Chapitre 21

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C'est le calme plat, il fait beau et tout le monde semble profiter du soleil tout en faisant attention. Je me charge des patients hospitalisés, passe plus de temps que nécessaire avec eux, et allège un peu ces moments difficiles. Ce service comprend des personnes âgées, rares sont ceux qui reçoivent de la visite, et j'aime assez leurs voler quelques sourires...

Quand un visage marqué par le temps rit, j'ai l'impression de voir chaque ride s'éveiller, revivre durant un instant ces émotions passés, et leurs prunelles lasses, épuisées, s'illuminent lentement. Je me surprends à vouloir reprendre les surveillances à domiciles, le visage de Noha m'apparaît aussitôt, alors je chasse cette stupide idée... Pas avant longtemps.

- Bonjour madame Renaud, vous vous sentez mieux aujourd'hui ?

Pour réponse, j'ai droit à un froncement de sourcils, la dame me dévisage jusqu'à ce que je m'approche suffisamment prêt pour qu'elle reconnaisse mon visage, et elle me sourit enfin. Soulagée, je vérifie sa perfusion, ses constantes, tout va pour le mieux, malheureusement, quand elle ira mieux, madame Renaud ne rentrera pas chez elle mais retournera dans l'hospice duquel elle vient.

Je trouve ça injuste, c'est pourtant normal pour la plupart des gens. La roue tourne, comme on dit, et cette femme que la vie n'a pas épargnée était autrefois, selon ses souvenirs, une battante. C'est le ces de toute la gente féminine. Nous sommes fille, sœur, femme, et ensuite mère...

En devenant ce dernier, nous nous accaparons de toutes sortes de tâches. Maman, animatrice, infirmière... Elles mettent tout de côté pour le bien de leurs enfants, s'occupant également du gentil mari, de la maison, du bien-être de chacun. Être mère est la plus belle chose au monde... mais aussi la plus injuste.

Ces enfants tant chéris devraient être présent, ici, avec celle qui à tant sacrifié pour eux...

Je me demande si ma mère en a fait autant ? Certainement... quand j'étais un petit bout. Ensuite, j'ai grandi, et maman s'est rappelé combien sa vie d'avant lui manquait, alors papa m'a élevé, grand-mère également, et vers dix ans, j'ai su me débrouiller toute seules, vivant avec ma mère comme on vit avec un étranger.

Le jour ou maman sera trop vielle pour s'occuper d'elle-même, je la prendrais sous mon toit, parce qu'il y a longtemps, elle m'a porté dans son ventre, à veillé sur l'être innocent et fragile que j'étais... tant pis si elle m'a oublié par la suite. Je refuse qu'une autre personne s'occupe d'elle.

- Je trouve que vous avez repris des couleurs ! Dis-je à la patiente en prenant le temps d'écouter sa réponse. Madame Renaud à du mal à s'exprimer correctement.

- J'aimerais aller à la toilette.

- Vous en êtes sûre ? Demandé-je en ressentant un pincement au cœur, j'observe la poche d'urine, vide comme je m'y attendais. Madame Renaud, vous ressentez peut-être l'envie, mais... Ce n'est que ça.

- Ah bon ? S'étonne-t-elle. Et quand est-ce que je vais manger ? J'ai faim...

- J'ai vu le chariot des repas, ils ne devraient pas tarder à l'apporter, répliqué-je amusée, je suis sûre que vous allez adorer le dessert !

Son sourire éveille en moi ce plaisir d'aider autrui. La reconnaissance dans le regard de l'autre vaut tous les cadeaux du monde. Je la salue avant de partir, promettant que je reviendrais, des prunelles azurées s'incrustent dans mon esprit, je ne veux pas les voir, je ne veux pas me souvenir de cette lueur qui échauffait mon âme.

Quand est-ce que je vais l'oublier ?

Presque une année de ma vie à le voir sur le net, juste pour éteindre ma curiosité, parce qu'il m'a oublié, lui... c'est évident.

Pour l'amour de l'orOù les histoires vivent. Découvrez maintenant