DEGRADATION Tome III

Parce qu'il est ce qu'il a de plus précieux

Le plus dur pour Barthelomé, après la tentative de suicide en elle-même, ça a été le rejet de son fils. À partir du moment où Harry a eu droit aux visites, il est venu le voir tous les jours. Tous sans la moindre exception, peu importe ses horaires de travail, peu importe ses gardes à l'hôpital, il trouvait toujours une solution pour être présent. Son statut dans la profession et ses relations lui ont permis de passer au-dessus des horaires de visites autorisées. Voir Harry aussi amorphe et absent était une épreuve pour lui, pourtant il n'aurait pas imaginé passer une seule journée sans le voir. Comme à chaque précédente tentative de suicide, il s'est senti responsable, coupable, fautif, comme si c'était de sa faute, comme s'il était un mauvais père. La culpabilité était dure à vivre pourtant elle n'était rien face au rejet de son fils. Quand il a commencé à aller mieux, Harry lui a demandé de ne plus venir. Ça a été un coup dur pour lui, un coup vraiment dur à encaisser. Il n'a pas compris et cela a rajouté de la culpabilité en plus à celle qu'il ressentait déjà. Malgré tout ce qu'il ressentait, il n'a pas été contre sa demande, il l'a respectée, il n'est plus venu. Tous les jours, il appelait le Docteur Stephen pour avoir des nouvelles, il en avait aussi à travers Louis, mais ce n'était pas suffisant. Prendre sur lui pour ne pas se rendre à l'hôpital était difficile et c'est pour cette raison que l'appel qu'il a reçu dans l'après-midi a été un réel soulagement. C'était le psychologue d'Harry, ils ont eu une séance le matin même durant laquelle ils ont parlé de Barthelomé. Harry a avoué que s'il a demandé à son père de ne plus venir, c'était parce qu'il avait honte. Honte du mal qu'il lui avait fait subir et endurer encore une fois, honte d'être une déception. Honte de tout un tas de choses. Mais plus triste encore, il pensait que son père se forçait à venir alors qu'il avait d'autres choses bien plus importantes à faire. Il ne voulait pas être un poids pour lui, pas plus qu'il ne l'était déjà. Le psychologue a estimé qu'il devait en parler au concerné, qu'Harry ne pouvait pas rester avec toutes ces pensées dans sa tête, qu'il devait voir son père pour en parler, pour discuter avec lui, pour réussir à se pardonner. Pour réussir à avancer. Apprendre tout ça a été un autre coup dur pour Barthelomé, une fois de plus il s'est remis en question. Il ne comprend pas pourquoi son fils pense toutes ces choses, pourquoi il ressent tout ça. Il n'a jamais rien fait qui aurait pu le laisser croire ou penser qu'il était un fardeau pour lui.

Il est un peu plus de 21h quand il frappe à la porte de la chambre, il attend mais aucune réponse ne vient. Il entre doucement en refermant derrière lui. Harry est endormi dans son lit, il retire son manteau et s'approche sans faire de bruit pour ne pas le réveiller. Il s'assoit dans le fauteuil et lui prend la main. Il voit son journal sur la table de nuit ainsi que l'ouvrage du Docteur Jekyll et Mister Hyde, il connaît l'histoire de ce livre et il se demande s'il a réussi à reprendre sa lecture. Il voit aussi un petit carnet noir. Il observe tout ce qui se trouve autour de lui, tout ce qui entoure son fils chaque jour, il n'a qu'une hâte : le sortir d'ici, le ramener à la maison. C'est lui qui a signé les papiers pour le faire interner, c'est à cause de lui s'il est ici, c'est un poids très lourd à porter, une décision très dure à assumer. En tant que père, il se sent cruel mais il sait qu'il n'avait pas le choix, aussi dur que cela soit, il préfère voir son fils ici que dans une tombe. Réaliser qu'il a failli le perdre encore une fois le fait trembler d'effroi, il porte une main tremblante à sa bouche pour tenter de se reprendre.

Harry s'agite dans son lit et c'est ce qui le ramène à lui. Il se redresse pour mieux le regarder, son fils pousse des petits gémissements en bougeant, il a l'impression qu'il est en train de faire un cauchemar comme il en faisait souvent quand il était petit. Il se relève et contourne le lit pour s'allonger à côté de lui, il le prend dans ses bras en faisant attention au fil de la perfusion. Il le berce comme il le faisait quand il était enfant pour tenter de l'apaiser.

"Tout va bien Harry."

Il murmure doucement. Harry s'agite un petit moment encore, il repousse tendrement, d'un geste paternel, les cheveux qui collent à son front à cause de la transpiration et lentement il s'apaise. Il continue de le bercer, Harry finit par se réveiller. "Papa ?" Il demande la voix rauque et endormie. "Oui, je suis là." Il a un mouvement de recul mais Barthelomé le garde contre lui, il se laisse faire. Il a du mal à sortir du sommeil.