20. Des cœurs brisés (corrigé)

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Sa vérité, Livia n'est pas prête à la raconter. Dans sa tête, des dizaines de scénari  défilent. Et s'il était en train de la piéger ? Il faut qu'elle en soit certaine, des tas de questions restent sans réponse.

-Pourquoi avoir défendu Abbe ? demande-t-elle.

- Je ne l'ai pas défendu. Le jour où Sandre est morte, et que je l'ai appris, je suis allé chez lui. Diego m'a ordonné de le surveiller car il y a quelques temps nous l'avons viré, il devenait un peu trop bruyant pour lui. A l'époque, Abbe n'avait pas trop apprécié cette idée, et il a promis de se venger. Diego, qui m'a à la bonne, m'a demandé de le fliquer et c'est ce que j'ai fait. Je suis arrivé, et j'ai vu que les scellés avaient été enlevés. C'est là que je les ai vus. Steeve, que je connaissais déjà quand il était dans le groupe, était...

Mais elle le coupe.

- Que tu connais ? Ne me dis pas qu'il était encore là quand tu es arrivé auprès de Diego.

-Ca commençait à sentir le vinaigre pour lui. Diego qui est aussi con que le cul d'un babouin avait appris qu'il était gay. J'étais donc là au moment où...

Et il s'arrête, net, comme honteux. Son visage devient sombre, Livia croit voir des larmes aux coins des yeux de l'homme meurtri face à elle.

- Au moment où ils l'ont insulté, continue-t-elle.

-C'est ce qu'il t'a dit ?

Elle hoche la tête et continue de l'observer, elle a l'impression d'assister à une scène qui semble plus affreuse qu'elle ne pensait.

-Livia, c'est encore pire. Je me rappelle de ce jour avec tellement d'effroi. Je ne suis pas un enfant de cœur mais je n'avais jamais vu quelque chose d'aussi affreux. Diego et sa bande ont tout simplement tué cet ado.

-Tué, crie-t-elle.

La pièce vide dans laquelle elle se trouve permet à son cri de faire écho et de laisser planer une tension.

- Pas au sens propre du terme, disons qu'une fois leur sale boulot fini, Louka n'était plus un homme.

- Comment ça ?

Elle pose la question sans trop vouloir vraiment connaitre la réponse.

-Saleté de curiosité pense-t-elle.

- Ils lui ont coupé les parties intimes, et ils ont cautérisé le tout avec une lame de cutter.

- Mais attends, Steeve m'a dit qu'il l'avait quitté, pas qu'il était mort conteste-t-elle.

-Livia, je te promets que je te dis la vérité. Je crois que pour Steeve , c'est plus facile de se dire que l'on se fait quitter plutôt que de perdre la personne qu'on aime par suicide.

- Un suicide ?

- Oui, trois jours après l'agression, alors qu'il était à l'hôpital, il s'est donné la mort. Un coup de lame de rasoir planté dans la jugulaire, il parait que c'était un bain de sang. Son corps a été retrouvé quatre heures après par une infirmière qui faisait sa ronde de soin. Steeve ne se l'est jamais pardonné et il a quitté la bande, je n'avais donc plus une seule personne à fliquer, mais deux.

- Et toi, qu'as-tu fait lors de cette agression ?

-Rien, enfin presque...

Elle sent son sang ne faire qu'un tour.

-Presque quoi ?

- J'avais le briquet pour la lame...

Elle recule d'un pas et glisse sur l'un des journaux. La chute est rapide, et très vite, elle se retrouve les fesses au sol.

-Attends, je vais t'aider dit-il en essayant de la relever.

-Ne me touche pas, hurle-t-elle.

Il la dégoûte, son visage n'a plus rien de sexy, ses mains sont rouges de sang aux yeux de Livia.

-Je n'avais pas le choix !

- Pas le choix, continue-t-elle de crier, tu as tué un gosse.

-Que crois-tu, que je ne sais pas ce que j'ai fait ? Que je ne me dégoûte pas, mais je n'avais pas le choix, c'était lui ou moi. Diego ne laisse personne être contre son avis. Alors oui, je lui ai tendu un briquet puis je suis parti. J'étais complice malgré moi. Après cette bagarre, je suis allé chez les flics pour leur expliquer. Ils m'ont dit de partir faire mon boulot, qu'ils allaient prendre les choses en mains. Sauf que justice n'a jamais été faite, et bien maintenant, je suis là pour me venger.

Et il s'écroule au sol, les mains sur son visage. Livia l'entend pleurer, il la bouleverse tant ses larmes ont l'air vraies.

-Tu n'es pas seul.

Elle lui pose les mains sur ses genoux, il relève la tête et la regarde.

- A ton tour, lâche-t-il dune voix très basse. J'ai été sincère, c'est à toi maintenant.

Elle sent qu'il dit vrai, elle lui doit son histoire aussi.

A deux, ils pourraient peut-être aller plus vite.

Deux esprits vengeurs, deux écorchés de la vie.

La vengeance pour oxygène (histoire terminée)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant