Chapitre 2 : Des larmes.

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 Les cauchemars ont depuis deux ans et demi débordés sur notre réalité. Ils n'étaient plus uniquement présents dans nos songes, dans nos angoisses et notre stress. Ils avaient réussi à se faufiler dans notre environnement, notre ombre et nos conversations. C'étaient pour ces raisons que je n'avais pas dormi de la nuit. Je me connaissais trop bien. Si j'osais me permettre de fermer les yeux plus d'une minute j'allais me retrouver confronter à toutes mes mauvaises actions depuis la fin de notre ancien monde. Je ne voulais pas rêver de cet homme tombant encore et encore des murs de notre camp.

Le passé appartient aux morts et toi, tu as les tiens, commenta ma conscience.

J'avais les miens, c'était sûr, mais je n'avais tué qu'à présent des êtres humains méritant ce châtiment. C'étaient des personnes voulant nous blesser, Enzo et moi.

J'ai passé la nuit à observer le corps grandissant de mon petit frère, à regarder ses poumons se remplir d'air et le supprimer peu de temps après. Le tissu bleu marine collé contre son nez virevoltait lorsqu'il soufflait trop fort. Je le revoyais lorsqu'il n'était qu'un jeune gamin new-yorkais et qu'il s'assoupissait avant même que je n'avais le temps de finir ma mélodie à la guitare. Les événements l'ont transformé mais ses mimiques d'enfant endormi restaient les mêmes.

Les premiers rayons du soleil surgirent sur le tissu marronné de notre tente. N'entendant aucun bruit dans notre lieu de vie j'en jugeais que les garçons dormaient encore. Je ne voulais pas les croiser. Je ne pouvais pas m'imaginer leur mentir sur mes actions d'hier soir. Alors je me levai, pris mes affaires de douche et me mis en route vers la salle de bain commune situé dans le bâtiment à coté du laboratoire.

Mes pieds nus sur le carrelage froid des douches me donnaient l'impression d'être de nouveau dans la forêt hivernale d'il y a deux ans. Peu après mon arrivée dans le camp les garçons m'ont incitée à consulter un psychologue capable de m'aider à atténuer mes angoisses et mes cauchemars. Ils n'ont jamais compris qu'un psychologue ne serait pas en mesure de m'aider. Nous n'étions plus dans l'ancien monde où nous consultions des psychologues à tout va. Les psychologues eux-mêmes n'étaient pas en mesure de s'aider contre ce nouveau monde alors comment pourraient-ils me sortir de mon cauchemar incessant ? Je devais survivre en me rappelant chaque jour de ma vie mon voyage dans les bois autour de monstres humains et inhumains. Je devais survivre face à la culpabilité du meurtre d'hier soir. Je l'aime. C'étaient ses derniers mots. Repenser à lui fut la goutte d'eau qui fit déborder le vase. Je m'écroulai à terre. Mes genoux s'entrechoquèrent contre le sol et je me recroquevillai sur moi-même pour pleurer. J'ai toujours tenté de cacher mes réelles émotions pour paraître forte mais voilà qui j'étais réellement, une jeune femme déboussolée et détruite. Mes mains dans les cheveux, j'avais envie de me les arracher. Ici, tout le monde semblait avoir trouvé sa place et était capable d'être heureux. Tous, sauf moi. À présent, l'unique part d'humanité qui me restait était lorsque j'allais en dehors du camp et que j'aidais la population humaine à survivre.

Je suis restée dix minutes dans cette position, assise, pleurant pathétiquement comme une gamine de dix ans. Mais je devais me relever et me préparer à partir dès l'aube à la recherche de nourriture et tout autre matériel pouvant aider notre camp. En allant devant le miroir je fixais mes yeux verts légèrement bouffis mais je n'y prêtais pas plus attention qu'autre chose. Je me brossai rapidement les dents avec le reste de dentifrice qu'il me restait et m'attachai les cheveux en queue de cheval. Je remis sur moi la veste militaire de mon grand père que je chérissais tant lorsque je partais dans les alentours. J'aimais la toucher et me rappeler que mon grand père et Enzo m'attendaient au camp, en sécurité.

Vers Washington : Cobaye (Tome 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant