Chapitre sept.

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Écrit en mai 2018.
Corrigé en septembre 2018.

Maman vient d’accoucher de son dixième enfant. Son rêve est d'en avoir trente avant de mourir. Les humains sont plus faibles que les bêtes. Ils vivent moins longtemps mais sont si fascinants.

Papa nous a formellement interdit d’approcher maman pour l'instant. Son instinct animal le submerge quand elle est enceinte ou quand de accouche. Je retrouve donc Ridzac pour poursuivre mon entrainement. Même si je suis un combattant dans l’âme, je dois devenir plus fort chaque jour. Tsukumo m’encourage du regard. J’ignore si quelque chose à changer entre nous mais je me sens mieux en sa présence. Mais il est toujours aussi inexpressif, même si je suis content de le découvrir un peu plus. Cela me donne des forces et une bonne raison pour me battre chaque jour. Je comprends l’habitude de mon père, ce désir de protéger et de préserver un être cher.

—Oh !

Trop plongé dans mes pensées, je ne remarque pas le coup de Ridzac qui frôle ma gueule à pleine vitesse. Mon entraîneur à le réflexe de s'arrêter à temps avant de me ramener à l’ordre.

—Tu es trop dispersé, Aranaël !

Je me tiens devant lui. Il est mon exemple dans ce domaine et je ne veux pas le décevoir. Ridzac est un peu comme un oncle pour moi, et Loïck de même. Ils sont peut être  sévères avec moi mais c'est pour le bien de mon apprentissage.

—J'admire ta détermination mais sois plus attentif. Ce sera tout pour aujourd’hui, dit Ridzac en rangeant sa lance dans son dos.

Tsukumo arrive avec un mouchoir en soie et essuyer ma gueule.

—Ne force pas trop sur ton bras, Tsukumo, le prévient Loïck.

Loïck ne participe pas physiquement aux entraînements depuis peu. Un peu plus âgé que notre mère, il mani l'épée que Ridzac lui a offert dans sa jeunesse. Il m'observe pendant les entraînements, en tenant la main de sa fille qui a déjà quatre ans. Et elle va bientôt devenir grande sœur car Loïck ne peut plus cacher son ventre arrondi.

—Papa !

Elle se met à réclamer les bras de son père et comme il ne peut rien lui refuser, il cède à son caprice.

—Les êtres qui se détestent le plus sont amenés à s’aimer.
—Hein ?

Je regarde Loïck en tentant de comprendre ses paroles. Le compagnon de Ridzac a toujours été étrange et capricieux. Il s’engueule souvent avec la bête au pelage clair, mais s’aiment autant que mes parents.

—Tu l’aimes ? Me demande-t-il.
— Hein ?

Tsukumo s’est éloigné pour avec leur fille, blottie contre Ridzac.

—Ne fais pas ton ignorant veux tu ? Je  parle de Tsukumo.
-—Ah, heu…

Je me suis confessé à lui la dernière fois. Bon, je reconnais que j'ai triché mais je me suis quand même livré à mon serviteur.

—Tsukumo est un garçon très calme et discret. Je pense que c'est sa différence qui le rend aussi froid et inexpressif.
— Je l'aiderai.

Il sourit.

—Dans ce cas, met toute cette détermination dans ton apprentissage pour le protéger.

Avant, je n’avais pas de raison de me battre. Ou du moins, je ne l'acceptais pas. Mais maintenant, je suis déterminé à prendre soin de Tsukumo et à lui prouver que je suis le partenaire qui lui faut.

À ma manière, je compte le séduire.

— Ta fille a le même caractère que toi.
— Évidemment puisque je l'ai mise au monde.

Ses cheveux noirs contrastent avec le pelage clair de son compagnon. Ses yeux rouges me rappellent ceux de mon père. Loïc a une apparence sombre mais son caractère est tout  l'inverse de son physique. Secrètement, il a le cœur sur la main.

— Nous allons y aller, elle ne dormira jamais ce soir sinon ! Crie Loïck après Ridzac.

Nous saluons nos deux amis avec leur fille avant de rentrer. Dans mes appartements, Tsukumo prend le temps de nettoyer ma lance. Elle est couverte de poussière mais magnifique. Cependant, la beauté de Tsukumo est bien au dessus.

—Ne force pas sur ton bras, Tsukumo.
—Je sais, Monsieur. Je sais...

***

Comme chaque année où les feuilles s'ouvrent pour la première fois, maman s’absente avec un bouquet de fleurs à la main. Tsukumo est encore affaibli alors je l'ai laissé se reposer pour aujourd'hui. Je ne connais pas tout de ma mère alors je décide de l’accompagner sans en parler à personne. Même elle ne sait pas que je la suis discrètement à travers le jardin qui mène dans les bois.

—Je sais que tu me suis, Aranaël.

Je suis démasqué et rapidement, je retire ce que je viens de dire. Malgré ma tentative de furtivité, elle a détecté ma présence. Je rejoins ma mère qui semble contente que je l’accompagne et elle m'accueille par un magnifique sourire.

Ces fleurs qu'elle tient sont magnifiques. Jamais elle n'a changé de model et cela semble important pour elle. Je connais le passé de maman mais dans les grandes lignes, certaines choses restent un mystère pour moi.

—Tu vas où avec ton violon, maman ?

Elle le porte toujours contre elle à cette période quand elle s'absente.

Soudain, elle s’arrête et me sourit.

—Sur la tombe de ma sœur, je veux jouer pour elle.

Je reste la gueule entre ouverte. Je ne savais pas que maman avait… une sœur. J’ignore encore tant de choses sur mes parents, leur histoire et celle de notre royaume. Mais également les détails sombres de leur passé. Je sais que ma mère connait mon père depuis son plus jeune âge et jamais, ils n'ont pu se quitter.

—Je vais te la présenter, suis moi. Me confie-t-elle.

Elle passe devant moi pour me guider. Nous empruntons le petit bois près de notre palais, juste derrière le jardin, avant d'arriver au dessus d'une colline. Les fleurs habillent cette végétation, rendant cet espace paradisiaque, presque trop magnifique pour moi. On peut penser que c’est un coin reculé du monde où vivent les animaux, où le vent danse mais ce lieu est relié au palais. Les papillons battent des ailes, les oiseaux piaillent et les petits animaux courent à travers les chemins. Ici, règne paix et sérénité. Tout le reste devient abstrait.

Maman observe un instant la magnifique vue qui s’étend sur l'horizon avant d'arriver au sommet, où se trouvent deux tombes. Quand je la rejoins, j'y aperçois des fleurs fraîchement déposées, différentes de celles qui nous entourent.

—« Elisabeth », lis-je à voix haute, sur la première tombe. « Quartaffel », Continue-je sur la deuxième.

Ce sont les prénoms d’une femme et d’un homme. Ils sont enterrés l'un à côté de l’autre. Je n’ai pas de mal à comprendre qu'il s'agit d’âmes sœurs.

Maman s’agenouille face à eux, avant de toucher les pétales d'un sourire innocent qui vient étirer ses lèvres. Ce regard et cette expression si profonde me bouleversent. Maman est pensive et cette Elisabeth semble terriblement importante à ses yeux.

—Approche, mon chéri.

Je sors de mes pensées avant de la rejoindre. Le vent commence à se lever, contrebalançant avec cette chaleur étouffante. La brise fait valser les hautes herbes ainsi que les pétales qui nous entourent comme pour nous protéger.

—Laisse moi faire les présentations.

ARANAËL ET LE GARÇON AUX CHEVEUX BLANCSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant