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Mon ventre ne réclamait plus de nourriture. Ma voix, elle, n'émettait plus que des râles allongés. J'étais étalé au sol, étendu comme un mort. Mais mauvaise nouvelle, je ne l'étais pas.

Au-dessus de moi, une ampoule qui ne s'éteignait jamais blanchissait la salle sans nuance ni couleur.

Je gisait dans une boîte blanche avec pour douche de l'eau amer et pour lit le carrelage blanc.

Mes larmes, séchées depuis je ne savais combien de temps, s'effritèrent sur mon visage. Je me mordis la langue. Le goût du liquide de métal roula sur le reste de l'organe, me désaltérerant de la seule eau que je pouvais consommer.

Je me levais et ma clavicule se disloqua. Je me mordis avant de la remettre à sa place d'une poussée, étouffant un cri. Combien de temps étais-je le prisonnier de cette prison sans fenêtre ? Des jours ? Des heures? Impossible de le savoir.

Comme à chaque réveil, je m'approchai des lignes noires formant la porte. J'y ajoutais mes traces d'ongles du jour sur la porte, "S'il vous plaît…" Soufflais-je, "Sauvez-moi."

Parfois il me semblait que quelqu'un veillait de l'autre côté de la porte. Sa respiration parvenait jusqu'à moi, ou des morceaux de conversations fuitaient. Parfois je ne sentais rien. Ce n'était que moi et mon supplice.

Aujourd'hui, quelqu'un écrasait ses chaussures de villes sur les carrelages près de sa porte. Je les entendait.

Un semblant de sourire s'afficha sur mon visage. Je prit mon poignet droit et le frappa contre la porte, "Aidez-moi!"

Les pas s'effacèrent au loin.

Je ne le supporterait pas. Je jetai mon corps contre cette porte et hurlai, "Je ferais tout ce que vous voulez !"

Les pas s'arrêtèrent, puis s'approchèrent enfin  a moi."

On me prit l'épaule et me retournai d'une main de sportif.

Une femme au cheveux blindés de cendre m'avait retourné. Elle releva la tête, révélant un rouge à lèvres orange.

Mes yeux s'écarquillèrent, "Maman!"

Mais ma mère ne ressemblait plus a ce quoi elle était au moment où j'ai fuit Manpo. Son cou était violacée et noir au centre.

"Je suis contente pour toi mon fils. Ce pays à l'air de te plaire. Tu as rejoint l'Opéra, et tu es devenu danseur étoile." Ses doigts pressèrent mon épaule, "Tu as bien fait de m'abandonner."

Je criai et me retournai frapper la porte. Sortez moi de là ! C'était pas ma vraie maman. Cette femme passait ses doigts autour de ma nuque et les serraient.

Des pas se montrèrent ici et là. Je n'y comprenais plus rien, "S'il vous plaît ?"

Le spectre me serra le cou. J'hapais l'air sans pouvoir la respirer, et je pris ses mains; C'était des rochers immobiles, "S'il...vous...plaît..."

La porte spirala sur elle même et se noircie. La prochaine fois que je pus recouvrer la vue, je flottais dans l'espace.

Où était-je encore? La salle blanche n'était pas déjà assez de torture?

Dans un des confins de cette espace-temps, une bobine de cassette se remit en place et se mit à jouer.

Je ne cherchais même plus à comprendre à ce stade.

La cassette crachota un morceau crypté mais dont je reconnaissait les paroles par cœur.

La ballerine
La ballerine qui tourne sous le noir ciel de minuit
La ballerine
La ballerine qui tourne sous le noir ciel de minuit
Et elle tourne
Inconnue
Sous l'opérette
En nuisette
Elle tourne la ballerine.

J'entrepris de les chanter de nouveau quand la cassette se rembobina, "Tu te souviens Song ho? C'était ta berceuse favorite. Quand tu étais bébé, j'espérais que tout les soins que je t'ai apporté n'auront pas été vain."

Une pression s'appliqua sur mon cou, qui se violaça à mesure que l'étranglement me faisait mal.

