DEGRADATION Tome III

Journal d'Harry

Je ne comprends pas, je ne comprends pas pourquoi il n'est pas parti. Je ne comprends pas pourquoi il est encore là, pourquoi il ne m'a pas abandonné. Pourquoi je suis encore là. Qu'est-ce que j'ai fait, qu'est-ce que j'ai raté. Je ne voulais pas faire ça. Il était fâché contre moi, je ne voulais pas qu'il parte, je ne voulais pas qu'il me quitte. J'ai eu peur, je me suis senti minable, perdu. Il y avait tout ça autour de moi, toute cette drogue et toutes ces lames... l'alcool. C'était plus facile, je ne voulais plus avoir mal. Je ne voulais pas le voir s'éloigner, je ne voulais pas qu'il ait encore à me supporter. Je voulais lui enlever ce poids, je ne voulais pas mourir, seulement ne plus être là ? pour ne plus l'embêter. Pour ne plus embêter personne. Sa voix... il était là tous les jours. Je voulais lui parler, je voulais lui dire qu'il n'était pas obligé de rester ? mais je n'y arrivais pas. Quelque chose était bloqué en moi, je crois que j'essayais de partir encore. Tout est embrouillé dans ma tête, tout est mélangé. Comment fait-il pour m'aimer ? Comment est-ce possible qu'il soit amoureux de moi ? Rien n'a de sens. J'essaie de me comprendre, j'essaie de comprendre ce qu'il se passe dans ma tête ? mais je suis perdu. Il y a trop de choses, trop de pensées, trop de vide. J'ai mal aux doigts, écrire me fait mal. Comment tu as fait pour mourir ? Comment as-tu réussi à sauter de ce pont ? Qu'est-ce que tu as ressenti juste avant de mourir ? Est-ce que tu as eu mal ? Tu as eu le temps de sentir tes os se briser quand tu t'es écrasée ? Je n'avais pas faim... Ce n'était pas pour le mettre en colère, j'avais mal au ventre. J'avais juste mal au ventre, je ne voulais pas qu'il s'en aille. Il n'était pas là, quand je me suis réveillé, il n'y avait personne dans la chambre. Je ne supporte plus l'odeur qu'il y a ici et ce médecin qui veut rentrer dans ma tête. Tout le temps. Connard me manque, ma chambre me manque. Je veux sortir de cet hôpital ? mais j'ai peur d'être dehors, ici je ne peux pas faire de conneries. Ici je ne suis un poids pour personne. Papa est venu, j'ai fermé les yeux, je ne voulais pas voir la déception et la fatigue dans son regard. J'ai rêvé du cimetière, je crois que je ne veux pas être enterré, je ne veux pas que les gens viennent sur ma tombe. Je ne veux pas que Louis passe ses nuits dans un cimetière comme moi je le fais. Je ne veux pas de fleurs, les fleurs ne tiennent jamais avec moi. J'ai soif, j'ai mal à la gorge tellement j'ai soif. J'ai l'impression qu'on me compresse les poumons et mon ventre est tellement contracté qu'il me fait mal. Le lampadaire du milieu n'est toujours pas allumé, c'est le seul éteint. Pourquoi ils ne le réparent pas ? Ils pensent peut-être que ce n'est pas utile, que les autres éclairent assez le parking. Ce n'est pas juste, il a le droit de briller lui aussi. Je le regarde chaque nuit, il est toujours noir. Si je m'éteignais moi aussi ça n'aurait pas d'importance, d'autres personnes seraient là pour me remplacer. Il m'a apporté ce stylo ce matin, il sait que c'est le stylo avec lequel j'écris le plus souvent. Il me connaît à ce point-là alors pourquoi m'aime-t-il toujours ? Il n'y a rien en moi à sa hauteur, je ne le mérite pas. Je ne mérite personne et personne ne mérite d'avoir dans leur vie un fardeau comme moi. Je ne veux pas y aller, je ne veux pas les entendre parler, je ne veux pas savoir ce qu'ils ont vécu, je ne veux pas connaître leur histoire, je ne veux pas leur parler de la mienne. Je déteste ces thérapies de groupe. Je ne veux pas être avec eux, je ne veux pas être comme eux. Je ne sais pas pourquoi j'écris. Je ne sais plus ce qui est réel et ce qui ne l'est pas. Je me sens vide. Néant. Néant. Néant. Néant. Néant.