travers la foule m'effleure l'esprit, mais j'ai déjà de la difficulté à tenir debout dans l'état où je suis. Il est hors de question que je retourne là-dedans. Je regarde le barman, hésitante, avant de sauter du petit tabouret sur lequel je suis assise.

— Si elle vient par ici dans les prochaines minutes, tu veux bien lui dire que je suis sortie prendre l'air?

Ma voix est moins pâteuse que tout à l'heure, et je sais que ma petite scène avec Evan aura au moins servi à me dessoûler un peu. Je n'attends même pas la réponse de Thomas et me dirige vers l'extérieur, vacillante. La porte de derrière est légèrement moins éclairée que le reste de la salle, puisque les faisceaux lumineux ne parviennent pas jusqu'ici. Mes mains tâtent l'acier galvanisé de la porte pour trouver la poignée. Après quelques secondes, l'air frais caresse mon visage et je m'enfonce à l'extérieur pour ressentir cette sensation sur tout mon corps. Des frissons s'installent sur mes bras, mes jambes... Je prends de grandes inspirations, heureuse d'enfin pouvoir respirer correctement, et m'appuie contre le mur en relevant les yeux au ciel. La sensation de liberté qui s'éprend de mon corps devrait me soulager, et pourtant, c'est tout le contraire. J'ai besoin d'être emprisonnée par ses bras, par ses caresses, ses baisers... Je ne veux pas de ce semblant de liberté si elle n'est que pour me tenir loin de lui. J'ai l'impression de le détester et de l'aimer du plus profond de mon être à la fois. L'impression d'être déchirée en deux, prise au piège entre l'amour et la haine qu'il me fait ressentir. Pourtant, dans les deux cas, je ne peux m'empêcher de penser constamment à lui.

Des larmes salées perlent jusqu'à mes lèvres. Mes yeux sont fermés, mon corps secoué de sanglot que je ne peux plus arrêter. Je sens mes jambes qui refusent de supporter encore le poids qui pèse sur mes épaules, et qui commence à s'écrouler lentement, lorsqu'une main chaude et tremblante vient se poser sur ma bouche pendant qu'une autre redresse fortement mon corps. J'ouvre les yeux. Son regard bleu me transperce, alors que ses cheveux emmêlés retombent sur son front humide. La force de sa main dans le bas de mon dos, qui me maintient contre son torse, me fait presque oublier à quel point ses doigts tremblent. Je n'essaie pas de me débattre, et continue de le fixer en espérant lui faire comprendre que sa main sur ma bouche n'est pas nécessaire.

— Qui t'as dis ça? Murmure-t-il, près de mon oreille.

Je déglutis, mon regard fixé sur la route déserte derrière lui. Je ne réponds pas.