DEGRADATION Tome III

HARRY

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Salut Sam, c'est moi...

Je crois que ton frère et tes parents sont venus te voir, ta tombe est remplie de fleurs. Je t'ai apporté des roses blanches, je les pose là, regarde. Je suis content qu'eux non plus n'aient pas choisi des chrysanthèmes, il y en a beaucoup trop dans les cimetières. Ça a donné une image triste à ces fleurs, c'est dommage car elles étaient belles pourtant.

Il s'est passé tellement de choses dans ma vie, en si peu de temps, que je ressens le besoin de te parler. Louis m'a emmené voir la mer le mois dernier, je te crois maintenant, quand tu disais que c'était magnifique. J'ai ressenti cet apaisement dont tu me parlais et le fait de se sentir minuscule. Face à l'horizon j'ai eu le sentiment de n'être qu'un grain de sable. Le monde est tellement grand Sam, il ne se résume pas seulement à Londres... Si seulement tu étais encore là pour le voir, pour le découvrir toi aussi. Je crois qu'on s'est trop laissé enfermer par nos maladies, on les a laissées prendre le dessus, prendre le contrôle de nos vies. Ça t'a tuée et ça a failli me tuer moi aussi.

J'ai pris conscience de beaucoup de choses ces derniers temps et ce n'est pas facile d'organiser toutes mes pensées, pour t'en parler sans me perdre.

Louis a fait un cauchemar, il a rêvé que je me suicidais. Tu ne peux pas imaginer à quel point je m'en suis voulu, je me suis senti responsable. Je sais que ce n'était qu'un rêve, mais il a eu beaucoup d'impact sur lui. C'était vraiment dur de l'entendre me raconter sa vie sans moi, sa vie après ma mort. C'est difficile d'accepter le fait qu'il vivait avec cette peur, la peur que je me suicide. Je ne suis pas stupide, je sais très bien que s'il a rêvé de ça c'est parce qu'elle était là, enfouie quelque part au fond de lui. Je lui ai fait vivre des choses trop dures et trop cruelles. Il ne méritait pas ça.

Je ne veux pas mourir Samantha, je le sais maintenant. Tu te souviens de ce psychologue qu'on a rencontré il y a cinq ans ? Celui qui nous a dit qu'une tentative de suicide était toujours en premier lieu un appel au secours. Je ne sais pas s'il avait raison pour toi, je suppose que non, sinon tu serais encore là... mais pour moi c'était le cas. J'appelais au secours, seulement je n'en avais pas conscience. C'est difficile d'expliquer ce que je ressens par rapport à ça... je sais qu'une part de moi a réellement voulu mourir, sinon je n'aurais jamais essayé, pas autant de fois, mais une autre part ne l'a jamais souhaité. Réaliser que j'aurais pu ne plus être là aujourd'hui me fait peur. C'est terrifiant de prendre conscience que j'aurais pu être enterré dans ce cimetière moi aussi. Ce que j'ai fait m'effraie. C'est dur d'avoir peur de son passé, d'avoir peur de soi-même. J'essaie d'apprendre à vivre sans avoir envie de mourir, je sais que ça peut paraître étrange dit comme ça, pourtant c'est la vérité. J'ai passé tellement d'années à être persuadé que je ne vivrais pas longtemps, que c'en est devenu déstabilisant de penser au futur. Pour la première fois de ma vie j'ai des projets, de vrais projets auxquels je crois et me raccroche. Tu sais, je repense souvent à ce soir-là sur le pont, le soir où j'ai voulu te rejoindre. Je suis heureux de ne pas avoir sauté. Entendre Louis me parler de ma mort m'a fait prendre conscience que j'ai toujours voulu avoir un avenir. Je suis soulagé d'être encore là pour le vivre.

C'est étrange, j'ai l'impression qu'une part de moi est en train de te dire au revoir. Ce n'est pas le cas bien sûr, je ne pourrai jamais t'oublier. Tu me manques Samantha et je sais que tu me manqueras toute ma vie. Tu étais ma meilleure amie, même bien plus que ça, tu sais à quel point et avec quelle force je t'ai aimée. Je crois que c'est à moi que je suis en train de dire au revoir en réalité, à l'ancien moi. Je veux avancer, je dois avancer, parce que si toi tu es partie, moi je suis encore là. J'ai trop longtemps laissé la douleur m'ensevelir, elle m'a empêché de faire mon deuil. Je me suis enfermé dedans et à cause d'elle je n'ai pas réussi à te laisser partir comme j'aurais dû. Je sais que je ne me remettrai jamais de ta mort, on ne peut pas se remettre entièrement de la perte d'une personne qu'on aime. Mais je dois aller de l'avant tu comprends ? Je dois continuer, je ne veux plus baisser les bras. Je veux vivre Samantha, vivre réellement, pas seulement attendre que la vie passe.