Chapitre 10

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Noha grogne de frustration, mais ne baisse pas les bras.

Depuis le départ de Jean, il ne m'a presque pas adressé la parole, tente de se lever, j'imagine qu'il voudrait aller à la toilette, mais il refuse que je l'aide. A chaque fois qu'il se met debout, ses jambes tremblent, ne supportant pas longtemps le poids de son corps, et il retombe sur le lit tout en jurant, avant de recommencer.

- Je vais prendre la chaise roulante, Noha, et...

- Non !

Il gronde sans lever les yeux, sa voix tremble, il doit se sentir tellement faible, chose que je ne supporte pas, alors je m'agenouille devant lui, trouve ses prunelles perlées de quelques larmes qu'il essuie avec hargne, mais la fuite ne lui est pas possible car je saisis ses mains et attend.

- Tu dois laisser le temps à ton corps de retrouver ses repères, dis-je avec douceur, il a oublié, tout simplement, et notre devoir est de lui rappeler lentement qu'il vit... Ne saute pas les étapes, Noha, les petits pas comptent car la destination est la même que tu cours ou pas.

- Eliane, geint-il presque en serrant mes doigts, je... D'accord, se ravise-t-il, apporte la chaise.

Perplexe et attristée, j'acquiesce et m'exécute. Noha peut se lever, il se tourne avec mon aide et prend lourdement place sur la chaise. Le pauvre grimace, et j'ignore si c'est dû à la douleur physique, ou psychologique. Aucun homme n'aime se sentir aussi faible. Je le pousse à la salle de bain jusqu'à la toilette, et je l'aide à se lever, le tient fermement alors qu'il prend appui sur le mur...

- Aide-moi, s'il te plaît, souffle-t-il.

Sentant mon visage se réchauffer, je déglutis, tente de garder un air neutre alors que tout se déchaine en moi. Bon sang, j'ai déjà fait ça, je ne devrais pas me sentir aussi gênée. Une fois certaine qu'il peut se tenir tout seul, je descends son pyjama, évitant de regarder, saisis sa chose en tentant de viser juste et attend...

Mon malaise augmente car Noha pouffe de rire...

Je dois paraître bien maladroite, derrière lui, alors que son pantalon est à ses chevilles, tenant de deux doigts son sexe, et puis, je ne vois rien, comment viser la cuvette ? Noha rit encore et se détourne pour me voir, la malice présente dans ses yeux fait rater un battement à mon cœur, et mon ventre se noue.

- Tu m'as dit, un fois, que j'étais bien monté, me rappelle-t-il, je suis bouche bée.

- Tu crois que c'est le moment de me parler de ça, couiné-je morte de honte.

- Tu m'y oblige, Eli, en te demandant ton aide, j'imaginais que tu me soutiendrais le temps que je pisse, mais tu t'es précipité sur...

- Oh, ce n'est pas vrai !

Levant les yeux au plafond, j'enlève rapidement mes mains pour les poser sur sa taille. Noha ricane et fait son affaire, mon attention est rivée sur la sombre tête, son cou, ses larges épaules, et son dos fin. Sa taille est vraiment svelte, je sais que c'est le manque de nutrition. Même s'il réapprend à manger petit à petit pour ne plus rendre son repas, ce n'est pas assez pour le grand homme qu'il est.

Trois années gâchées par la faute de sa famille. J'aimerais qu'il me parle un peu de ce moment, qu'il exprime l'horreur subit pour apprendre à oublier, à se surpasser, aller de l'avant en tant qu'être à part... sans menace permanente derrière lui...

- Si tu as terminé, j'aimerais me rasseoir, m'interrompt Noha, je tressaillis, que veut-il dire ?

- D'accord, mais...

- Et bien, puisque je suis les fesses à l'air...

- Noha !

Je l'aide un peu plus brusquement que nécessaire, cela le fait rire. Quand Noha se relève pour s'allonger, le sourire qu'il affiche me brise le cœur, j'ignore à quoi il pense mais cela lui fait du mal. J'aimerais le consoler, je devrais le faire, mais j'ai peur qu'il n'y voie qu'une attache de plus... et bientôt...

Pour l'amour de l'orOù les histoires vivent. Découvrez maintenant