L'or de ses yeux...

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J'essaye de voir l'extérieur, il fait si beau, en tout cas, on dirait. Non, l'hiver est passé, je crois. Oui, il n'y a plus de neige depuis longtemps. Je ne sais plus... Nous devons êtres au printemps. Dieu, que j'aime le printemps. L'air change, se réchauffe, imprime l'odeur des plantes qui revivent.

Maman aussi aimait le printemps.

Si seulement quelqu'un pouvait ouvrir la fenêtre, laisser un peu d'air entrer dans cette prison. Non, la prison, c'est mon corps. Oui, un enfermant à perpétuité pour le simple crime d'avoir été aimé par son père. Je méritais son amour... Je faisais tout pour qu'il soit fier de moi, qu'il ne regrette pas cette promesse faite à l'amour de sa vie...

Maman... Je pense tellement à toi.

Si tu avais pu rester avec moi, j'aurais pu être libre, maman. Si tu avais pu me garder, me voir grandir, faire de moi un homme... J'aurais pu être libre. Pauvre, à tes côtés, et tellement riche par ton amour. Malheureusement, tu as dû partir, tu as dû appeler cet homme que tu as tant aimé, et tu t'es éteinte, le suppliant de m'aimer comme tu m'as aimée.

Il l'a fait, maman.

Papa, m'a aimé...

Il n'aurait pas dû. Mathilde n'a pas supporté que papa soit aussi fier de moi... Et me le fait payer, après l'avoir fait payer. C'est bientôt la fin, je le sens. Encore un peu, et je te retrouverais, maman, toi, et papa... Ils auront gagné.

La porte se fait entendre, et je ferme les yeux et inspire calmement. Ça y est, il est là. Cet homme qui m'ôtera la vie sans le savoir. Mathilde se serre de sa plus douce voix, pourtant, je l'entends, moi, le diable qui est en elle. Les sons qu'elle produit sont trop aiguës, trop démoniaques, et bien qu'elle use des plus belles paroles pour me décrire, je ne perçois que la haine qu'elle me porte.

- Que faite-vous ? L'entends-je dire, agacée malgré le sourire qu'elle doit maintenir.

- J'aimerais me présenter, Noha est désormais mon patient, et je veux qu'il sache que je vais l'aider de mon mieux, que je le traiterais comme un être humain avant tout...

Une douce voix chantonne, j'ouvre machinalement les yeux pour découvrir un visage pâle rougit par l'excitation, ça doit être son premier travail sérieux. Ses cheveux sont bruns, ou noirs, je ne le distingue pas très bien avec la lumière de la fenêtre derrière elle. Ça lui donne un air angélique qui me fait sourire de l'intérieur. Un sourire que je ravale en me souvenant du pourquoi de sa présence...

Ses lèvres s'étirent un peu plus, je remarque leurs couleurs rosées, elle est belle et doit avoir énormément de prétendants. Un étrange parfum sucré émane d'elle, il me donne envie d'inspirer pour toujours. Quand mes yeux croisent les siens, mon cœur à un raté. Ses prunelles ont la couleur de l'or. Je n'ai jamais vu un regard aussi ... riche. J'ai envie de rire tant c'est ridicule.

L'or ne m'a apporté que souffrance, désolation, solitude. J'ai haï la richesse de cette famille, je n'en ai pas voulu après la mort de mon père. Et je me retrouve devant cette jeune femme, dont le regard doré transmet tout ce que la fortune ne m'a jamais accordé : De la chaleur.

Oui, son regard est chaleureux, tellement innocent, je dirais même « aimant ».

Cette femme, qui sera ma perte, est un ange... L'ange de la mort.

- Bonjour, Noha, je m'appelle Eliane, se présente-t-elle. Je vais m'occuper de toi à partir d'aujourd'hui, et je promets de tout faire pour améliorer tes journées...

- Tu as tellement de chance, mon chéri, intervient Mathilde, elle tente de percer cette petite bulle de déni, mais je reste accroché à l'or.

- Je te préviens, je parle beaucoup, sourit Eliane.

Mon ventre se noue, elle est si belle. Pour la première fois depuis longtemps, je me surprends à avoir envie d'autre chose... Si maman n'avais pas dû partir et me confier à mon père, je serais devenu un autre homme. Pauvre, certes, mais vivant... Et j'aurais pu la rencontrer.

Eliane au regard d'or.

Je me serais débrouillé pour attirer son attention, faire en sorte qu'elle me regarde dans les yeux, et partage sa chaleur. Oui, dans cette autre vie, j'aurais aimé rencontrer cette jeune femme, la connaître... différemment.

Quand elle se lève et me tourne le dos, j'ai envie de grimacer, de la retenir encore un peu, de l'écouter avec plaisir... Pourquoi s'en va-t'elle ? Eliane est suivie par ma mère, je sens sa satisfaction par rapport à ma peur, c'est la fin, et elle doit jubiler dans l'espoir de sentir ma peur, mais je l'ignore et observe Eliane ouvrir la fenêtre.

Mon cœur se gonfle de joie, une brise fraiche et délicieusement douce pénètre ma chambre. J'inspire encore et encore, la joie m'envahi et j'ai envie de fondre en larme. J'ai envie de la remercier en chialant... mais je ne fais rien de tout ça, je ne peux rien faire. Je l'observe, tout simplement, et prie intérieurement que cet ange au regard couleur d'or puisse lire dans le mien toute la reconnaissance que je lui porte en cet instant.

- Il fait si bon dehors ! S'exclame-t-elle. J'adore le printemps, sa chaleur, cette odeur légère mais enivrante... comme si chaque plante renaissait, et nous le faisait savoir en propageant diverse senteur...

Elle aime le printemps.

Maman aussi aimait le printemps...

Et moi... Dieu, que j'aimerais sentir le soleil sur ma peau, et inspirer le parfum de la vie qui s'éveille... Encore un peu. Car bientôt, je ne sentirais plus rien...

Pour l'amour de l'orOù les histoires vivent. Découvrez maintenant