"Non! Maman arrêtes, Je veux pas!"

Mes membres ne pouvait pas bouger, et chaque étoile s'éteignait, laissant place au vide. À fur et à mesure que la douleur s'installait, mes paupières se fermèrent. J'allais entamer le plus long sommeil de mon existence.

Froid.

De l'eau.

De l'eau froide m'éclaboussa le visage. Je me relevai et hurlais, "Maman ! Maman!" Puis me prit le cou.

Rien. Plus de douleur, ni de marque de corde s'enfonçant dans ma peau.

J'étais revenu dans ma salle blanche. À la seule différence que la porte ait été forcé.

J'étais assis, et la personne au-dessus de moi déposa un seau d'eau sur le sol d'une main, une mitraillette dans l'autre. Il arborait une casquette et un masque dissimulant son nez et sa bouche, comme si le contact avec cette salle était toxique.

Il me fixa et tomba sur ses genoux, "Ils...Ce sont eux qui…?"

Il disait des choses que je ne comprenais pas. Je tournais de l’œil et tombais au sol. La dernière chose que j'entendis fut sa mitraillette marteler le carrelage.

*

Je repris conscience avec une serviette m'épongeant le front, et un matelas sur le dos.

La personne à la casquette me donna une bouteille d'eau de source dont des perles fraîches s'échappaient. Je lui arrachai des mains et le fourrai dans la bouche. J'ai pas pu en boire sans tousser et en recracher la moitié.

"Doucement." Il reprit la bouteille et m'essuya d'une serviette, "Depuis combien de temps tu n'y as pas touché ?" Il prit ma tête pour la soutenir sur ses genoux, puis m'en redonna, comme on le ferait à un enfant.

"Quel jour on est?" C'était agréable de parler sans avoir mal à la gorge.

"Le 1er Novembre."

"Quoi?" Je me remit à tousser.

Mon sauveur amena à moi un plateau de toast et d'omelette.

L'odeur du petit-déjeuner me donna la force de me relever, et je surpris un bandage sur ma clavicule. Il aurait même…? Je touchai le bandage et le regardai.

"Je savais qu'elle était féroce," me dit-il, "mais de là à ne pas soigner ses propres employés…"

Le sauveur s'occupa de moi pendant plusieurs couchés et réveils. Environ 2 jours plus tard je crois, je reprenais des couleurs.

Depuis le temps, personne n'avait surpris l'entrée musclée du sauveur. Ce jour là, nous partageons le déjeuner, "Comment ça se fait qu'il n'y a personne d'autre ici ?"

Il haussa les épaules et avala ses pâtes carbonara, "ils sont peut-être en mission."

"Peut être ?" Lui dis-je, "Je pensais que tu le saurais."

"Pourquoi ça?"

"Tu ne travailles pas ici?" Je touillais mes pâtes avec à fourchette, "Bon, c'est vrai que ça m'étonnerait qu'il ait une personne aussi aimante et compatissante que vous."

Il sortit de son dos deux pistolets qu'il me donna.

"T'as l'air d'aller mieux." Il retira, sous mes yeux abasourdis, son masque et y révéla des lèvres maquillées souriant en coin, "J'avais peur de ne plus avoir ma revanche, d'égal à égal." Il relâcha ses mèches saumon de sa casquette.

Je n'aurais jamais deviner ce qu'il y aurait derrière ce masque. Cette cicatrice lui étirant le sourire jusqu'à son oreille gauche...

C'était la Reine du clan Tai.

"Wei Xiaojian!"

Il retrouva sa mitraillette, "Allez, on y retourne ou quoi ?"

À quoi jouait-il? Je ne pouvais  pas tirer sur celui qui m'avait dorloter depuis des jours!

Je ne pouvais donc rien faire d'autre que de le neutraliser.

*
Ca me faisait du mal de l'admettre, mais pour rester  en vie, je devais neutraliser Wei Xiaojian, la Reine du Clan Zheng Tai.

Wei empoignait déjà sa mitrailleuse, mais ne me visait pas. Qu'est-ce qu'il attendait? Il me fallut un peu de temps pour comprendre qu'il me donnait une ouverture.

