1. La nuit, le coq rugit (corrigé)

1.2K 91 178
                                    

Il fait nuit.
Une panne de courant a envahi toute une rue de Crenshaw. C'est un quartier calme où de nombreuses familles ont élu domicile afin de faire grandir leurs enfants dans la paix. Un endroit où il fait bon vivre. Ce genre de lieux où tout le monde connaît tout le monde et les voisins se saluent.
Livia n'aime pas l'obscurité et sa maman le sait. Ariane est une mère attentionnée. Elle a dû faire beaucoup de choix dans sa vie, mais celui d'arrêter sa carrière pour être toujours près de sa fille est le seul qu'elle ne regrette pas.
Elle allume plusieurs bougies. Elles dégagent une odeur fruitée et apportent à la pièce une couleur orangée. Livia aime faire des ombres chinoises sur les murs, c'est un passe-temps auquel sa mère participe avec grand plaisir.« Papa n'est pas encore rentré se dit Livia». Comme d'habitude.

- Maman, il rentre quand papa ? demande-t-elle tristement.
- Il ne devrait pas tarder, lui répond sa mère avec un sourire rassurant.

Il n'est que vingt heures. Le commissariat où travaille son père est à une quinzaine de minutes en voiture.

- Il y a peut-être des embouteillages sur la route, explique Ariane.

Du haut de ses neuf ans, Livia comprend bien les choses. Ses parents ne lui ont jamais rien caché du métier de Mike et la petite a toujours vu son père comme un héros. Pas de ceux qu'on voit dans les films, non, des héros de la vraie vie. D'ailleurs, elle aime le dire à tout le monde à l'école, se vantant d'avoir un papa policier et une maman que pour elle. Pas de petit frère ou de petite sœur, elle et rien qu'elle.

Vingt-et-une heure, elle entend enfin les clefs s'introduire dans la serrure.
- Papa ! crie la petite fille.
Elle court dans ses bras et d'un geste paternel , il la réceptionne, tout en baillant. « C'est vrai qu'il a l'air fatigué » remarque Livia

- Ça va mon petit papa ?
- Oui ma chérie.
Il ment mais Livia ne le remarque pas.
- Allons voir maman, dit-il
Il la dépose, elle le suit avec entrain.
- Bonsoir mon amour, annonce-t-il en voyant son épouse.

Il l'attrape par la taille pour l'enlacer. Leur couple sent l'amour et ils transpirent  de passion l'un pour l'autre. Ils se sont rencontrés voilà maintenant onze ans, lorsque tous deux étaient aux études dans le même lycée. Elle savait qu'il finirait flic, il lui avait dit dès leur rencontre, et elle l'avait poussé vers la réussite. Lui, avait essayé d'être le meilleur des copains, puis fiancé et ensuite son mari. Le mariage avait eu lieu un an après leur rencontre et la naissance de Livia suivit l'année d'après. Elle décidait alors de quitter son poste de bibliothécaire qu'elle chérissait, et de se consacrer entièrement à l'éducation de sa fille qu'elle aime encore plus.
- Bonsoir Mike. Tu as vu, nous n'avons plus d'électricité depuis une heure, se plaint-elle.
- Je vois ça, le quartier est calme.

Ils s'installent à table. Livia s'endort à moitié dans son assiette. Mike sourit en voyant sa fille piquer du nez vers ses spaghetti qui risquent à tout moment de salir son petit visage.
Elle n'entend que quelques bribes de la conversation, il y a une arrestation qui a mal tourné avec un suspect évadé.
D'un coup, elle se réveille. Elle est dans les bras de son père qui la dépose dans son lit.

Elle s'endort à poings fermés rêvant de princesses, d'animaux ou de toutes autres belles choses pour un enfant de son âge. Son père lui pose un doux baiser sur le front.

- Je t'aime Livia.

********

Un fracas. Des cris. Des bris de verre qui éclatent sur le sol, puis le silence. Livia a peur. Elle doit se cacher comme ses parents lui ont appris, dans l'armoire, sous le lit, ou dans la chambre de ses parents.

Elle veut savoir. Elle est curieuse, elle le sait. Bien trop souvent ses parents lui avaient dit que c'était un vilain défaut, mais c'est plus fort qu'elle, il faut qu'elle aille voir.
Alors, elle sort de sa chambre, en silence. L'obscurité est toujours présente dehors comme à l'intérieur de la maison. Pas un seul réverbère n'est allumé mais le plus inquiétant est le silence pesant qui règne dans la maison, c'est beaucoup trop calme.

- Papa ? Maman? murmure Livia incertaine . Sa voix est à peine audible.
Pas de réponse.

Elle descend à pas de chat chaque marche en retenant sa respiration.
Soudain, elle s'arrête. Terrifiée. Ses yeux s'écarquillent, et se ferment en l'espace de quelques secondes, tant la vision la submerge.
Devant elle, un homme est allongé sur sa mère et elle entend celle-ci  suffoquer.
Cet homme a soulevé la robe de sa maman, la mettant presque à nu. Il touche certaines parties de son corps qu'il ne devrait pas. Elle sait tout ça parce qu'un jour, son papa et sa maman lui ont appris ce que pouvaient faire des messieurs et même des dames à des enfants . Ils lui ont aussi appris de ce que pouvait faire des messieurs ou même des mesdames à des enfants. Ils lui avaient dit de tout de suite tout  raconter si une telle chose devait se produire.
Livia voit tout, cachée dans la pénombre, elle n'ose rien dire. Elle regarde la scène qui se déroule devant elle. Son papa est inanimé sur le palier de la porte d'entrée. Livia ne peut retenir un cri.
Elle est repérée. Mais, comme par magie, le courant est rétabli. Elle le voit, il a le visage caché sous une cagoule. L'alarme de la maison hurle. Les policiers arriveront bientôt pour voir s'il s'agit bien d'une erreur après la remise en route de l'électricité
L'inconnu le sait et il s'enfuit. Mais Livia  a le temps d'apercevoir sur sa cheville droite un coq. Il a dû s'habiller à la hâte. Livia  garde cette image en tête, jamais elle ne pourra l'oublier.

Quand les policiers arrivent, ils ne trouvent qu'un petit être couché dans les bras et le sang de sa maman.
Un coq... sanglote la petite fille en tenant la main du policier.
Elle répète cela pendant tout le trajet qui la conduit vers l'hôpital.
Un coq.

La vengeance pour oxygène (histoire terminée)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant