Chapitre 9 : Perturbée.

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 En marchant vers ma tente je me donnais l'impression de ne plus être humaine mais infectée. Mes pieds ne quittaient pas le sol et mes bras gigotaient de manière maladroite. Je n'avais pas envie d'y retourner, ou du moins, je n'avais pas envie d'avoir à entendre ne serait-ce qu'une question à propos de ce qui a pu se passer à l'intérieur du sous marin et comment je m'en étais sortie indemne.

Au loin je remarquais les reflets de bougies et de silhouettes à travers la tenture maronnée de notre tente. Soufflant un bon coup je décidais d'affronter nos retrouvailles.

Comme des robots ils me prirent chacun leur tour dans leurs bras. La présence de Harry était la plus intense, la plus recherchée. Je restais alors dans ses bras, les lèvres contre son cou et les narines reniflant son odeur qui me réconfortait tant. Sa présence m'aidait comme lorsque nous nous étions retrouvés dans la forêt. Comme lorsque j'étais prête à baisser les bras après ma morsure. Je vais bien, me répétai-je par pensée. Je me glissais jusque dans ma chambre où j'y retrouvais Enzo, assis sur notre lit essayant d'apprendre je ne savais quel tour à notre nouvel animal domestique. Ma main contre le tissu de la tente j'observais son sourire. J'aurais aimé être comme lui, pouvoir tout oublier si facilement, m'imaginer que la vie était belle et que tout pouvait être à ma portée. C'était dans son sourire que je revoyais ma vie d'autrefois, mais finalement en le regardant trop longtemps je me sentis une nouvelle fois brisée.

Les yeux d'Enzo se relièrent rapidement aux miens et la chienne se tourna vers moi la grande gueule ouverte et aboya.

« J'ai décidé de l'appeler Ella.

-C'est un très beau nom. »

Je m'approchais du lit et finis par m'asseoir sur le rebord. Ella ne mit pas longtemps avant d'enfoncer mon museau contre mes cuisses et je la caressais.

« Tu m'as manqué Eli.

-Tu m'as manqué aussi Enzo. Bien plus que tu ne peux l'imaginer. »

Il se déplaça puis vint se coller contre moi. Sa tête contre mon épaule, j'embrassai son front et je déposais l'une de mes mains sur la sienne.

« Je ne veux plus te perdre Eli-

-Enzo, soufflai-je. Ne fais pas ça.

-Tu dois savoir Eli. J'ai senti le sol s'effondrer sur moi-même lorsque je ne t'ai pas vue sortir du camion. Je t'ai cherchée, pensant que tu me faisais une blague mais toutes les portes du camion se sont refermées et toi, tu n'étais pas là.

-Je suis désolée Enzo, tellement désolée.

-Mais maintenant tu es là. Je ne veux plus te laisser partir. »

Mes lèvres glissèrent de son front jusqu'à son oreille. Je savais qu'il avait souffert durant ses dernières vingt quatre heures. Je comprenais sa douleur, je la ressentais également.

« Tu sais que je le dois Enzo, lui murmurai-je contre son oreille. Pour le bien du camp et des possibles survivants errant dans les environs je dois aller en dehors des murs.

-Alors je viendrai avec toi. »

Je me braquais. Mes yeux rivés dans les siens je savais qu'il ne rigolait pas.

« Jamais je ne t'emmènerai en dehors du camp. Jamais Enzo. Et je t'interdis de t'y aventurer. Tu sais ce qu'il se passerait si tu mourrais ? »

Mon visage se secoua de gauche à droite.

« Je me tuerai. »

Il ne me répondit pas mais enfonça son visage contre mon cou. Mes dires étaient la réalité. Je ne pouvais pas vivre sans lui et s'il devait rejoindre mes parents dans un possible au-delà je le suivrai sans même réfléchir à ce que je perdais ici, sur Terre. Mes doigts caressaient ses joues. Je vais bien. J'étais rentrée chez moi, au camp et ici les infectés ne pouvaient pas me blesser. Je devrais être soulagée, contente de retrouver les miens mais quelque chose en moi était resté enfermé dans ce sous marin. Ma part de volonté, d'espoir.

Vers Washington : Cobaye (Tome 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant