Chapitre vingt-quatre

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Quand j'ai dit à Harry que dans mon rêve je l'avais emmené voir l'océan, je ne m'attendais pas à ce qu'il ressorte le coffret que je lui avais offert au début des vacances. Bien sûr il m'a rappelé que dans la réalité ce n'est pas l'océan qu'on pourrait aller voir, mais La Manche. Il a prononcé ce mot en français et j'ai trouvé ça complétement craquant. On a choisi la ville de Folkestone parce qu'elle est en bord de mer, mais surtout parce qu'elle n'est qu'à deux heures de route de Londres. Il n'a jamais quitté la ville et pour une première fois on a préféré ne pas partir trop loin.

On est en chemin. Pour de vrai. On va voir la mer. Je suis tellement heureux que je ne sais pas comment je fais pour rester en place sur mon siège.

En réalité tout s'est passé assez rapidement, je me suis réveillé de mon cauchemar il y a une semaine, deux jours après, il venait m'annoncer qu'il voulait qu'on fasse ce voyage tous les deux. Il ne nous a fallu que quelques jours pour nous décider et tout organiser. On voulait partir le plus tôt possible, lui parce qu'il avait peur de ne plus en être capable si on attendait trop et moi parce que je voulais vraiment y aller, je voulais vraiment partager ça avec lui. On n'a pas voulu partir ce week-end de peur qu'il y ait trop de touristes, on a préféré attendre lundi. Aujourd'hui. Malheureusement on n'a pas pu utiliser le coffret, car les hôtels proposés n'acceptaient les chiens et il était hors de question qu'on parte sans Connard et Hope. Au final ce n'est pas plus mal, car on a loué une petite maison qui donne directement sur la plage.

J'ai hâte d'arriver. C'est Harry qui conduit, on a déjà fait plus de la moitié du trajet. On s'est arrêtés deux fois, une fois pour les chiens qui s'agitaient à l'arrière et une fois pour lui. Quand on a quitté Londres et qu'on a commencé à vraiment s'en éloigner, j'ai senti qu'il devenait nerveux. Je pense qu'il était en train de réaliser réellement qu'il partait loin de chez lui pour la première fois. Je lui ai dit de se garer et j'ai pris le temps de le rassurer. On est restés une heure sur l'aire d'autoroute. On n'est pas pressés, on a le temps. Assis sur un banc pendant que Connard et Hope couraient dans l'herbe pour se dépenser, on a reparlé de mon cauchemar. Toute la semaine j'ai vraiment eu du mal à revenir à la réalité, ce rêve m'a vraiment perturbé. Au début je n'avais même pas conscience qu'on était en vacances. Il a dû me rappeler ce qui était arrivé, comme mon anniversaire « surprise » qu'il a organisé avec Liam, et ce qui ne l'était pas, en gros 99% de tout ce que j'avais imaginé.

On a aussi parlé de suicide, je crois que j'en avais besoin et que c'était inévitable. On devait avoir cette conversation. Il a compris mes peurs et mes angoisses, à ses yeux aussi elles sont fondées évidemment. Je sais qu'il s'en veut pour tout ça, mais il m'a promis qu'il allait mieux. Il m'a avoué que ça l'effrayait aussi, qu'il avait peur de ce qui pouvait se passer, mais qu'il faisait tout ce qui était en son pouvoir pour s'en sortir et qu'il sentait pour la première fois de sa vie qu'il en était capable. Grâce à moi. Il me l'a dit, il m'a dit que j'étais l'une des raisons pour lesquelles il se battait et se battrait toujours. On a discuté longuement, on s'est dit tout ce qu'on avait sur le cœur par rapport à ça. Mais surtout, il m'a promis que si un jour ça n'allait pas bien il m'en parlerait, qu'il tirerait la sonnette d'alarme avant que ça ne devienne trop grave ou que ça aille trop loin. Il m'en a fait la promesse. À sa façon il m'a promis qu'il me laisserait l'aider, parce qu'il a enfin compris que quoi qu'il arrive, peu importe ce qu'il se passe dans sa tête, peu importe ce qu'il pense de lui, il n'est plus seul maintenant.

Je regarde la route qui défile devant moi, et c'est peut-être stupide comme métaphore, -genre méga stupide même- mais j'ai l'impression que c'est notre avenir qui se dessine devant nous. Je tourne la tête vers Harry qui est en train de conduire, concentré. Je pose ma main sur sa cuisse avant de me tourner encore un peu plus pour regarder nos chiens sur la banquette arrière. Hope qui dort et Connard allongé, qui me regarde -sûrement en espérant une friandise parce qu'il est sage depuis plus de dix minutes d'affilée. Peut-être que le destin l'a mis sur ma route -ou sous mes roues, question de point de vue- cette nuit-là pour qu'il en soit là aujourd'hui, tout comme il m'a envoyé Harry à travers un mail Anonyme. Je n'ai jamais cru en Dieu pourtant je me sens béni aujourd'hui.

DEGRADATION Tome IIIOù les histoires vivent. Découvrez maintenant