Chapitre 8

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J'ignore dans quoi je me suis foutue, mais je ne le regrette aucunement. Noha va mieux, il bouge plus facilement, s'assoit tout seul, parle, sourit, et même s'il est assez grincheux, je suis fière de lui et de ses efforts. C'est le troisième jour, et il ressemble à un autre homme. Un homme vivant...

- Eli, je meurs de faim, m'appelle-t-il de nouveau et je lève les yeux au ciel.

J'ai arrêté de lui donner des perfusions, et aujourd'hui, il va pouvoir manger pour la première fois depuis longtemps. Jean n'a pas osé venir pour m'apporter des courses, cependant, il a posé un sac au bord de la forêt, il m'a fallu une demi-heure pour aller les récupérer et revenir. Il est prudent, c'est admirable...

- Eli, pourquoi ça prend autant de temps ? Tu me fais des œufs brouillés, il me semble, pas un repas gastronomique ! Râle encore Noha.

- J'arrive, votre altesse !

Je pose deux assiettes sur le plateau, deux verres, un peu de pain et de l'eau, puisque nous n'avons rien de plus. J'avance dans la chambre, amusée par le regard pétillant de mon malade grincheux, il renifle bruyamment, et sourit. Noha se met à l'aise et lisse la couverture pour que je puisse poser le tout sur ses jambes. Il croit être le seul à manger ?

- Y'en a pour deux ! Me plains-je quant il tire le plateau vers lui.

- Tu rigoles ? S'offense-t-il, puis grogne en voyant mon sérieux. Je prends la plus grande assiette alors !

- Non, tu prends la plus petite, Noha, je ne sais pas comment tu vas réagir à la nourriture, ça fait des années que ton estomac est...

Il ne m'écoute pas, prend la fourchette et pioche dans les œufs pour gouter. Dieu, qu'il est mignon lorsqu'il ferme les yeux et savoure sa bouchée. Je lui rappelle de mâcher lentement, de prendre de petits morceaux, mais Noha est ailleurs, il prend du pain, et mange sans me porter d'attention... On ne dirait pas que c'est juste des œufs brouillés, mais le plus merveilleux des mets.

- Doucement...

Noha soulève de nouveau la fourchette, il me regarde étrangement, pâlit a vu d'œil et j'angoisse. Il tousse une fois, puis deux, baille de dégout et se détourne pour vomir sans attendre. Je saute d'un bond, passe ma main sur son dos pour le rassurer, le cœur empli de chagrin, alors que lui est furieux. Il grogne, frappe sur le plateau qui vole dans un coin de la pièce.

- Merde ! Tu as vu ce qu'ils ont fait de moi ! Hurle-t-il en laissant les larmes inonder son visage. Je ne suis bon à rien ! Je ne suis même plus capable de manger tout seul !

- Calme-toi, Noha, tu as besoin de temps...

- Je ne peux pas ! Réplique-t-il en me faisant face. Je n'ai plus le temps, Eli, j'ai perdu trois années de ma vie... Trois ans, termine-t-il dans un sanglot.

Je ne sais pas comme réagir, quoi dire, car Noha ne me parle pas de ce qu'il a vécu ou ressentit, et j'avais décidé de lui laisser le temps avant d'aviser comment nous agirions au dehors... Nous n'allons pas rester ici indéfiniment. Je patiente le temps qu'il se calme, et comme à chaque fois, Noha évite mon regard lors d'une crise. Je n'insiste pas, je me lève et nettoie le carnage, le cœur lourd... et l'estomac vide. Je n'ai pas eu l'occasion de manger, moi.

Mon portable m'annonce l'arrivée d'un message, je sais que c'est Jean, il doit de nouveau venir aux nouvelles. C'est un numéro que je ne connais pas et hésite à l'ouvrir, puis cède à la curiosité. Mon ventre se noue, c'est bien Jean, il me suggère d'allumer la 4G et de visionner le lien qu'il a fait suivre.

Je reviens aux chevets de Noha, prend place sur le lit et clique sur le lien, un vidéo se met en route, elle vient des flash infos, et il y en a pas mal. La tête blonde et les sombres prunelles de Madame Solis apparaissent, je sens le matelas bouger derrière moi, je ne suis pas seule spectatrice.

Pour l'amour de l'orOù les histoires vivent. Découvrez maintenant