D'accord. Il voulait voir si j'étais en état d'attaquer. C'était un cinglé. Je serrais mes pistolets.

L'autre dut s'amuser de mon regard déconcerté car il sourit. Enfin, il n'avait pas besoin d'étirer trop ses lèvres pour donner l'impression qu'il souriait. Et c'était effrayant.

Quoi qu'il en soit, il fixa mes pistolets, attendant de voir ce que j'allais en faire. Wei Xiaojian leva son arme et je fuis comme un peureux.

Il bondit et me pourchassa, "Essayes au moins!"

J'avais pas envie d'essayer de me battre à mort, moi. Non merci! Je préférai hurler en demandant de l'aide au personnel de la Firme…que je ne vit pas.

Je ne les trouvais nulle-part. Pas étonnant que le Clan Tai à put s'infiltrer dans le bâtiment si personne ne le surveillait.

"Comme on dit, personne ne t'entendra hurler."

Je continuais de courir, la respiration peinant à chaque bouffée d'air.

Je traversait le couloir à l'hologramme: personne; La cafeteria : personne. Je vérifiais les chambres et ce fut encore les même réponse à mes appels: du vide.

Je fis le tour de toute les chambres et revint vers l'entrée de la Firme, "Jieung-yong ! Ils sont passés où eux tous…Merde!" Je me retournai. Inlassable, Wei s'arrêta à quelques mètres de moi. Une possibilité lugubre m'éclaira. Aurait-il osé tous les…

Encore une fois, Wei croisa mon regard confus et montra ses dents. Il me tira dessus.

Je fus un Tombé arrière mais je retombai sur les fesses.

L'autre ne se fit pas prier pour viser une seconde fois.

Je lui tendis la main et cherchai quelque chose, n'importe quoi pour lui faire baisser son canon, "Tes…Tes toasts étaient délicieux !"

Wei sortit son œil de son viseur. Parfait !

"Croustillant à l'extérieur et moelleux à l'intérieur, c'était vraiment un délice. Et le beurre fondu sur la mie…J'aurais pas pus rêver mieux. J'aimerais manger plus de ta nourriture." Je me relevais, doucement, "Je m'excuse pour tout ce que je t'ai fait. On fait la paix?"

Il remit son œil dans son viseur, "T'excuses pas si tu sais pas de quoi tu parles. Par ta faute, Tai m'a descendu au statut de Tour."

"Ils t'ont renvoyé ?"

"Évidemment ! Tu crois que le grand Zheng Tai aurait voulu se protéger avec un bouclier en plastique ? Ils ont même pas vérifié que j'étais mort et mon mit dans un cercueil. Un cercueil ! Après toutes ces années, ça me saoule de savoir qu'il a peur de toi au point de me lâcher."

"Peur…de moi? Ça m'étonnerait," La seule pensée de son regard sournois l'insupportait, "c'est lui qui m'effraie. Il va tuer ma-"

"La ferme! Laisse-moi parler."

Je me tus.

"Je ne peux pas le laisser continuer de croire que j'ai perdu contre un bleu." Il tira.

Je couru. Encore une fois, ce couloir devint le décor pour les actes horrifiques qui devait s'y jouer. Peu de temps encore, des lambeaux de chair pendaient aux murs, et des corps reposaient sous d'énormes blocs de roches.

Je devrais arrêter, sinon j'allais me faire vomir. Je fermais mes yeux, et une idée parcourut mon esprit.

Wei visait toujours dans sa mitrailleuse. C'était comme si il faisait tout pour éviter de combattre au corps à corps.

Je me cachai derrière le pilier que j'avais brisé ce jour là. Se cacher était un bien grand mot, car la future Reine me suivait du regard, "Qu'est-ce que t'as? T'es désespéré ?"

Il s'avança, mais que de quelques pas, comme je l'avais prévu.

Il me visa, et je tirai au plafond. Les débris d'il y a des semaines s'accumulèrent sur sa figure et l'écrasèrent.

