Pour l'amour de l'or

Chapitre 22

J'observe sans gêne la tenue chic mais décontracté de Noha. Son jean semble fait sur mesure car il dessine parfaitement sa silhouette, il a pris du poids. Sa chemise bleue lui va à ravir, surtout qu'elle a exactement la même couleur que ces yeux. Nerveusement, Noha passe sa main sur ses cheveux coiffés négligemment vers l'arrière, je croise son regard, et ce sourire niais...

C'est peut-être ridicule, mais ma première réaction est de reculer. Noha fronce les sourcils, il comprend que je veux partir, m'en aller, fuir, et oublier cette journée. Je ne suis pas tombée sur l'annonce de cet appartement, je n'ai jamais pris rendez-vous... avec une femme... Je n'ai pas revu cet homme sorti tout droit de mon passé.

Le déni, c'est tellement facile lorsque la douleur nous rappelle qu'il ne sert à rien d'espérer. Ma rancune persiste, il faut que je m'en aille avant de lui dire mes quatre vérités. Tout ce que je désire est de le blesser... Mieux vaut éviter ça, et rester sur les bons souvenirs. Sa voix m'appelle, mon corps frissonne, et alors que je décide de tourner les talons et courir en dehors de cet enfer, mon bras est saisi et la porte fermée.

Non !

Je ne peux pas rester enfermé ici.

Je suffoque...

Je ne veux pas...

Sa présence me gêne, comme c'est étrange, dire qu'elle m'a tellement manqué autrefois, dire que je l'imaginais pour apaiser la douleur de mon manque de lui, dire que, honteusement, je cherchais une photo de lui sur le net, juste pour combler ces traits effacés par son absence.

Je n'ose pas lever les yeux, j'ai peur d'affronter son regard, d'écouter ses mots, car l'espoir d'entendre des excuses est trop présent. Je pourrais lui pardonner durant un instant, mais ma rancune me poussera à lui en vouloir pour longtemps... très longtemps. J'aimerais être loin et oublier cette journée, malheureusement, elle existe bel et bien, et tant que je ne lui dirais pas de s'en aller, de me laisser tranquille, même si ça me tuera de le faire, il sera là...

Pourquoi ?

Je l'ignore, et c'est le moment de mettre carte sur table, de se parler, s'avouer ce qu'on a sur le cœur... Et couper le cordon, comme je l'ai fait avec Jean, ça fera mal, mais un jour peut-être... Je pourrais tourner la page. Si je ne l'affronte pas maintenant, je ne cesserais de me poser des questions... J'inspire difficilement pour m'encourager, et relève les yeux.

Dieu, qu'il est beau.

Une année, et l'homme empoisonné que j'ai trouvé n'est plus. Noha dégage une force invisible, il semble sûr de lui, tout son être transpire la puissance, sauf son regard. La culpabilité ternit ses beaux yeux bleus, sa mâchoire se crispe sous le malaise de l'instant, il souffre aussi, je crois, mais pas plus que moi...

J'ai mal à cause de lui...

- Qu'est-ce que tu fais ici, dis-je d'une voix trop aiguë, peu sûr, je relève néanmoins la tête et recule pour lui montrer ma résolution.

- Je... J'ai terminé, Eliane, comme promis, et je ... je suis là.

Sa réponse me laisse perplexe. J'ouvre la bouche et la ferme quelque fois. Sa voix est étrangement calme, un brin trop rauque, et son bégayement me prouve qu'il est autant mal à l'aise que je le suis. Je recule encore, j'ai besoin de m'éloigner de cette odeur, de cette chaleur... malheureusement, quelques pas en arrière ne suffisent pas, comme si tout mon être se rappelait sa présence.

- Noha, soufflé-je en me passant la main sur le visage, je... je ne comprends pas, je... Que fais-tu dans cet appartement ? Pourquoi es-tu revenu ? J'allais bien, je commençais à vivre comme avant... J'avançais ! affirmé-je sans le penser. Je faisais de petits pas, mais je ne stagnais plus, et c'est ce qui importe, alors... Pourquoi es-tu là !