Chapitre 3

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Que se passe-t-il ? Ces gens étaient si gentils à mon arrivée, et maintenant, j'ai droit à des regards hautains, des silences gênants, tout ça pour une simple question sur ses thérapies. Rick termine ses exercices, alors je prépare ce qu'il me faut pour rafraîchir Noha, prends la bassine et la remplie d'eau chaude avant de la poser sur la petite table à côté du lit.

Patrick lance un regard étrange vers le corps inerte sur le lit, sa désolation est perceptible, c'est ce qui arrive quand les patients ne font pas de progrès... Pas forcément parce qu'ils ne le veulent pas, mais parce qu'ils ne le peuvent pas. Rick doit sentir mon attention et tente de me sourire pour chasser son expression précédente. En vain.

- Il a transpiré, dit-il en rangeant ses affaires, je reviens vendredi comme prévu.

- Noha dormira certainement mieux s'il est fatigué, affirmé en souriant au pauvre homme qui me dévisage sans pourtant laisser paraître une quelle conque expression.

- Nous pourrions prendre un verre ensemble, si ça te dit ? Essaye de nouveau Rick et je fronce les sourcils. Quoi ? Il ne risque pas de t'en tenir rigueur, c'est ta vie privée...

- Arrête de parler comme s'il ne t'entendait pas, Rick, tu dois partir, je vais le rafraîchir...

- Bien, chef !

Patrick s'en va, grommelant dans sa barbe, et je m'excuse devant mon patient. Noha n'est pas un attardé, il entend, et comprend les choses. Rick ne se serait jamais permis de me proposer de prendre un verre devant un autre. Quel crétin. Je pose un genou sur le lit, souriant à Noha, je ne suis plus impressionnée par son regard perçant, ni par son silence, je lui enlève son t-shirt, prends le gant de toilette, l'humidifie et revient pour rafraîchir son corps.

Son regard ne quitte pas mon visage, et comme souvent, je me demande à quoi il pense, que se trame-t-il dans cette tête songeuse. Me trouve-t-il niaise ? Il est vrai que j'ai tendance à sourire pour apaiser mes patients. Me trouve-t-il jolie ? Me trouve-t-il aimable... Je rince le gant et remonte sur son visage, c'est le moment que je préfère.

Je peux détailler ses traits sans vergogne, le toucher, profiter de ce regard azuré. L'intensité de celui-ci me crispe le ventre, j'ignore si c'est de plaisir ou de douleur, j'ai l'impression qu'il me parle, qu'il quémande inlassablement la même chose... une chose que je ne comprends pas. J'aimerais tellement pouvoir lire dans son esprit.

- Je vais changer ta perfusion, Noha, et ensuite, tu auras droit à ton traitement...

Ma voix s'éteint car l'air de mes poumons se rétracte machinalement, ébahie, je scrute ce visage stoïque, je cherche ce qu'il m'a semblé apercevoir plus tôt. Noha à écarquillé les yeux, comme si l'effroi l'avait gagné... Mais pourquoi ? Je réfléchis à mes mots, qu'ai-je dis de si terrible ? La perfusion ? Non, c'est pour le nourrir... Le traitement ? Je déglutis, me détourne vers la porte pour ensuite m'abaisser vers mon patient.

- Noha, tu ne veux pas de ton traitement ? Murmuré-je comme si j'avais peur de me faire entendre. Je le dévisage intensément, et... rien ne se produit. Je suis bête, décidément, ce traitement consiste à ...

Une fois encore, mes mots restent en suspens. Je me détourne vers le placard médicinal, Noha me fixe encore, simplement, comme chaque jour, et je me demande si je n'ai pas imaginé ce geste minime. Je débarrasse la bassine, prend un t-shirt et rhabille mon patient, je ne souris plus, je suis bien trop préoccupée, malheureusement, j'ignore ce qui me tracasse autant, ou plutôt, je refuse d'arriver à ce constat.

Ce traitement ne me sort pas de l'esprit, j'ai pourtant lu l'étiquette, j'ai lu l'ordonnance, ce sont des vitamines pour ses muscles afin d'éviter l'atrophie, mais... Une voix au fond de moi ne cesse de me hurler que je me trompe, qu'ils me mentent. Est-ce l'instinct ? Ou alors, cette partie de moi qui espère que Noha pourrait, un jour, se rétablir.

Pour l'amour de l'orOù les histoires vivent. Découvrez maintenant