"Désolé !" S'il bougeait encore, je serai dans la mouise.

Mais il ne bougea pas. Le bourdonnement du silence entra dans mes oreilles.

Je sortit de la vrai-fausse cachette et surpris un filet de sang s'échapper de la où devrais reposer son crâne. Mon propre sang blanchit.

Je me jetai au sol, "La Reine! Je suis un monstre. Il ne voulait que rester loyal à son roi et je…"

"Qu'est-ce que tout ce bruit?"

Les pas talonnées de la Patronne submergèrent le couloir. Elle me vu dehors et bien portant. Quand à moi, je me sentais déjà moins bien en la voyant.

"Qu'est-ce que tu fais dehors?" Elle sortit son smartphone, "Ah c'est vrai, on est dimanche."

"Dimanche? Vous m'avez laisser mourir 48 heures de plus?"

"T'as vu c'est scandaleux."

Un Jieung-yong bronzé et son partenaire aveugle entrèrent dans la scène dramatique.

La Patronne leur lancèrent des poignard des yeux, "Bah quoi on est pas les seul en retard, hein? Moi je dis ça, je dis rien."

Le Puma ouvrit les salles. Il appela le personnel, et constata comme moi que personne à part nous n'y vivait. Il frappa un casier d'un coup de pied et en sortit un agent, pieds et mains liées, bouche scotché. Il avait les joues creuses, comme s'il n'avait pas mangé depuis des jours.

Il lui arracha le scotch, "Tai ! La Reine…Se venge…"

"La Reine ?" Répéta le Puma, "Seul?"

L'otage acquiesça. Cette histoire fut confirmé par d'autre otages, logeant dans les casiers derrière d'autres portes.

La Patronne me fixait. Je ne voulais pas revenir dans la salle blanche. C'était pas ma faute, "...C'est lui qui m'en as fait sortir. Il m'a donné à manger car il voulait un deuxième round." Je baissais mon regard vers le fleuve rouge empourprant mes genoux, " Et maintenant je crois qu'il est…"

"Oh ça, c'est rien." Elle mit un coup de pied dans les débris.

J'hurlais.

Le mort bougea, "T'es bruyant, Yoh Song-ho."

La Patronne pouffa, "La Reine à les pire réflexes de l'histoire."

"Nadine Ndongo !" L'homme blessé s'agita.

"Oui. Et puisque tu as perdu une nouvelle fois, tu ne sera jamais accepté dans le clan de nouveau. J'ai une proposition à te faire."

"Ils m'accepteront. Il m'acceptera...en temps que Tour."

Elle jeta les débris pierre par pierre, "Je croyais que tu voulais fuir les Tai?"

"Pourquoi le voudrais-je?"

"Tu sais de quoi je parle. C'est tout à fait normal de partir après ce qu'il t'a fait. Vas y, soit indépendant. Je te soutiendrait."

Il garda le silence tandis que la Patronne découvrit de plus en plus son visage résolu.

Jieung-yong, le Puma et moi échangèrent des regards confus.

Wei put s'asseoir, "J'accepte."

Elle rit, "Parfait !"

Je ne cru pas ce que je vus. Comment ma Patronne pouvait faire une chose pareil? Non, j'avais tout faux.  En fait, je n'avais jamais connu cette femme. Les tourments ne se finiront peut-être jamais avec elle.

"Si vous étiez vraiment du côté de la Firme, vous n'auriez jamais fait ça." Jieung-yong dit ce que tout le monde pensa tout bas.

Le Puma lui scella la bouche, "Ce qu'il veut dire c'est : Pourquoi devrais-t-on accepter la Reine comme ça, sans protester?"

La Patronne posa son regard sur le nouveau venu, "Parce que ce n'est plus une reine, mais notre pion final. Et tu sais Song-ho, Xiaojian pourrait t'apprendre à tirer avec sang-froid."

Je mordis ma lèvre. Maudit Xiaojian. Je crois que j'aurais préféré que tu disparaisse.

Du Sang sur les Pointes [Hiatus]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant